Apris avoir présenté l'action paulienne, j'analyserai ses effets.
Le 17 octobre 2012, la première chambre civile de la Cour de Cassation pourvoi N°11-10.786 a jugé que l'action paulienne ne pouvait avoir pour objet d’empêcher une action en partage entre coïndivisaires en niant le transfert de droits intervenu à leur profit.
Jusqu’en 2006 ,le créancier qui obtenait gain de cause, voyait "réintégrer" les biens du débiteur dans son patrimoine.
Il lui appartenait ensuite de faire procéder à la saisie entre les mains de son débiteur.
Depuis 2006, les choses ont été facilitées par la jurisprudence.
I- L'Inopposabilité des actes affectés de fraude pour le créancier poursuivant
Depuis 1ère Civ , 30 mai 2006, pourvoi n° 02-13495 ,
« l'inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers. En ordonnant le retour des sommes données dans le patrimoine du débiteur, la cour d'appel a violé l'article 1167 du Code civil ».
Cet arrêt a été confirmé par:
1ère Civ 12 juillet 2006, pourvoi n° 04-20161,
Le but de l’exercice de l’action paulienne ici n’est pas de faire revenir le bien dans le patrimoine du débiteur mais de permettre la saisie entre les mains de celui qui en est devenu propriétaire frauduleusement.
Le créancier fera comme si l’acte n’existait pas à son encontre.
On parle de l'inopposabilité de l'action paulienne, laquelle n'aura plus pour effet de réintégrer les biens ou valeurs concernées dans le patrimoine du débiteur, mais permettra au créancier lésé d’agir directement auprès du tiers pour recouvrer le montant( ex en saisissant le bien).
En effet, si le juge ordonnait la restitution des sommes ou des biens entre les mains du débiteur, il prendrait le risque de voir rentrer ces valeurs dans le patrimoine,du débiteur et donc de les rendre accessibles aux autres créanciers.
Cela aurait pour conséquence de rendre inefficace et de faire perdre tout intérêt à l’action, au cas où les autres créanciers pourraient tirer bénéfice indirect et injustifié au bout du compte de cette action entreprise par un autre, ( exemple en pouvant saisir les biens concernés dans le patrimoine du débiteur)
C’est pour cela que le créancier aura la possibilité, seul de saisir le compte bancaire du tiers, en ignorant les effets de l'acte litigieux à son égard.
II- cela signifie que l’action paulienne n’a pas pour effet d’annuler l’acte litigieux envers le tiers
Dès lors, en confirmant le jugement ayant prononcé la nullité des donations litigieuses, la cour d’appel a violé l’article 1167 du Code civil. 1ère Civ, 20 décembre 2007, pourvoi n° 07-10.379,
Que signifie concrètement cela en pratique ?
Comme exposé ci-dessus, le créancier victime de la fraude reste seul à pouvoir saisir le bien.
Tous les autres créanciers du débiteurs n’ayant pas droit de gage général sur le bien concerné, ils, ne pourront poursuivre les voies d’exécution sur les biens ou valeurs concernées dans l’action paulienne.
En 2006, la cour de cassation, a pu rappeler ce principe : l'acte reste opposable à tous les créanciers sauf au créancier qui exerce l'action paulienne. C’est aussi une façon aussi de sanctionner le tiers complice.
III- L’action paulienne ne peut empêcher une action en partage 1ere civ,17 octobre 2012 pourvoi N°11-10.786
"Mais attendu que l’inopposabilité paulienne ayant pour seul objet d’autoriser le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d’une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d’en faire éventuellement saisir l’objet entre les mains du tiers, la cour d’appel, tenue de trancher le litige selon les règles de droit applicable, a exactement retenu, statuant sur les conditions de l’action paulienne invoquée par le demandeur, lesquelles étaient nécessairement en la cause, que celle-ci ne pouvait avoir pour objet d’empêcher une action en partage entre coïndivisaires en niant le transfert de droits intervenu à leur profit ; qu’elle a, par ce seul motif, justifié légalement sa décision ;"
En conclusion, il convient de rappeler qu’en sus de sa fonction comminatoire, l'action paulienne répare le préjudice subi par un créancier en raison de l'inexécution par le débiteur de son obligation.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris
Annexe: Présentation de 1ere Civ,17 octobre 2012 pourvoi N° 11-10.786
Rejet
Demandeur(s) : M. Eric X...
Défendeur(s) : M. Charles-Edouard X... ; et autres
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix en Provence, 18 novembre 2010), que MM. Eric et Christian X... étaient propriétaires indivis d’une maison d’habitation provenant de la succession de leur père, où résidait Mme Muriel Y..., épouse de Christian X... et les enfants du couple, qu’en 1989, M. Christian X... a cédé sa part à son frère M. Eric X... pour 1 000 000 francs, lequel lui a versé une partie de cette somme, que l’acte ayant été annulé par jugement confirmé par un arrêt du 28 septembre 2000, M. Christian X... n’ayant pu disposer du logement familial sans l’accord de son conjoint, les deux frères ont été remis dans l’indivision, mais que M. Christian X... n’a jamais restitué à M. Eric X... la somme versée ; qu’il résulte également de l’arrêt que, par acte du 2 mai 2003, M. Christian X... a fait donation à ses deux enfants du quart indivis de la pleine propriété et, le lendemain, a donné à son épouse l’autre quart par convention de divorce, ensuite homologuée, et à titre de prestation compensatoire ; que le 28 septembre 2005, MM. Charles Edouard et Sébastien X..., enfants de M. Christian X..., ainsi que Mme Muriel Y... ayant fait assigner M. Eric X... en partage judiciaire, ce dernier a opposé la nullité de la cession à Mme Y... et l’inopposabilité à son égard de la donation aux enfants de M. Christian X... ;
Sur le premier moyen pris en ses cinq branches :
Attendu que M. Eric X... fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande tendant à ce que lui soit déclarée inopposable la donation effectuée le 2 mai 2003 faite par M. Christian X... à ses enfants du quart indivis en pleine propriété de son immeuble, et d’avoir en conséquence ordonné le partage et la liquidation du bien litigieux, et sa vente aux enchères publiques, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque le créancier invoquant la fraude paulienne de son débiteur établit l’insolvabilité au moins apparente de ce dernier, c’est à celui-ci de prouver qu’il dispose de biens suffisants pour répondre de son engagement ; que la cour d’appel a constaté que M. Eric X... détenait une créance certaine, liquide et exigible sur son frère, antérieure à la donation effectuée par ce dernier au profit de ses propres enfants ; qu’elle a également constaté que la donation avait appauvri M. Christian X..., qui se savait débiteur de son frère d’une somme au moins équivalente à la valeur des biens donnés ; que l’arrêt relève encore que l’acte de donation et la convention de divorce mentionnaient que M. Christian X... était sans profession et que le seul bien qu’il possédait était sa part indivise sur la maison litigieuse ; que les propres constatations de l’arrêt mettaient donc en évidence l’insolvabilité apparente du débiteur, et qu’il appartenait alors à ce dernier de prouver qu’il disposait de biens suffisants pour payer sa dette ; qu’en énonçant pourtant, pour écarter à tort toute fraude paulienne, qu’« il n’est cependant pas établi qu’il n’ait pas eu d’autres biens mobiliers ou d’autres sources de revenus », quand il appartenait au contraire à M. Christian X..., compte tenu des circonstances établies par M. Eric X... et constatées par la cour d’appel, de démontrer qu’il disposait d’autres biens pour répondre de son engagement, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé ensemble les articles 1315 et 1167 du code civil ;
2°/ que c’est à la date de la conclusion de l’acte litigieux qu’il convient de se placer pour apprécier l’existence de la fraude paulienne ; qu’en se fondant sur la circonstance inopérante que « M. Eric X... ne prouve pas qu’à la date de ses premières conclusions aux fins d’action paulienne, notifiées et déposées le 29 mai 2008 devant le tribunal de grande instance de Marseille, M. Christian X... était en état d’insolvabilité », au lieu de rechercher comme elle le devait si, à la date du 2 mai 2003, lorsqu’il avait fait donation à ses deux enfants du quart indivis en pleine propriété de l’immeuble (et cédé, à titre de prestation compensatoire, l’autre quart indivis lui appartenant), cédant ainsi la propriété du seul bien immobilier qu’il détenait, le débiteur n’avait pas conscience du préjudice qu’il causait à son frère créancier, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1167 du code civil ;
3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, observer le principe de la contradiction ; qu’il ne peut par conséquent fonder sa décision sur des moyens relevés d’office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d’appel, pour rejeter la demande de M. Eric X..., a énoncé que « l’action paulienne a pour objet de réintégrer dans le patrimoine du débiteur un bien dont celui-ci s’est dessaisi aux fins de permettre au créancier de le saisir dans le patrimoine de son débiteur. Son effet est limité au cadre du paiement d’une créance. Elle n’a pas pour objet d’empêcher une action en partage entre coïndivisaires en niant le transfert de droits intervenu dans ce cadre. Il est clair que l’objet de l’action paulienne effectuée par M. Eric X..., présentée reconventionnellement à une action en partage, a pour objet d’empêcher un partage demandé par Charles-Edouard et Sébastien X... » ; qu’en statuant ainsi, quand il n’avait jamais été soutenu par M. Christian X... que l’action paulienne de son frère ne pouvait prospérer au motif qu’elle était présentée reconventionnellement à une action en partage, la cour d’appel, qui a soulevé ce moyen d’office, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
4°/ qu’en se fondant sur la circonstance que l’action paulienne serait venue faire obstacle à une demande de partage, inopérante pour caractériser en quoi l’action paulienne était mal fondée, si ces conditions de fond étaient par ailleurs réunies, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 1167 du code civil ;
5°/ que l’exercice de l’action paulienne n’est pas subordonné à une action en paiement préalable, lorsque les conditions légales d’application de l’article 1167 du code civil sont par ailleurs réunies ; que la cour d’appel a relevé que « M. Eric X... ne se prévaut d’aucune action en paiement contre son frère Christian entre 2000, date de l’arrêt confirmatif de la nullité de la cession, et 2008, date de son action paulienne » ; qu’en se déterminant ainsi, sur la base de ce motif radicalement inopérant pour exclure le bien fondé de l’action paulienne dont elle était saisie, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1167 du code civil ;
Mais attendu que l’inopposabilité paulienne ayant pour seul objet d’autoriser le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d’une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d’en faire éventuellement saisir l’objet entre les mains du tiers, la cour d’appel, tenue de trancher le litige selon les règles de droit applicable, a exactement retenu, statuant sur les conditions de l’action paulienne invoquée par le demandeur, lesquelles étaient nécessairement en la cause, que celle-ci ne pouvait avoir pour objet d’empêcher une action en partage entre coïndivisaires en niant le transfert de droits intervenu à leur profit ; qu’elle a, par ce seul motif, justifié légalement sa décision ;
Que le moyen, inopérant en ses première, deuxième et cinquième branches en ce qu’il critique des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que le second moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi