I- le droit d'usage et d'habitation : un droit personnel issu de la volonté de son propriétaire
- Un droit personnel aux conséquences diverses
1°- Les conséquences directes
Seul le titulaire de ce droit, des membres de sa famille proche (enfants, conjoints) ou des tiers mentionnés dans l’acte pourront utiliser le logement.
Pas de cession, de donation ou de mise en hypothèque de ce droit
Pas de location possible du bien occupé dans le cadre de ce droit
La renonciation à un droit d'usage au profit du propriétaire pourrait se concevoir, moyennant éventuellement une rente viagère.
2°- La différence avec l’usufruit qui est un droit réel
L'usufruitier peut donc le vendre, le transmettre à titre gratuit, voire même le donner en hypothèque. Rien de tel avec le droit d'usage et d'habitation.
- Pourquoi ce droit est il avantageux ?
1°- d’un point de vue fiscal
a) Parce que la valeur fiscale est égale à 60% du montant de l’usufruit viager
Pour le calcul des droits de transmission à titre gratuit (donation ou succession) ou à titre onéreux (vente), le droit d'usage est assimilé à l'usufruit, les parties devant utiliser le barème administratif.
A cette différence près, importante : pour les droits de donations ou de successions, le droit d'usage est évalué à 60% de la valeur de l'usufruit viager.
b) Parce que la présomption de conservation de l’usufruit des parents issue de l'article 751 du CGI ne s'applique pas, aux transmissions portant un simple droit d'usage et d'habitation
En effet, ce texte répute fictive la vente ou la donation par un parent de la nue-propriété d'un de ses biens à un enfant tout en en conservant l'usufruit.
Autrement, dit, l'enfant devra payer des droits de succession au décès de l'usufruitier, comme s’il avait été propriétaire directement,sauf s'il parvient à prouver la réalité de l'opération ou s'il s'agit d'une donation intervenant plus de trois mois avant le décès du nu-propriétaire.
2°- d'un point de vue civil,
Alors que les ventes à un enfant avec réserve d'usufruit sont assimilées à une donation déguisée , sauf acceptation par les autres enfants de cette vente, il en sera tout autre du droit d’usage conservé.
C ) La naissance de ce droit
1°-du vivant du propriétaire :
-par vente, ou donation à un tiers
- par vente ou donation de la propriété en se réservant un droit d’usage
2°- au décès du propriétaire ou par la volonté du propriétaire ou de la loi
Ainsi par testament pour le concéder à un tiers ou au conjoint.
II-Les charges découlant du droit personnel d'usage et d'habitation
- Réparations et entretien
1°- définis par la loi pour l’usufruit
Article 605 du Code civil :
"L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire. (...) Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien."
2°- définis par le contrat pour le droit d’usage
La charge des réparations est librement établie par les parties et précisée dans l'acte établissant le droit d'usage.
D'où la nécessité de bien préciser les devoirs de chacun au départ, pour éviter d'éventuels litiges. Seule exception : les immeubles en copropriété, où la loi met à la charge de l'usager les frais de fonctionnement et les travaux d'entretien. Il n'en demeure pas moins que, dans tous les cas, l'usager devant jouir du logement "en bon père de famille", doit assurer un minimum d'entretien.
- Fiscalement
Comme l'usufruitier, l'usager du logement est redevable de la taxe d'habitation ainsi qu'éventuellement, de l'ISF , le bien étant pris en compte pour sa valeur en pleine propriété.
Pour la , taxe foncière c'est en principe le propriétaire qui en est redevable vis-à-vis des services fiscaux. Mais il peut en demander le remboursement au titulaire du droit d'usage sur la base de l'article 635 du code civil .
Lorsqu'au moment du décès, le conjoint survivant, occupait le bien propriété de son conjoint seul ou indivise, la loi a permis d'envisager deux droits différents:
Un droit automatique d’ordre public d'usage temporaire d'une année,(art 763 du code civil) puis , un droit d'usage et d'habitation viager...(III)
III- L’option pour un droit d’usage et d’habitation viager au-delà de l'année du décès du conjoint, au bénéfice de celui qui occupait le bien à l'époque du décès.
A) L'option du conjoint survivant pour le droit d'usage et d'habitation du domicile
1°- Un délai d'option une année après le décès
A l’issue de l’année qui suit le décès de son conjoint, le conjoint survivant dispose d’un droit d'usage et d'habitation sur le logement familial et son mobilier, et donc le droit de l’occuper jusqu’à son décès, ou de le louer.
Il devra cependant opter pour ce droit d'usage et d'habitation qui succèdera à l'occupation temporaire dans l'année du décès. (article 765-1 du code civil)
Une fois acquis, même en cas de remariage, il garde son droit.
Dans ce cas, la valeur de ces droits s'impute sur celle des droits qu'il recueille au titre de la succession.
Toutefois, si elle excède les droits qu'il recueille au titre de la succession, le conjoint ne doit rien aux autres héritiers.
2°- Une option concevable sauf volonté contraire du défunt par testament ou en cas de propriété indivise du bien
Dans deux situations le conjoint peut perdre ce droit.
-- par disposition testamentaire
-- si le logement était détenu par le défunt en indivision avec un tiers (ex suite à un deuxième mariage).
article 764 du code civil
"Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
La privation de ces droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier alinéa est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité, qui continuent à obéir à leurs règles propres...."
Article 765 du code civil
La valeur des droits d'habitation et d'usage s'impute sur la valeur des droits successoraux recueillis par le conjoint.
--Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est inférieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint peut prendre le complément sur les biens existants.
--Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est supérieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint n'est pas tenu de récompenser la succession à raison de l'excédent.
Article 765-2 du code civil
Lorsque le logement faisait l'objet d'un bail à loyer, le conjoint successible qui, à l'époque du décès, occupait effectivement les lieux à titre d'habitation principale bénéficie du droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
B) La demande de conversion du droit d'usage et d'habitation en rente viagère
Article 766 du code civil
Le conjoint successible et les héritiers peuvent, par convention, convertir les droits d'habitation et d'usage en une rente viagère ou en capital.
S'il est parmi les successibles parties à la convention un mineur ou un majeur protégé, la convention doit être autorisée par le juge des tutelles.
Ce droit d'usage, au même titre que l'usufruit, peut être converti en rente viagère ou en capital avec l’accord avec des héritiers. Il sera évalué.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD
Avocate au barreau de Paris