Dans un avis du conseil constitutionnel (n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012) l’ancien article 222-33 du code pénal,qui définissait le harcèlement sexuel a été déclaré inconstitutionnel du fait de l'imprécision de sa rédaction.
En effet, ce texte a été jugé contraire au principe de légalité des délits et des peines,créant par cet avis suprême un vide juridique.
C'est finalement ce vide que la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, adoptée à l'unanimité par le Parlement, est venue combler, ( Journal Officiel 7 août -2012.entrée en vigueur le 8 août 2012).
Une circulaire du 7 août 2012 JUS D 1231944 C-N° CRIM 2012 -15 / E8 est aussi venue présenter les principales modifications de droit pénal et de la procédure pénale résultant de la nouvelle loi.
Qu’est-ce qui a changé ?
I – Les nouveaux éléments constitutifs du délit
A) L’abrogation de la loi ancienne liée à une définition floue
1°- Rappel de l'ancien délit
Le délit de harcèlement sexuel a été créé par une loi du 22 juillet 1992, modifiée par deux lois des 17 juin 1998 et 17 janvier 2002.
Prévu à l’article 222-33 du code pénal, son ancienne définition punissait d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ».
La loi du 17 janvier 2002 avait supprimé l'exigence de rapports de travail ou de subordination au travail anciennement nécessaires pour punir ce délit dans la vie courante avait disparu.
2°- Pourquoi une Question Prioritaire de constitutionnalité ? (QPC)
(Au cours d’une instance si une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, une QPC permet de demander la saisine du Conseil constitutionnel pour examen.)
À la suite d’une condamnation par la cour d’appel de lyon le 15 mars 2011, un prévenu avait formé un pourvoi en cassation et avait soulevé une QPC au motif que l’article 222-33 du code pénal serait contraire aux articles 5, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, à l’article 34 de la Constitution ainsi qu’aux principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique.
C’est dans ce contexte qu’au nom du principe de légalité des délits et des peines la haute juridiction avait sanctionné dans son avis du 4 mai 2012 en considérant un manque de précision à la notion « de faveurs sexuelles »
B) La nouvelle définition
Faut il des actes de toute nature, en vue de l'obtention de faveurs de nature sexuelle ? Quelle volonté faut-il atteindre quel objectif ?
1°-la Loi pénale vise une définition plus précise et plus large
I. - Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
III. - Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.
Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis :
1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
2° Sur un mineur de quinze ans ;
3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice.
Le « chantage sexuel » est assimilé au harcèlement sexuel
2°- Le code du travail : articles 1153-1 à 1153-6
Le devoir de vigilance et de sécurité de l'employeur sera abordé plus bas.
L’article L 1153-1 Modifié par LOI n°2012-954 du 6 août 2012 - art. 7 dispose
Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
L’article L1153-2 Modifié par LOI n°2012-954 du 6 août 2012 - art. 7
Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés.
Les relations de travail, le révèlent souvent, puisqu'elles supposent une situation de pouvoir, d'autorité d'un supérieur et supposent par essence un lien de subordination avec l'employeur.Il faut entendre par là un collègue, un supérieur hiérarchique de la victime, un tiers ...
ce harcèlement aura des conséquences sur l’emploi, la carrière, les conditions de travail et la santé du salarié..
C) Les sanctions
1°- Des sanctions pénales aggravées
Il s'agit d'un délit du ressort du Tribunal correctionnel, qui comme tout délit est composé d'un élément matériel et d'un élément intentionnel et l'auteur de tels faits avérés serait sans doute bienvenu à justifier qu'il se fait suivre médicalement dans ce cadre.
a) issues de l’article 222-33 du code pénal :
Les deux délits sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, portés à trois ans et 45 000 euros en cas de circonstances aggravantes (relation d'autorité, victime mineure de 15 ans ou vulnérable...).
Les personnes physiques ou morales coupables de harcèlement sexuel encourent également la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion du jugement de condamnation pénale.
b) le risque de requalification en délit d’agression sexuelle
Il s’agit de tout acte impudique, directement exercé sur une personne de l'un ou l'autre sexe, sans qu'elle y ait consenti et sans pénétration de sa personne
Ex attouchements ou caresses du sexe, des fesses, des cuisses, de la poitrine éventuellement accompagnés de baisers sur le corps ou la bouche...
L'agression sexuelle exige également une intention coupable consistant dans la connaissance du fait de commettre un acte immoral ou obscène contre le gré de la victime.
- à l'égard d'une victime ordinaire : 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende,
- sur une victime vulnérable : 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende. article. 222-27 du code pénal
2°- une sanction disciplinaire
L’article L1153-6 du code du travail l’envisage
« Tout salarié ayant procédé à des faits de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire. »
a) Quelles sanctions ?
Article L1155-2 du code du travail
Sont punis d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 € les faits de discriminations commis à la suite d'un harcèlement moral ou sexuel définis aux articles L. 1152-2, L. 1153-2 et L. 1153-3 du présent code.
La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l'affichage du jugement aux frais de la personne condamnée dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu'elle désigne. Ces frais ne peuvent excéder le montant maximum de l'amende encourue.
D) La preuve du délit dans L’analyse du degré d’inconvenance: Illustrations
1°- La preuve du délit
article L1154-1 du code du travail
Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Cette question de fait est appréciée souverainement au regard des éléments fournis ( ex lettres, attestations, mail, sanction abusive, éléments médicaux…)
Le demandeur devra prouver par tous moyens l'existence duharcèlement
Quelle riposte en défense ?
- Plaider à la fausseté des faits
- Indiquer que les faits ne rentrent pas dans la définition du harcèlement sexuel
- Demander des mesures d’instruction ( ex enquête psychiatrique..) qui peuvent aussi d’office ordonnées par le juge
- Démontrer le cas échéant que la sanction contre un salarié est étrangère au harcèlement ( ex licenciement, mise à pied)
Depuis la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les intéressés sont, non seulement protégés contre toute sanction ou licenciement, mais encore contre toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment, en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat article (L. 1153-2 du code du travail.
A noter que l’article L 1153-3 Modifié par LOI n°2012-954 du 6 août 2012 - art. 7 protège le témoin de ces faits
« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés. »
Une sanction ou un licenciement pris à l'encontre du salarié victime ou témoin d'un harcèlement sexuel seraient donc nuls de plein droit articles. L. 1153-1 et L. 1153-4 du code du travail
Le salarié aurait alors un droit à réintégration s’il le sollicite ou à défaut il aura droit aux indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice subi avec paiement de son préavis,Cass. Soc., 27 juin 2000).
Une indemnité minimale de six mois de salaires brut sera due ici « quelle que soit l'ancienneté du salarié dans l'entreprise" Soc ,14 avril 2010
2°- Le degré d’inconvenance : une question de fait
a) Le délit de harcèlement sexuel est une infraction intentionnelle.
Le caractère intentionnel sera apprécié en fonction du comportement matériel de l'auteur.
Les tribunaux jusqu'à présent ont sanctionné des comportements multiples et répétés dans le temps.
Ils peuvent aussi requalifier les faits
Ex agissements répétés à l'égard d'une victime unique, ou d'une pluralité de victimes même s'ils sont uniques pour chacune d'elles, Cass. crim., 20 nov. 2002., Cass. crim., 18 févr. 2004 – Cass. crim., 27 janv. 2007
b) L’élément matériel et l'analyse de l'attitude
Une simple coloration sexuelle ne suffit pas. Il faudra aussi un certain degré d'inconvenance.: de gros lourds, une grossièreté en un mot des propos sexuels suffisamment grivois et déplacés.
Quand commence le harcèlement sexuel et quand se termine la séduction personnelle en tout respect, de l’expression de ses sentiments ?
Quels actes retenir ?
Pléthore d’exemples
-un comportement d'obsédé sexuel CA Pau, 22 octobre 1997 ; CA Lyon, 26 novembre. 1998 . Ex de refuser de tenir compte de manifestations de "refus clair et dénué d'ambiguïté" de la victime, et de se livrer à des gestes et contact "non désirés par elle" et "contre sa volonté" Cass. crim., 21 novembre. 2007,
– des propos à caractère sexuel par l'envoi de messages électroniques, hors du temps et du lieu de travail Cass. soc., 19 octobre 2011 ; déplacés ou obscènes Cass. Soc, 1er décembre. 2011 ;
– une multiplication de cadeaux, d'appels et de messages téléphoniques Cass Soc, 3 mars 2009
- Les promesses de promotions, de meilleures conditions de travail ou autres avantages en échange de rapports sexuels Cass. Crim, 20 novembre 2002 ;
– des gestes déplacés ayant une évidente connotation sexuelle Cass. Soc, 30 novembre. 2005 ; ou une attitude particulièrement inconvenante qui a choqué leur pudeur Cass. Soc, 12 mars 2002 ;
- la tentative d'un cadre d'embrasser une salariée contre son gré, sur le lieu de travail, de l'emmener à son domicile en renouvelant des avances de nature sexuelle, de l'appeler fréquemment par téléphone en dénigrant la relation affectueuse que celle-ci entretient avec un tiers Soc, 24 septembre 2008.
-Le fait d’exercer sur ses salariées une pression quasi quotidienne par ses allusions à connotation sexuelle et ses gestes déplacés pour obtenir des faveurs de nature sexuelle Crim, 30 septembre 2009
-Le fait d'abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel et caractérise une faute grave y compris lorsque les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail Cass Soc, 11 janvier 2012
- de refuser de tenir compte de manifestations de "refus clair et dénué d'ambiguïté" de la victime, et de se livrer à des gestes et contact "non désirés par elle" et "contre sa volonté" Cass. crim, 21 novembre 2007,
En l'absence de coloration sexuelle certains agissements pourraient être qualifiés de harcèlement moral.
II-Mise en jeu de l’obligation de sécurité et importance de l’information
A) Par tous les salariés
Article L 4122-1 du code du travail
Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur.
B) Par l’employeur et l’inspecteur du travail dans la prévention et l’action
1°- Dans la prise de mesures
article L1153-5 du code du travail Modifié par LOI n°2012-954 du 6 août 2012 - art. 7
« L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel.
Le texte de l'article 222-33 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. »
Cass. Soc, 3 février 2010 , pourvoi n° 08-44.019
a à cet effet durcit l’obligation de sécurité en précisant ce qu’elle entend par « obligation de résultat » :
l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. Les mesures prises par l’employeur ayant été insuffisantes, celui-ci était dans l’obligation de sanctionner le salarié qui commettait des actes de harcèlement sexuel et moral.
Les salariés victimes ou témoins de harcèlement sexuel peuvent saisir l'’inspection du travail, le médecin du travail, les représentants du personnel dans l’entreprise, ou une organisation syndicale
2°- dans l’affichage du règlement intérieur,
Les dispositions relatives au harcèlement sexuel, dans un endroit facilement accessible aux salariés travail est effectué, et dans les locaux de l'embauchage article R. 1321-1 du code du travail
Le respect de l'obligation de prévention des employeurs, incombe donc aux employeurs et aux inspecteurs du travail , une fois avisés article L. 8112-1 du code du travail
B) L’importance de l’information
1°-le rôle des associations
Diverses associations peuvent avec l'accord du salarié poursuivre à sa place devant le conseil de prud’hommes et se porter partie civile devant le juge pénal.
( coordonnées fournies par les déléguées régionaux des chargées de mission départementales aux droits des femmes contre les discriminations sexuelles )
2°- les services de santé au travail et le médecin du travail
Le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles telles que les mutations ou transformations de postes article. L. 4624-1 du code du travail
Les services de santé au travail (ANI sur la violence et le harcèlement au travail, 26 mars 2010 étendu par A. 23 juill. 2010).
3°- L'alerte des représentants du personnel : Les délégués du personnel et du comité d'hygiène, de santé et des conditions de travail
Ils sont à même d'aviser l'employeur,lequel devra agir et réagir, à défaut de quoi le conseil de prud'hommes pourra le sanctionner...
Il devra diligenter une enquête au sein de son entreprise par prudence.
Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser l'atteinte litigieuse et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor : article L. 2313-2 du code du travail
Le CHSCT peut, informer proposer des actions de prévention article L. 4612-3 du code du travail.
Son rôle est d'éméliorer les conditions de travail.
4°- Les organisations syndicales représentatives
peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de la méconnaissance des dispositions légales liées au harcèlement à condition de produire un accord écrit du salarié concerné.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris