I- La notion d'attribution préferentielle
Lors d'une procédure de partage liée à un divorce ou à une succession un indivisaire, un héritier ou légataire copartageant peut, sous des conditions strictes demander à se voir attribuer en priorité un bien (domicile conjugal;exploitation agricole; entreprise commerciale: parts de sociétés, fonds de commerce... ) par rapport aux autres copartageants.
C'est ce que l'on nomme l'attribution préférentielle définie par les articles 831 à 834 du code civil.
Ainsi la valeur du bien attribué amiablement ou par le tribunal dans le lot de la personne s’imputera sur ses droits et si elle est supérieure, donnera lieu au paiement d’une soulte.
Article 831 du code civil
"Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d'entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d'une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l'exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants.
S'il y a lieu, la demande d'attribution préférentielle peut porter sur des droits sociaux, sans préjudice de l'application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d'une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers."
Article 831-2 du code civil:
"Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut également demander l'attribution préférentielle :
1° De la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du décès, et du mobilier le garnissant ;
2° De la propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession et des objets mobiliers à usage professionnel garnissant ce local ;
3° De l'ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l'exploitation d'un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer lorsque le bail continue au profit du demandeur ou lorsqu'un nouveau bail est consenti à ce dernier."
L'article 832-3 dispose que:
"L'attribution préférentielle peut être demandée conjointement par plusieurs successibles afin de conserver ensemble le bien indivis.
A défaut d'accord amiable, la demande d'attribution préférentielle est portée devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en présence.
En cas de demandes concurrentes, le tribunal tient compte de l'aptitude des différents postulants à gérer les biens en cause et à s'y maintenir. Pour l'entreprise, le tribunal tient compte en particulier de la durée de la participation personnelle à l'activité."
I- Présentation de 1ere Civ, 25 juin 2014, pourvoi
13-16.529
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte unilatéral sous seing privé du […] juillet 2005, P. X... a « déclaré vendre » à son frère, M. J.-M. X..., la moitié indivise d’immeubles qu’ils ont recueillie dans la succession de leur père F. X... ; qu’il est décédé le […] novembre 2005 en laissant à sa succession ses deux enfants, M. T. X... et Mme Y... ; que des difficultés se sont élevées entre eux quant au sort des biens litigieux, M. J.-M. X... prétendant en être entier propriétaire pour avoir acquis la part indivise de son frère ; que par un premier arrêt, non critiqué, la cour d’appel a dit que cet acte constituait une offre de vente qui n’avait pas été acceptée avant le décès de P. X... ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. J.-M. X... fait grief à l’arrêt de dire que l’offre de vente du […] juillet 2005 était caduque au décès de P. X... et de dire, en conséquence, que la maison et le bois situés à […] faisaient partie de l’actif de la succession de F. X..., alors, selon le moyen :
1°/ qu’une offre de vente ne peut être considérée comme caduque du seul fait du décès de l’offrant ; qu’en jugeant néanmoins, pour dire que la maison et le bois sis à […] faisaient partie de l’actif de la succession, que l’offre de vente faite le […] juillet 2005 à son frère par P. X... était devenue caduque au décès de ce dernier, la cour d’appel a violé les articles 1101, 1103 et 1134 du code civil ;
2°/ que le décès de l’offrant qui était engagé dans des pourparlers ne rend pas son offre caduque ; qu’en se bornant, pour dire que l’offre du […] juillet 2005 était caduque, à se fonder sur la double circonstance déduite du décès de l’offrant et de l’intuitu personae de cette offre, sans rechercher si, dès lors que les parties s’étaient rapprochées après l’émission de l’offre, que le bénéficiaire avait cherché le financement de l’acquisition, que les pourparlers étaient engagés à un point tel qu’au mois d’octobre 2005 les pièces nécessaires à la rédaction de l’acte notarié de vente étaient demandées à ce dernier, le décès du pollicitant ne pouvait constituer une cause de caducité de son offre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101, 1103 et 1134 du code civil ;
Mais attendu que l’offre qui n’est pas assortie d’un délai est caduque par le décès de celui dont elle émane avant qu’elle ait été acceptée ; qu’ayant relevé qu’aucun délai de validité de l’offre n’avait été fixé la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a, à bon droit déduit, que l’offre était caduque en raison du décès de P. X... ; que le moyen n’est donc pas fondé ;
Mais sur la première branche du second moyen :
Vu l’article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande d’attribution préférentielle de M. J.-M. X..., l’arrêt retient qu’en l’état la valeur de l’immeuble objet de la demande n’est pas connue, ce qui ne permet pas d’estimer le montant de la soulte qui sera payable comptant, et que le demandeur, retraité âgé de […] ans, ne fournit aucun justificatif relatif à ses revenus et ses disponibilités financières, ni explique de quelle manière il sera en mesure de régler cette soulte ;
Qu’en statuant ainsi sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d’office, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande d’attribution préférentielle formée par M. J.-M. X..., l’arrêt rendu le 30 mai 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon ;
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocat au barreau de Paris