Donner sa caution est un acte grave aux conséquences souvent dramatiques.
En garantissant un tiers, en acceptant de se substituer au débiteur principal en cas de défaillance ; la caution peut obérer grandement sa situation voir se ruiner pécuniairement !
C’est sans doute parce que les conséquences sont gravissimes que la loi et la jurisprudence sont venues renforcer par un certain formalisme protecteur l’acte de caution.
L'article 2292 du Code civil dispose que : “le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté”.
Le doute quant à l'étendue de l'engagement doit profiter à la caution.
I- Le formalisme textuel de la caution
A) Un formalisme dans le code civil parfaitement insuffisant : L’article 1326 du Code civil
Impose une mention manuscrite par la caution et le montant, en chiffres et en lettres, de la somme pour laquelle il se porte garant.
A défaut de ce formalisme, l’acte de caution irrégulier n’est pas nul mais sa valeur probante sera entachée et donc contestable.
Il faudra dès lors pour le créancier établir des commencements de preuve par écrits émanant de la caution elle-même, et des éléments extrinsèques d'engagement de la caution en toute connaissance par des écrits , lettres, mails, ...ou des témoignages…
B) Le secours de la Loi pour garantir le formalisme de la caution dans certains domaines précis au risque de voir prononcer la nullité de l’engagement
La loi a imposé un formalisme tel qu’à défaut de respect, l’acte sera nul sans nécessité de plaider à un quelconque grief.
Le système est donc très protecteur car le non respect des mentions obligatoires à reproduire entraînera cette fois-ci la nullité automatique du cautionnement, sans même pour la caution à avoir à justifier d’un quelconque préjudice.
1°- L’article 22-1 de la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 prévoit que :
« Lorsque le cautionnement d'obligations résultant d'un contrat de location ne comporte aucune indication de durée ou lorsque la durée du cautionnement est stipulée indéterminée, la caution peut le résilier unilatéralement. La résiliation prend effet au terme du contrat de location, qu'il s'agisse du contrat initial ou d'un contrat reconduit ou renouvelé, au cours duquel le bailleur reçoit notification de la résiliation.
La personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte et de la reproduction manuscrite de l'alinéa précédent. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement. »
2°- Les articles L.341-2 et L.341-3 du Code de la consommation Créé par Loi n°2003-721 du 1 août 2003 - art. 11 JORF 5 août 2003 en vigueur le 5 février 2004
Désormais, toute caution personne physique qui s’engage par acte sous-seing-privé (SSP) devra, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." ».mention manuscrite suivante :
--L’article L341-2 du code de la consommation, applicable à toute caution sans distinction, dispose que :
« Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "
En cas de solidarité, la mention devra être complétée comme suit :
-- L'article L341-3 Modifié par Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 - art. 54 (V) JORF 24 mars 2006
Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...".
Par sa généralité, cette disposition paraît s’imposer aux cautions dirigeantes même si cela ne correspond sans doute pas à l’intention du législateur qui a souhaité favoriser la création d’entreprises en en aidant le financement.
Elle met par ailleurs un terme aux cautionnements à durée indéterminée (sauf s’ils sont notariés) et au montant illimité.
II-Le Formalisme de la caution et la Jurisprudence
Pour les tribunaux, la nullité de l’acte de cautionnement ne peut être prononcée par les Tribunaux que si le non respect des mentions obligatoires est suffisamment caractérisé , et ne résulte pas d’une simple erreur matérielle.
Citons 4 jurisprudences
A) Com 10 mai 2012, pourvoi N° 11-17.671
L'engagement de caution solidaire, souscrit dans le respect des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, ne comportant pas la mention manuscrite exigée par l'article L. 341-3 de ce code, demeure valable en tant que cautionnement simple. C’est ce qu’a jugé .dans un arrêt de rejet du 10 mai 2012, la chambre commerciale de la cour de cassation ,pourvoi N° 11-17.671
en retenant que l'engagement de caution solidaire, souscrit dans le respect des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, ne comportant pas la mention manuscrite exigée par l'article L. 341-3 de ce code, demeure valable en tant que cautionnement simple. En l'espèce, bien que M. X. ait omis de mentionner qu'il s'engageait solidairement avec la société, cette omission n'est pas de nature à affecter la validité de son engagement; mais n'a pour seule conséquence de priver le créancier du bénéfice d'un engagement solidaire avec l'emprunteur
B) Cass. 1ère Civ, 8 mars 2012, N° de pourvoi: 09-12246.a jugé que:
la mention manuscrite prévue par l’article L. 341-2 du code de la consommation doit obligatoirement être inscrite par toute personne physique qui s’engage en qualité de caution par acte sous seing privé envers un créancier professionnel du crédit tel qu’une banque, à peine de nullité de l’engagement de caution (qu’en statuant ainsi alors que la mention manuscrite prévue par ce texte doit être inscrite par toute personne physique qui s’engage en qualité de caution par acte sous seing privé envers un créancier professionnel, la cour d’appel a violé ledit texte ».)
C) Com, 5 avril 2011 , a statué dans deux espèces pourvois N°09-14358 et 10-16426 visant l’irrespect du formalisme du cautionnement bancaire.
Elle rappelle l’aspect automatique de la nullité encourue par l’acte de cautionnement illicite, sauf exception découlant de l’erreur matérielle liée à la reproduction exacte des dispositions du Code de la consommation ….
1°- Com, 5 avril 2011 , pourvoi N°09-14358
« La nullité d'un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l'engagement de caution n'est pas identique aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, à l'exception de l'hypothèse dans laquelle ce défaut d'identité résulterait d'erreur matérielle. »
2°- Com,5 avril 2011,pourvoi N°10-16426 valide un acte de cautionnement qui ne différait des mentions impératives des articles L.341-2 et L.341-3, que par l’adjonction d’une virgule supplémentaire :
« L'apposition d'une virgule entre la formule caractérisant l'engagement de caution et celle relative à la solidarité n'affecte pas la portée des mentions manuscrites conformes aux dispositions légales. »
Au vu de ces décisions, il apparaît que la nullité de l’acte ,sanction automatique de l’acte de cautionnement ne peut être prononcée par les Tribunaux que si l’irrespect des mentions obligatoires est suffisamment significatif, et s’il ne résulte pas d’une simple erreur matérielle.
Le juge doit, dans sa recherche, respecter certains principes d'interprétation généralement protecteurs des intérêts de la caution…
Concluons en rappelant que le plus gros contentieux porte sur les dispositions de l’article L341-4 du CC qui dispose :
Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Dans un article à paraître, j'envisagerai les recours ouverts à l'encontre une décision de refus.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris