I-Jusqu'a Ass Plénière, 3 juillet 2015, la Cour de Cassation interdisait toute filiation qui découlait d’une GPA légalement pratiquée à l’étranger
Cette attitude découlait de la proscription légale de la GPA, la cour de cassation interdisait de valider la reconnaissance de toute filiation qui découlait d'une GPA pratiquée à l'étranger.
A) Le principe de la GPA heurte l'indisponibilité de l'état de la personne et du corps humain.
1°-De quoi s'agit-il ?
Une mère porteuse porte l'enfant d'un couple qui lui a fourni ses embryons. Elle assure le développement in utéro de l'embryon, jusqu'à la naissance, puis, remet l'enfant à la « mère génétique » et à son père.
Les embryons sont conçus avec des spermatozoïdes du mari et les ovocytes d'une donneuse.
La gestation pour autrui, est donc une méthode d'assistance médicale à la procréation qui reste pratiquée en cas d'infertilité féminine liée à l'absence d'utérus, ou à sa déformation.
2°- Les principes de notre droit
La primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.
De ce point de vue, le corps humain est inviolable et ses éléments et produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial.
Les lois bioéthiques interdisent depuis 1994 la pratique des mères porteuses.
.Article 16-5 du code civil « Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ».
Article 16-7 du coder civil : Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle.
Article 16-9 du code civil: Les dispositions du présent chapitre sont d'ordre public
B) Jusqu’au 3 juillet 2015 , la position inflexible de la cour de Cassation consistait à laisser pour compte les enfants issus de GPA à l'étranger en respect du droit national qui étaient des enfants « fantômes ».
Au regard des lois bioéthiques la position de la cour de Cassation prenait en compte les conséquences.
Le corps humain étant une chose hors du commerce, il ne peut faire l'objet de conventions lucratives. Autrement dit, Il est indisponible.
Assemblée plénière, 31 mai 1991 N° de pourvoi: 90-20105 Alma Mater ,
« La convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes",
Comme sont nulles et non avenues toutes conventions de GPA et comme la loi nationale prime sur l'acte acte de naissance établi en exécution d'une décision étrangère, qui comporte des dispositions heurtant aux principes essentiels du droit français, alors la transcription à l'état civil devenait impossible au regard de dispositions légales d'ordre public, relatives au respect du corps, inviolable portées à la section " Du respect du corps humain" articles 16 à 16-9 du code civil.
L'inflexibilité se voyait encore dans des arrêts récents de la Cour de cassation 1ere Civ, 13 septembre 2013, N° pourvois N° 12-30.138 et N° 12-18.315 et 3 espèces: 1ère Civ, 6 avril 2011 pourvois N°09-664 86, 09-17.130, N° 10-19053: parce que la GPA heurte les principe fondamentaux du droit civil .
Dans ces trois arrêts , des époux français avaient conclu, conformément au droit américain, une convention de gestation pour autrui, homologuée par le juge étranger, prévoyant qu'après la naissance de l'enfant, ils seraient déclarés dans les actes d'état civil étrangers être les parents de cet enfant..
Les actes de naissance étrangers ayant été transcrits sur les registres d'état civil français, le ministère public avait demandé l'annulation de cette transcription pour contrariété à l'ordre public international français.
Les cours d'appel ont annulé ces transcriptions ou en ont refusé la transcription en France en considérant que l'ordre public français s'y opposait.
Dans le pourvoi N° 10-19053, les époux Menesson, parents Français de jumelles nées en 2000 par mère porteuse aux Etats-Unis, sont déboutés.bien que le certificat de naissance des jumelles avait été établi au nom des parents. La cour de cassation, juge du droit a refusé la transcription sur les actes de l'Etat civil Français, si bien que ces enfants innocents sont considérés comme des fantômes laissés pour compte...
"en l'état du droit positif, il est contraire au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d'autrui, qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public"
Cette décision, allait dans le sens de 1ère Civ, 17 décembre 2008, pourvoi N° 07-20.468
Les arrêts de la cour de cassation touchaient ainsi à la fois à la morale, au conservatisme et aux principes fondamentaux de notre droit qui reconnaît le principe d'indisponibilité de l'état de la personne même si des juridictions éparses s’étaient désolidarisées de ce principe en admettant la transcription à l’encontre des juges du fond: TGI de Nantes, 10 février. 2011, n° 10/06276.
Malgré tout comme exposé,les décisions étaient rendues au visa des articles 16-7 et 16-9 du code civil qui interdisent la marchandisation du corps, si bien que la Cour maintenant ses positions strictes refusait d'autoriser la reconnaissance juridique en France des conventions de mères porteuses légalement pratiquées à l'étranger. En l'état du droit positif..
"est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l'aboutissement, en fraude à la loi française, d'un processus d'ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d'autrui, convention qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public".
Pour la haute juridiction le ministère public pouvait engager une action en contestation de paternité lorsqu'il est en possession d'éléments suffisants pour prouver que la filiation naturelle du père n'existe pas car
"ni l'intérêt supérieur de l'enfant, ni le respect de la vie privée et familiale ne sauraient être utilement invoqués" pour que cette fraude à la loi française ne soit pas relevée.
Avec l'évolution; l'intérêt supérieur de l'enfant prime, et le principe s'inverse. La filiation des enfants issus de GPA à l'étranger est de droit.
C'est au parquet de contester pour des motifs sérieux et légitimes .
II L'Assemblée Plénière, 3 juillet 2015 s'est alignée sur la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de L'Homme
A) La CEDH admet l’existence juridique des enfants laissés pour compte issus de GPA à l'étranger sans légaliser le principe de la GPA
La CEDH a admis la reconnaissance à une existence juridique sur les actes de l’Etat civil, sans préjuger la loi nationale
Elle avait condamné la France en vue de faire cesser l'aléa juridique qui concernait de nombreux couples et enfants issus de la GPA à l'étranger par le biais d'une convention juridique à l'étranger,
Ces enfants pourront désormais voir reconnaître leur filiation, dans le cadre d'une transcription sur les actes de l'Etat civil en France.
1°) La primauté de la loi européenne contredisait notre droit national
Rappelons que :
L'article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose:
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
C'est pourtant ce texte que l’avocat général avait invoqué lors de l'audience du 8 mars dernier « droit au respect de la vie privée et familiale », garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) du 20 novembre 1989, prévoit une protection et un traitement égal des enfants, quelque soit leurs origines et prévoit que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer sur toute autre considération.
L’Article 3.1 de la CIDE dispose :« dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale..."
L'article 18 du code civil dispose:" Est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français ".
Cette question suppose un réel débat de société de société et une fois encore, le legislateur aura son mot à dire dans l'intérêt de l'enfant, voir dans l'intérêt supérieur de l'enfant; notion chère à notre droit et à la convention européenne des droits de l'enfant, débat passionné en perspéctive, au regard de la responsabilité morale....
2°) L’apport de la CEHD 26 juin 2014 ( couple Labassee et époux Menesson)
La CEHD avait été saisie par les deux couples hétérosexuels ( Menesson- Labassee) dont les embryons avaient été conçus avec des spermatozoïdes du mari et les ovocytes d'une donneuse.
Ces couples avaient été déboutés par la cour de Cassation dans l’arrêt (précité au I-A) 3°) du 6 avril 2011. Ceux-ci se battaient depuis 14 ans .
Il est clair que pour la cour suprême la France ne pouvait plus refuser de transcrire sur les registres français d'Etat Civil, les actes de naissance étrangers des enfants issus de GPA réalisées à l‘étranger, alors que la cour de Cassation avait considéré la reconnaissance de la filiation par GPA aux États-Unis comme "contraire à l'ordre public" et "aux principes essentiels du droit français".
La CEHD n’a en aucun cas validé ou légalisé la pratique de la GPA mais tranché une situation discriminatoire, portant atteinte à la vie privée ainsi et droit de fonder une famille.
Il s’agit de la reconnaissance en France des GPA pratiquées dans un cadre légal à l'étranger au regard de l’identité d’un individu.
« le refus des autorités françaises de reconnaître les filiations d'enfants nés par GPA à l'étranger "procède de la volonté de décourager ses ressortissants de recourir hors de France à une méthode de procréation qu'elle prohibe sur son territoire".
B) Désormais la France nie plus la filiation entre un enfant né d'une GPA à l'étranger et son père biologique : Assemblée Plénière 3 juillet 2015 Pourvois N° 14-21-323 et 15-50-002
Alors qu’on parlait d’enfants conçus en fraude, d’enfants laissés pour compte, niés, fantômes, ceux-ci ont désormais une réelle existence, une identité reconnue.
1°) Assemblée Plénière, 3 juillet 2015 pourvoi n°14-21.323 Dominique X/Procureur
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l’article 47 du code civil et l’article 7 du décret du 3 août 1962 modifiant certaines règles relatives à l’état civil, ensemble l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu’il résulte des deux premiers de ces textes que l’acte de naissance concernant un Français, dressé en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, est transcrit sur les registres de l’état civil sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que K. X..., reconnu par M. X... le 10 mars 2011, est né le [...] à Moscou ; que son acte de naissance, établi en Russie, désigne M. Dominique X..., de nationalité française, en qualité de père, et Mme Kristina Z..., ressortissante russe qui a accouché de l’enfant, en qualité de mère ; que le procureur de la République s’est opposé à la demande de M. X... tendant à la transcription de cet acte de naissance sur un registre consulaire, en invoquant l’existence d’une convention de gestation pour autrui conclue entre M. X... et Mme Z... ;
Attendu que, pour refuser la transcription, l’arrêt retient qu’il existe un faisceau de preuves de nature à caractériser l’existence d’un processus frauduleux, comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui conclue entre M. X... et Mme Z... ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle n’avait pas constaté que l’acte était irrégulier, falsifié ou que les faits qui y étaient déclarés ne correspondaient pas à la réalité, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de transcription de l’acte de naissance de K. X..., l’arrêt rendu le 15 avril 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;
2°) Assemblée Plénière, 3 juillet 2015 pourvoi n°15-50-002 Patrice Y/ procuc
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 16 décembre 2014), que L. Y..., reconnue par M. Y... le 1er février 2011, est née le [...], à Moscou ; que son acte de naissance, établi en Russie, désigne M. Patrice Y..., de nationalité française, en qualité de père, et Mme Lilia A..., ressortissante russe, qui a accouché de l’enfant, en qualité de mère ; que le procureur de la République s’est opposé à la demande de M. Y... tendant à la transcription de cet acte de naissance sur un registre consulaire, en invoquant l’existence d’une convention de gestation pour autrui conclue entre M. Y... et Mme A... ;
Attendu que le procureur général fait grief à l’arrêt d’ordonner la transcription, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en I’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de I’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil, tel qu’affirmé par la jurisprudence de la Cour de cassation ;
2°/ qu’est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision. Cette solution, qui ne prive pas I’enfant de sa filiation paternelle, ni de la filiation maternelle que le droit de l’État étranger lui reconnaît, ni ne l’empêche de vivre au foyer de M. Patrice Y..., ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de cet enfant au sens de I’article 8 de la Convention européenne des droits de I’homme, non plus qu’à son intérêt supérieur garanti par I’article 3 §1 de la Convention internationale des droits de I’enfant ;
Mais attendu qu’ayant constaté que l’acte de naissance n’était ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la convention de gestation pour autrui conclue entre M. Y... et Mme A... ne faisait pas obstacle à la transcription de l’acte de naissance ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Il est clair que le legislateur devra clairement se positionner sur la suite de ces jurisprudences .
Rappelons que si la CEDH ou la Cour de Cassation tout en prenant en compte l'identité des enfants issus de GPA à l'étranger ne valident pas ces pratiques, ces jurisprudences autont une incidence sur la suite du débat juridique lié à la validation de cette pratique.
Point très positif, l’intérêt de l’enfant laissé pour compte aura fini par primer…
Cet enfant existe. Il a un nom, un prénom, un sexe, une IDENTITE .
Je reste à votre disposition par le biais des consultations en ligne.
Maître HADDAD Sabine