Tant qu'un salarié s'exprime librement sans propos injurieux ou diffamatoires, sa liberté dans son droit à l'expression ne peut être remise en cause par l'employeur,si bien que toute sanction prise serait illicite.
Un employeur ne peut restreindre la liberté d'expression d'un salarié que si cette limitation est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et si elle reste proportionnées au but recherché.
De ce fait lorsqu'un salarié s'exprime dans un courrier adressé au conseil d'administration ou aux dirigeants de la société sans utiliser de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, alors son licenciement pour faute grave ne sera pas justifié.
Sa liberté d'expression ne devant pas se congondre avec son droit à s'exprimer.
C'est ce qui a été jugé par Soc,27 mars 2013,pourvoi N°11-20721 au regard du contenu de la lettre qui constatait simplement l'exercice de la liberté d'expression du salarié au sein l'entreprise.
Elle sanctionne ainsi une cour d'appel qui a jugé fondé un licenciement pour faute grave en se fondant sur les propos utilisés :
"décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l'entreprise, désordre interne, détournement, abus d'autorité, conséquences financières et sociales désastreuses" …
I - Analyse de Soc,27 mars 2013,pourvoi N°11-20721
A) Rappel textuel du principe constitutionnel lié à la liberté d'expression
1°- Les textes
L'article L 2281-1 du code du travail
--la liberté d'expression existe dans un cadre limité. Le salarié doit respecter ,deux conditions cumulatives : la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
--La liberte d'expression n'est pas le droit d'expression qui existe dans un cadre limité. Un salarié peut s'exprimer dans un courrier adressé au conseil d'administration ou aux dirigeants de la société sans utiliser de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
II- Présentation de Soc, 27 mars 2013, pourvoi N°11-20721
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 13 juin 2005 par la société Dyneff où il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur des ressources humaines, cadre niveau VII, coefficient 600 ; qu'il a été licencié pour faute lourde le 11 octobre 2008, l'employeur lui reprochant les termes d'une lettre, cosignée par trois collègues et adressée le 11 septembre 2008 aux membres du conseil d'administration et aux dirigeants de la société mère ; que contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités au titre de la rupture, ainsi que de rappels de salaires pour heures supplémentaires ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter la qualité de cadre dirigeant du salarié et de le condamner en conséquence à payer à l'intéressé certaines sommes à titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs ainsi qu'à lui remettre un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation pôle emploi rectifiée alors, selon le moyen :
1°/ que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant, exclusive de la législation sur les heures supplémentaires, les cadres auxquels sont confiés des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par la loi ; qu'en se bornant à relever pour écarter la qualité de cadre dirigeant du salarié, que le contrat de travail du salarié prévoyait une rémunération calculée sur la base de trente-cinq heures hebdomadaires, que l'organigramme de la société le plaçait sous la subordination du président et du directeur, eux-mêmes soumis au conseil d'administration du groupe et que sa classification selon la convention collective n'était pas celle correspondant aux cadres dirigeants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail ;
2°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, les relevés de la badgeuse étaient simplement versés aux débats par le salarié afin d'étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires sans articulation d'un quelconque moyen relatif au fait qu'il devait en être mécaniquement déduit qu'il était soumis à l'horaire en vigueur dans l'entreprise ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans préalablement provoquer les explications des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en tout état de cause, le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ; qu'en affirmant de manière péremptoire que le fait que le salarié était tenu de « badger » impliquait nécessairement que son horaire de travail était soumis à celui en vigueur dans l'entreprise, sans justifier en quoi il en irait forcément ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le contrat de travail de M. X... prévoyait qu'il ne pourrait refuser d'effectuer les heures supplémentaires qui lui seraient demandées et que son horaire de travail était celui en vigueur dans l'entreprise, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Vu l'article L. 1121-1 du code du travail ;
Attendu que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ;
Attendu que pour dire le licenciement du salarié fondé sur une faute grave, la cour d'appel relève que les termes employés tels que « décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l'entreprise » , comme ceux de « désordre interne, détournement, abus d'autorité, conséquences financières et sociales désastreuses » n'en sont pas moins violents et dénués de nuance, que « leur usage a pour seule finalité de caractériser l'incurie et l'impéritie du président de la société », que le courrier litigieux « dépasse les standards habituels de communication au sein de l'entreprise, décrit de façon tendancieuse des situations qui s'apparentent à des actes de malveillance, fait une présentation volontairement alarmiste de la situation économique et sociale de l'entreprise, répand des rumeurs sur le devenir de la société et la précarité de la situation des salariés et manifeste l'intention de ses auteurs de mettre en cause et de déstabiliser son président et que ce comportement est d'autant plus fautif qu'il est le fait de cadres supérieurs disposant d'une large autonomie et d'une autorité non négligeable dans l'entreprise qui s'adressent directement et collectivement aux nouveaux actionnaires du groupe », à un moment où « la société Dyneff était en pleine réorganisation » ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre litigieuse, adressée aux membres du conseil d'administration et aux dirigeants de la société mère, ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes liées à la rupture, l'arrêt rendu le 11 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Dyneff aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant ICI
Sabine HADDAD
Avocat