Un nouveau projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a été présenté en conseil des ministres le 31 mars 2010 par M. Eric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.
Il prévoit pour la sixième fois, de modifier le CESEDA, mais aussi le code du travail et tend à durcir les conditions d'entrée en France, et de l’immigration clandestine.
Sans doute inspiré après l’arrivée en janvier dernier de 123 Kurdes sur une plage de Corse du sud, il prévoit des zones d’attente ad hoc .
En préambule de ce texte, le ministre rappelle que la «France doit rester une terre d'intégration».
De cela découle de nouvelles dispositions sur l'entrée en France des étrangers, l'intégration, les procédures et le contentieux de l'éloignement.
Des sanctions administratives et dissuasives sont envisagées pour tout employeur employant des sans papiers.
De quoi s’agit-il ? http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl2400.asp
Ce projet aborde trois points.
1. Renforcer la politique d’intégration, conformément aux orientations du séminaire sur l’identité nationale
2. Transposer trois directives européennes qui créent de nouveaux outils au service des objectifs de la politique d’immigration du Gouvernement : promotion de l’immigration professionnelle, lutte contre l’immigration irrégulière, et répression des employeurs d’étrangers sans titre
--la directive « sanctions » directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 sur "les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier".
--la directive « carte bleue » directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 sur "les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié",
-- la "directive retour" 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les "normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier",
3. Améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière en réformant les procédures et le contentieux de l’éloignement des étrangers en situation de séjour irrégulier.
I- Des conditions dans l’ intégration sur le territoire
A) renforcement du contrat d’accueil et de solidarité
1°- Les bons élèves dans le respect du contrat d'accueil et solidarité récompensés
A « mauvais élèves » , mauvais points et sanctions , A bons élèves «sérieux» et «assidus» dans leurs formations à la langue française ou aux valeurs de la République, des facilités dans l’obtention d’un titre de séjour ou renouvelé.
Le maintien sur le territoire ou l’obtention sera soumis au respect du "contrat d’accueil et de solidarité" ; lequel en cas de violation ( exemple défaut de suivi régulier des formations ) permettra au préfet de refuser le renouvellement du titre de séjour.
A l’inverse, les étrangers qui auront fait des efforts d’intégration verront leur demande de nationalité accélérée, puisque la durée de présence en France, nécessaire à l’obtention de la nationalité française passera à deux ans ( au lieu de 5 ans) pour ceux qui "satisferont manifestement à la condition d’assimilation".
2°- La signature de la "charte des droits et des devoirs du citoyen français" pour tout étranger accédant à la nationalité française.
B) création d’une carte bleue européenne pour les étrangers hautement qualifiés
Pour les étrangers hautement qualifiés (ex bacb+3ans au minimum ou expérience professionnelle d’au moins 5 ans), une "carte bleue européenne" est créée leur permettant un accès facilité au marché du travail et des droits au séjour identiques dans tous les pays de l’Union européenne.
C'est la transposition de la directive "carte bleue" précitée.
II Des mesures de renforcement au retour et de sanction en cas de violation des règles
A) l’OQTF majorée d’une interdiction de retour sur l’ensemble du territoire Européen de 5 ans maximum
1°- l'autorité administrative pourra décider de prendre un OQTF à exécution rapide
La décision sanctionnant le séjour irrégulier par une "obligation de quitter le territoire français" (OQTF) ouvre en principe un délai de départ volontaire de 30 jours ou un recours dans ce délai, après lequel l’exécution d’office devient possible.
Afin que l'étranger irrégulier reparte "sans délai": le recours est largement réduit puisqu'il devra être déposé dans les 48 heures au lieu de 30 jours actuellement.
2°- Des mesures d’éloignement renforcées dans le temps.
L’obligation de quitter le territoire pourra être assortie d’une "interdiction de retour sur l’ensemble du territoire européen" d’une durée maximale de cinq ans Cette mesure est la transposition à notre droit de la directive européenne "retour". L'administration pourra désormais assortir une d'une «interdiction de retour sur l’ensemble du territoire européen» d’une durée maximale de 5 ans.
B) l’allongement du délai de rétention administrative et l’affaiblissement du rôle du JLD.
1°- Le JLD : un "gêneur " mis de côté un temps.
L'affaiblissement du rôle du juge de la liberté et de la détention, est évidente puisque ce dernier sera saisi 5 jours après le placement en rétention, au lieu de 48 heures actuellement. Le juge gêneur, est mis de côté,histoire d'agir au mieux des intérêts au retour...
Il avait même été question de confier au juge administratif la première prolongation de la mesure de rétention.
Alors pourquoi une telle mesure ?
Tout simplement pour permettre la mise à exécution de pléthore procédures de reconduite à la frontière et ce, sans contrôle du JLD, pourtant gardien de la liberté individuelle.
Ce juge sera empêché "légalement" de vérifier la régularité de de l’arrestation , de la garde à vue, du contrôle d'identité de l’étranger, mais aussi les droits et conditions de sa rétention .
Drôle d'avancée juridique dans un état de droit.
2°- La prolongation de la rétention de 32 à 45 jours
La prolongation de la rétention passera à 20 jours, au lieu de 15 aujourd'hui, puis au terme de ce délai, pourra être prolongée une fois d'une durée supplémentaire de 20 autres jours.
TOTAL: Une durée maximale de rétention toujours acccrue pour passer de 32 à 45 jours afin d'organiser le départ de l'étranger.
Le JLD sera tenu de prendre en compte "des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention d'un nombre important d'étrangers" pour apprécier les délais de notification des droits ou des décisions.
Certains parlent d’atteinte « inconstitutionnelle » puisque durant 5 jours l’étranger retenu n’aura aucun droit de faire statuer sur sa privation de liberté individuelle.
Qu’on ne vienne pas nous dire que la rétention n’est pas de la détention, lorsque la privation de liberté en est la résultante similaire !
Le droit au procès équitable, porté dans l'artile 6 de la CEHD ne suppose t-il pas une justice rapide avant de priver une personne de liberté ? Un passage rapide devant les juges ?
C) Création de zones d’attentes spéciales en cas d’arrivée massive d’étrangers en situation irrégulière.
En cas d’afflux de « migrants » franchissant la frontière en dehors d’un point de passage frontalier régulier, le préfet aura la possibilité de créer une "zone d’attente" temporaire , genre "sac à dos" reliant le lieu de découverte des migrants et le point de contrôle frontalier régulier le plus proche, zone que les migrants concernés ne pourront quitter.
En principe, il faut savoir que les zones d'attente de placement en instance (Zapi) sont des lieux privatifs de liberté situés généralement dans les gares, les aéroports ou les ports ouverts au trafic international et dans lesquels les clandestins sont retenus.
Leurs droits y sont limités: seules sont autorisées l'assistance d'un médecin, d'un interprète et la communication avec un avocat.
Le préfet aura la possibilité de créer une zone d’attente temporaire, qui relie les lieux de découverte d’un groupe de migrants au point de passage frontalier, où sont normalement effectués les contrôles des personnes".
Cela aura pour conséquence de priver de liberté immédiatement l’étranger en situation irrégulière
D) Le délit de solidarité et l’immunité pénale seront explicités
Cette immunité vise ceux qui aident en urgence les étrangers irréguliers, ce que d’aucuns qualifient de « délit de solidarité ».
L’article L.622-4 du CESEDA sera explicité pour protéger de toutes poursuites ceux qui apportent une aide humanitaire d’urgence aux étrangers en situation irrégulière"
Restera à définir cette notion dans la durée...
E) Les sanctions pénales, administratives et financières accrues pour les employeurs employant en toute connaissance de cause des étrangers en situation irrégulière.
Les sanctions "contre les personnes qui recourent sciemment, directement ou indirectement, à l'emploi d'étrangers sans titre de séjour" vont être accrues.
Ainsi, tout employeur qui a recours à des sans-papiers devra rembourser les aides publiques reçues l'année précédent l'infraction et leur établissement pourra être fermé pour une durée ne pouvant excéder trois mois .
Cette infraction sera punie pénalement d'une peine d’emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15.000 euros.
Un droit au titre de la période d'emploi illicite avec un rappel de salaires de trois mois minimum ainsi qu'à une indemnité de rupture du contrat de travail de trois mois contre un mois aujourd'hui est envisagé.
Plus de pouvoirs pour l'administration, moins de droit pour le juge et l'étranger justiciable...Affaire à suivre qui devrait engendrer de vives réactions dans les rues: zones de libres circulations des individus…
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocat au barreau de Paris