LE HARCELEMENT SEXUEL : QUELLE PLACE EN DROIT PENAL ET EN DROIT DU TRAVAIL ? (I)
Depuis la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les intéressés sont, non seulement protégés contre toute sanction ou licenciement, mais encore contre toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment, en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat article (L. 1153-2 du code du travail.
L’article L 1153-3 du code du travail protège le témoin de ces faits
« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés. »
Une sanction ou un licenciement pris à l'encontre du salarié victime ou témoin d'un harcèlement sexuel seraient donc nuls de plein droit articles. L. 1153-1 et L. 1153-4 du code du travail
Le salarié aurait alors un droit à réintégration s’il le sollicite ou à défaut il aura droit aux indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice subi avec paiement de son préavis, Cass. Soc., 27 juin 2000).
Une indemnité minimale de six mois de salaires brut sera due ici « quelle que soit l'ancienneté du salarié dans l'entreprise" Soc ,14 avril 2010
Par contre l'infracteur de tels faits ne sera pas protégé par le risque du licenciement pour faute grave?
I-Une obligation préventive et de sécurité pour tous
A) Par tous les salariés
Article L 4122-1 du code du travail
Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur.
B) Par l’employeur et l’inspecteur du travail dans la prévention et l’action
1°- Dans la prise de mesures
article L1153-5 du code du travail
« L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel.
Le texte de l'article 222-33 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. »
Cela peut aller jusqu’au licenciement
Pour Cass.soc, 28 janvier 2014, pourvoi n° 12-20.497 suite au licenciement pour faute grave d’un salarié il a été jugé qu’une différence d’âge, d’ancienneté dans l’entreprise et de situation professionnelle aurait dû inciter un salarié à plus de réserve et de respect vis-à-vis de cette salariée nouvellement embauchée, alors que ce dernier avait adressé à cette jeune femme nouvellement embauchée de longs courriers manuscrits, de nombreux courriels aux termes desquels il lui faisait des propositions et des déclarations, des invitations et des bouquets de fleurs.
Cass. Soc, 3 février 2010 , pourvoi n° 08-44.019
a à cet effet durcit l’obligation de sécurité en précisant ce qu’elle entend par « obligation de résultat » :
l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. Les mesures prises par l’employeur ayant été insuffisantes, celui-ci était dans l’obligation de sanctionner le salarié qui commettait des actes de harcèlement sexuel et moral.
Les salariés victimes ou témoins de harcèlement sexuel peuvent saisir l'’inspection du travail, le médecin du travail, les représentants du personnel dans l’entreprise, ou une organisation syndicale
2°- dans l’affichage du règlement intérieur,
Les dispositions relatives au harcèlement sexuel, dans un endroit facilement accessible aux salariés travail est effectué, et dans les locaux de l'embauchage article R. 1321-1 du code du travail
Le respect de l'obligation de prévention des employeurs, incombe donc aux employeurs et aux inspecteurs du travail , une fois avisés article L. 8112-1 du code du travail
II L’importance de l’information
A) Le rôle des associations
Diverses associations peuvent avec l'accord du salarié poursuivre à sa place devant le conseil de prud’hommes et se porter partie civile devant le juge pénal.
( coordonnées fournies par les déléguées régionaux des chargées de mission départementales aux droits des femmes contre les discriminations sexuelles )
B) Les services de santé au travail et le médecin du travail
Le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles telles que les mutations ou transformations de postes article. L. 4624-1 du code du travail
Les services de santé au travail (ANI sur la violence et le harcèlement au travail, 26 mars 2010 étendu par A. 23 juill. 2010).
C) L'alerte des représentants du personnel : Les délégués du personnel et du comité d'hygiène, de santé et des conditions de travail
Ils sont à même d'aviser l'employeur, lequel devra agir et réagir, à défaut de quoi le conseil de prud'hommes pourra le sanctionner...
Il devra diligenter une enquête au sein de son entreprise par prudence.
Une Circulaire DGT 2012/14 du 12 novembre 2012 relative au harcèlement et à l’application de la loi n°2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel NOR :ETST1237228C a renforcé la lutte contre le harcèlement sexuel dans l’entreprise en insistant sur la prévention des risques liés au harcèlement sexuel et moral, notamment par l’affichage des dispositions du code du travail et du code pénal sur le harcèlement sexuel et moral.
Elle permet à tout employeur de « prendre toutes mesures de diffusion, présentation, sensibilisation visant à l’information effective des salariés sur la législation en vigueur sur le harcèlement », mettre en œuvre des actions de formation pour améliorer la connaissance, la prévention et l’identification des problèmes de harcèlement ; ou prendre des mesures pour faciliter le repérage de ces faits.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et les délégués du personnel sont consultés sur les mesures de prévention à mettre en place et proposer des actions de prévention du harcèlement moral et du harcèlement sexuel.
Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser l'atteinte litigieuse et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor : article L. 2313-2 du code du travail
Le CHSCT peut, informer proposer des actions de prévention article L. 4612-3 du code du travail.
Son rôle est d'améliorer les conditions de travail.
D) Les organisations syndicales représentatives
peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de la méconnaissance des dispositions légales liées au harcèlement à condition de produire un accord écrit du salarié concerné.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris