Le legs de residuo ou libéralité résiduelle constitue un testament qui permet de transmettre en deux étapes.
Il a été légalisé par la loi portant réforme des successions du 23 juin 2006.
Par cet acte, le testateur lèguera d'abord tout ou une partie de ses biens à un premier légataire, (héritier grévé), au décès duquel sera transmis, ce qui restera des biens à un second légataire.( héritier appelé ou bénéficiaire).
Ainsi le testament produira quelque part des effets posthumes, puisque le testateur pourra désigner deux bénéficiaires en différé à qui reviendront successivement les biens qu'il lègue.
C'est aussi une façon de planifier sa succession...
La réforme des successions, a apporté ainsi deux nouvelles formes de donations ou legs avec charges.
D'une part les donations ou legs graduel permettent de donner ou léguer des biens à une personne, avec l’obligation pour cette dernière de le conserver en nature pour le transmettre, à son décès, à une autre personne nommément désignée dans l’acte.
Il s'agit donc d'une libéralité qui suppose que le bénéficiaire ne puisse ni donner, ni vendre, ni transmettre par testament le bien donné.
D'autre part la donation ou le legs résiduel,permet au bénéficiaire de disposer du bien ( cession possible,sauf clause contraire) .
Ici le premier légataire n'est pas tenu de conserver les biens, si bien qu'en cas de cession ou de donation des biens, le second bénéficiaire n’aura droit à rien...
I- Le legs de residuo : une double libéralité portée dans un legs unique
A) Fonctionnement et mécanisme
1°- Le legs « de residuo » comporte une double libéralité
- l'une qui s'exécute au décès du donateur;
- l'autre, née également au jour du décès du testateur, mais qui s'exécutera au décès du premier gratifié à un deuxième bénéficiaire s'il est en vie.
Le premier reçoit les biens légués et en restera propriétaire jusqu'à son décès.
Il peut disposer librement, les vendre, les louer, les transformer...
La seule interdiction porte sur la transmission à titre gratuit.(don ou legs),sauf s'il est héritier réservataire et qu'il a reçu le bien en avancement de part successorale.
A son décès, ce qu'il en reste n'ira pas à ses propres héritiers, mais à un second bénéficiaire désigné par le testateur dans son testament, qui reçoit le résiduel, à savoir ce dont le premier n'a pas disposé.
Autrement dit, on fait comme si le second bénéficiaire héritait directement du testateur de façon différée.
Nous sommes en présence d'une relation triangulaire,puisque le second gratifié tient ses droits du disposant et non du premier gratifié.
Pour 1ère Civ, 8 février 2005, pourvoi N° 02-12103
La seconde libéralité est soumise à la double condition suspensive qu’au décès du premier gratifié, le bien subsiste dans son patrimoine et que le second gratifié survive.
Les dettes et charges de la succession seront supportées par les légataires universels ou à titre universels en priorité.
Si les legs n’y suffisent pas, alors leur paiement sera supporté par les légataires à titre particulier et, en derner lieu par les héritiers réservataires.
Seul le légataire de residuo devra seul, prendre en charge l’apurement du passif de la succession.
1ère Civ, 20 février 2008, pourvoi N°06-14.704
Les valeurs mobilières objets d'un legs de residuo doivent être individualisées au décès du premier gratifié pour pouvoir être transmises au second gratifié.
Les droits du second légataire résiduel ne se reportent pas sur le produit de la cession des biens, ni sur les nouveaux biens acquis par le premier
Ainsi, il conviendra que les actifs mobiliers objets de la libéralité résiduelle, ( ex titres,valeurs mobilières ), soient isolés sur un compte titres spécial.
En l'éspèce un homme était décédé après avoir institué son épouse comme sa légataire universelle avec faculté d'aliéner ses biens à titre onéreux.
Il avait également désigné ses neveux et nièces comme légataires de ce qui resterait desdits biens lors du décès de son épouse.
Or sa femme était décédée à son tour après 23 mois après avoir légué, par testament, tous ses biens à un tiers désigné, qui les avait recueilli avant de décéder à son tour.
Les neveux et nièces (légataires) du défunt mari, avaient assigné l'administrateur provisoire de la succession pour faire annuler le legs universel consenti au tiers et obtenir la délivrance du legs de residuo qui leur avait été consenti.
La cour d’appel avait admis leurs demandes liées aux valeurs mobilières, d’une part, et sur des liquidités égales à la moitié du prix de vente de l'immeuble légué à la veuve, puis revendu par elle, d’autre part : Legs doublement conditionnel.
C'est dans ce contexte et au visa de l’article 1040 du Code civil que la Cour de cassation l'a censuré.
"Toute disposition testamentaire faite sous une condition dépendante d'un événement incertain, et telle que, dans l'intention du testateur, cette disposition ne doive être exécutée qu'autant que l'événement arrivera ou n'arrivera pas, sera caduque, si l'héritier institué ou le légataire décède avant l'accomplissement de la condition."
B) Avantages de la technique
Il s'agit d'un legs pour
1°- transmettre au delà d'une génération
2°- avantager un conjoint (ex suite à remariage) sur des biens propres avant leur retour aux enfants ou héritiers personnels
Cette technique est utilisée dans les couples mariés sans enfant de façon à ne pas laisser sa propre famille complètement privée d'héritage.
3°- protéger un enfant handicapé avant de transmettre le patrimoine aux autres enfants ou à un tiers et lui assurer une sécurité matérielle
Ainsi, afin d'exprimer leur reconnaissance envers la personne qui prendra soin de l'enfant après son décès,justement parce-que cet enfant handicapé ne peut transmettre ses biens et ne peut subvenir de façon satisfaisante à ses propres besoins.
Les biens transmis peuvent lui assurer une sécurité matérielle après décès de ses parents et à son propre décès, permettre à ses frères et soeurs ou à ses neveux et nièces peuvent d' être désignés seconds bénéficiaires.
4°- maintenir des biens dans sa propre lignée et les mettre ainsi hors de portée de la belle-famille.
C) Une gestion aisée des biens légués
1°- Le légataire initial peut gérer les biens légués
sauf clause spécifique d'interdiction portée dans le legs ou de modalités de cession
Il peut contracter à titre onéreux (ex vente ou à titre gratuit ( ex donation).
Il ne peut léguer, si bien qu'à son décès, le second légataire recevra ce qui reste des biens.
Ces libéralités résiduelles envisageront tour à tour l'impact d'une cession à titre onéreux en présence d'immeubles et/ou de valeurs mobilières et l'impossibilité de léguer.
2°- Un legs qui porte sur la quotité disponible comme tout testament
Cependant, la jurisprudence considère que si le legs laisse au premier légataire la liberté de disposer à titre gratuit et de tester, il peut alors porter sur la réserve.
Le legs de residuo offre au testateur le choix de ses légataires :
- D’abord il regle la situation de ses enfants sur la réserve héréditaire et les personnes de son choix pour la quotité disponible,
-ensuite il s'adresse aux personnes par lui désignées pour les biens subsistants de ses enfants.
II-Le legs de residuo : une économie sur le plan fiscal
Le mécanisme de la double transmission ne sera pas pris en compte lors du premier décès.
A) au regard du calcul lié à la valeur des biens
Les droits seront imposables en se plaçant à la date du décès du premier légataire
Lors de la seconde succession, les droits de succession sont calculés sur la valeur qu'ont les biens au moment du décès du premier bénéficiaire et au taux qui était d'application au moment du décès du testateur.
Les hausses ou baisses de tarifs intervenues entre les deux décès seont donc sans influence.
B) des droits calculés au degré de parenté
Au décès du testateur, seul le légataire institué en premier doit les droits de mutation par décès dans les conditions de droit commun.
Au décès du premier légataire, la taxation s'opère d'après le degré de parenté entre le testateur et le second légataire.
1°- Des économies fiscales importantes pourront découler de ce choix.
exemple pour des parents qui voudraient organiser le transfert de leurs biens, d'abord à leur enfant, eux même sans enfant et ensuite aux enfants de leurs frères et sœurs.
2°-les droits peuvent s'avérer plus lourds en présence d'un frère premier légataire et d'un neveu du testateur en second légataire.
Dans ce cas, il sera mieux que le premier légataire ait la possibilité de léguer une partie des biens reçus afin de permettre au bénéficiaire en second de tenir ses droits du premier légataire.
Lors de l'évaluation du legs, il n'est pas tenu compte de la disposition particulière de legs de residuo, à savoir l'obligation pour le premier bénéficiaire de transmettre le reste des biens hérités au second.
Au moment du décès du premier bénéficiaire, de nouveaux droits de succession sont dus sur ce qui reste de l'héritage par la personne qui les recueille en deuxième rang.
Le taux applicable de la seconde succession dépendra alors du lien de parenté existant entre le testateur et le second bénéficiaire, sans que degré de parenté entre le premier bénéficiaire et le second ne soit pris en compte.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris
