Parmi les nombreux autres fichiers qui emprisonnent des données sur l'identité de la personne, le fichier National des Empreintes Génétique ou FNAEG créé en 1998 avait pour vocation initiale de centraliser les empreintes génétiques issues des traces biologiques ainsi que les empreintes génétiques et de viser les pédophiles et de recenser l'ADN (L’acide désoxyribonucléique=molécule dans les cellules ) des condamnés définitifs pour des infractions sexuelles.
Ce fichier a été étendu en 2001 et 2003 à de nombreux autres crimes et délits définis à l'article 706-55 du CPP , si bien que la police relève systématiquement l’ADN de toutes les personnes en garde à vue, alors qu'en réalité une personne non condamnée à titre définitif est présumée innocente.
Le prélèvement se fera par frottement de l’intérieur de la joue avec une languette de bois. Les empreintes seront complétées d'autres informations :
les nom, prénoms, date et lieu de naissance, filiation et sexe ; le service ayant procédé à la signalisation ;la date et le lieu d'établissement de la fiche signalétique · la nature de l'affaire et la référence de la procédure.
Les articles 706-54 al 1 et suivants du code de procédure pénale l'envisagent.
Le refus de s'y soumettre ,même s'il n'est pas fréquent ( environ 10%) reste sanctionné par l'article 706-56 CPP à'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Lorsque ces faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
En réalité, les tribunaux prononceront des peines bien moindre de l'ordre de 500 euros d'amende !
La question qui se pose est de savoir si ce type de prélèvement est abusif et porte une réelle atteinte à la personne.
Le conseil constitutionnel est intervenu sur cette question le 16 septembre 2010...
I- Le paradoxe légal en opposition au fichage ADN avant la saisine du conseil constitutionnel
ll appert pourtant que ce type de prélèvement en tant que tel constitue une atteinte à la vie privée,aux droits de l'homme.
Il doit être de ce fait très encadré et tout abus de pouvoir, ou discrimination devrait être sanctionné.
A) Une liberté constitutionnelle
La liberté individuelle est une garantie constitutionnelle, que doit respecter le juge gardien desdites libertés ( article 66 de la constitution)
B) Une protection Internationale
article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales
1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
C) Une protection dans le droit national
1°- Les textes
article 9 du code civil : droit au respect de la vie privée
Chacun a droit au respect de sa vie privée.Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.
La protection de la vie privée englobe en effet à la fois la vie personnelle ,famliale, sentimentale, conjugale, le domicile.
Ce droit est reconnu a toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes et à venir "toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée 1ère Civ, 23 octobre 1990, Bull. n° 222
Chacun a droit au respect de son corps.
Le corps humain est inviolable.
Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial.
Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui.
Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir.
Rappel: les articles 226-1 et suivants du code pénal sanctionnent la violation de la vie privée
2°- Le controle du fichier par un magistrat, qui doit veiller au respect de la liberté individuelle et sanctionner les abus.
Ces abus passent par le refus justifié pour motifs légitimes de s'y soumettre, mais aussi par le défichage de la personne.C'est ce que nous examinerons prochainement.
Le juge des libertés et de la détention veillera.
D) Un délit continu très mal perçu justifiant le "harcèlement" du procureur de la république.
Refuser de donner son ADN est un « délit continu » si bien qu'une personne , nouvellement convoquée qui refuse le prélèvement, peut se voir poursuivie pour chaque refus et sera susceptible d'une condamnation du délit en récidive.
II Les empreintes génétiques et la jurisprudence des hautes juridictions
A) La cour Européenne des droits de l’Homme : CEHD 4 décembre 2008, S et MARPER/Royaume Uni
a statué sur une requête d’effacement des données personnelles (empreintes digitales, échantillons et profils ADN) de deux citoyens britanniques, conservées dans les banques des données de la police.
La conservation illimitée des données de personnes non condamnées est reconnue comme une violation du droit à la protection de la vie privée.
Cet arrêt est essentiel, car il vient fixer des limites à la « simple conservation » des données privées.
Des durées "raisonnables" devront être envisagées.
Le FNAEG permet de conserver les informations pour une durée de 40 ans pour les personnes condamnés et 25 ans pour les personnes mises en cause
B) Le Conseil Constitutionnel : décision du 16 septembre 2010 (2010-25 QPC)
Saisi le 17 juin 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12071 du 11 juin 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Dans sa décision sur l’examen des dispositions ayant institué le FNAEG : article 706-55 du CPP et articles 706-54 et706-56 du Code de procédure pénale, dans leur rédaction antérieure à la loi n°2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale, le conseil constitutionnel les a jugés, conformes à la Constitution).
Les dispositions ne portent pas atteinte au principe de la « rigueur nécessaire » de l’article 9 de la déclaration des droits de l’Homme, sous deux réserves concernant l’ application des dispositions.
1) La liste des infractions doit être strictement limitée à certains crimes et délits définis par l’article 706-55 du code de procédure pénale (crimes sexuels ou crimes de sang principalement), les simples contraventions ou les délits non spécifiés dans cet article ne pouvant conduire à un prélèvement.
L’expression « crime ou délit » employée par le législateur ( article 706-54 CPP sur le (prélèvement aux fins de rapprochement avec les données du fichier) doit être comprise comme renvoyant à une liste limitative d’infractions figurant dans l’article suivant du code de procédure pénale, également soumis au contrôle du Conseil (cons. 19).
2) La durée de conservation des empreintes doit être fixée par décret : pouvant aujourd’hui aller jusqu’à 40 ans pour un condamné et 25 ans pour un suspect, cette durée devrait désormais être proportionnée à la nature et à la gravité des infractions et s’adapter aux spécificités de la délinquance des mineurs.
Il appartient donc au pouvoir réglementaire, de préciser notamment la durée de conservation des informations enregistrées, de « proportionner » cette durée, « compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées tout en adaptant ces modalités aux spécificités de la délinquance des mineurs » (cons. 18).
autre article à consulter sur ce thème : LE REFUS DE SE SOUMETTRE A UN PRELEVEMENT ADN DESTINE AU FICHIER FNAEG ET LA REPRESSION.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris