L'article 100 du code de procédure civile dispose :
"Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office."
I- La notion de Litispendance: une exception de procédure qui permet d'éviter une contradiction de jugement
A) Mise en oeuvre
Un déclinatoire de compétence permet de soulever une exception de litispendance par les parties,( article 100 du CPC).
Ce déclinatoire, doit être présenté au début du litige (on parle d'exeption soulevée in limine litis), avant toute défense au fond et fin de non-recevoir et simultanément avec les autres exceptions de procédure.
Le juge peut se dessaisir d’office, si aucune partie ne la soulève.
deux situations ont été envisagées:
– soit les deux juridictions saisies sont compétentes et appartiennent au même degré de juridiction : il appartient de ce fait à la dernière saisie de se dessaisir ( article. 100 du CPC) ;
– soit es deux juridictions sont de degré différent : le déclinatoire doit alors être formé devant la juridiction de degré inférieur même si elle a été saisie en premier (article. 102).
Le contredit ou l'appel ( si le litige a été tranché au fond) seront les voies de recours à l'encontre de la décision qui statue sur cette exception.
B) L'exception de litispendance internationale
L'exception de litispendance internationale a été admise par 1ère Civ, 26 novembre 1974, pourvoi n°73-13820 Miniera di Fragne
Elle suppose qu'une procédure ou instance est déjà engagée ( ou pendante) devant un Tribunal étranger également compétent, si bien que le Juge saisi en second doit se déclarer incompétent au profit de la juridiction étrangère première saisie.
Une limite est posée par la cour de cassation : la décision étrangère ne doit pas être contraire à l'ordre public international, à défaut de quoi,elle ne sera pas reconnue en France.On la relève souvent en matière de divorce mais suppose;
- l'existence d'une instance à l'étranger antérieurement introduite ;
- une identité de parties, de litige et d'objet ;
- la compétence du juge étranger premier saisi ;
- une décision du juge étranger susceptible d'être reconnue en droit interne français ( aux conditions de l'arrêt Cornelissen).
Le juge français second saisi dispose de la faculté, soit de se dessaisir, soit de surseoir à statuer en l'attente de la décision du juge étranger.
Ainsi si une partie invoque l’exception de litispendance et prouve l’heure à laquelle elle a saisi la juridiction dont elle revendique la compétence, il incombera à l’autre partie, qui souhaite écarter cette exception, de prouver sa saisine antérieure.1ere Civ, 11 juin 2008, pourvoi N° 06-20.042.
Cela signifie que lorsque deux juridictions ont été saisies le même jour, celui qui invoque l'exception de litispendance et prouve l'heure à laquelle il a saisi le juge étranger, bénéficie d'une présomption d'antériorité qui contraint l'autre partie à prouver que le juge français a été le premier saisi.
Le juge d’un État membre saisi d’une action en divorce et informé qu’une action est pendante devant la juridiction d’un autre État membre doit surseoir à statuer le temps que l’autre juridiction établisse sa compétence, puis, si cette compétence est établie, se dessaisir.
II- La litispendance à travers la legislation Européenne
A) Le « Règlement Bruxelles II bis » et la litispendance Européenne
Le règlement N° 2201/2003 du Conseil de l’union européenne, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale (appelé « Bruxelles II bis ») a été adopté le 22 novembre 2003 et est entré en application le 1er mars 2005.
Il a vocation à s'appliquer en matière de divorce.
Il n'a pas de domaine d'application ratione loci strictement délimité et s'applique dès lors que l'une des règles de compétence qu'il énonce se réalise sur le territoire d'un Etat membre de l'Union Européenne.
Il abroge et remplace le règlement (CE) n°1347/2000 (Bruxelles II) sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs entré en vigueur le 1er mars 2001 dont l'article 2, paragraphe 1 b) dispose que sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps, et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'Etat membre de la nationalité des époux
L'article 2 § 1 b) du Règlement CE n°1347/2000 du 29 mai 2000 (Bruxelles II) ne consacre qu'une compétence facultative de la juridiction française, impropre à exclure la compétence d'un juge étranger, si bien que l'exception de litispendance internationale soulevée au profit des juridictions étrangères, doit être accueillies lorsque le juge du fond a constaté qu'elles étaient également compétentes eu égard à leurs propres règles de conflits, et qu'elles ont été saisies en premier (1ère Civ , 17 juin 2009, pourvoi n°08-12456
L'article 1.1 a) du règlement Bruxelles II-bis prévoit que :
" Le règlement s'applique, quelle que soit la nature de la juridiction, aux matières civiles relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux. "
La mise en œuvre de l’exception de litispendance décrite par le règlement européen s’opère en deux phases.
-Le juge d’un État membre saisi d’une action en divorce et informé qu’une action est pendante devant la juridiction d’un autre État membre doit surseoir à statuer le temps que l’autre juridiction établisse sa compétence,
-puis, si cette compétence est établie, se dessaisir.
L'article 16 du règlement considère qu'une juridiction est réputée saisie à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur.
Une fois la juridiction saisie , le juge doit vérifier d’office sa compétence au vu du règlement et se déclarer, le cas échéant, d’office incompétent.
Il doit également, lorsque le défendeur a sa résidence habituelle dans un autre Etat, surseoir à statuer tant qu’il n’est pas justifié que ce dernier n’a pas reçu l’acte introductif d’instance.
Devant les juridictions françaises, c'est le dépôt de la requête en divorce qui constitue la première formalité de la procédure. (deux arrêts 1ere Civ, 11 juillet 2006,: solution rendue sous l’empire du Règlement Bruxelles II et applicable sous l’empire du Règlement Bruxelles II bis).
Son dispositif prévu pour régler les cas de litispendance ne joue pas si la juridiction première saisie ne l'est qu'en vue de prononcer des mesures provisoires alors que la juridiction seconde saisie l'est pour des mesures définitives.
B) L'article 27-1 du règlement 44/2001/CE du conseil du 22 décembre 2000 "Bruxelles I " qui régit les pensions et prestations susceptibles d’être sollicitées par un époux dans le cadre d’un divorce et qui rentrent dans la catégorie « obligation alimentaire »
Cette une notion autonome, doit faire l'objet d'une interprétation extensive. 1ère Civ, 17 janvier 2006, BICC 638 15 avril 2006
Celui-ci prévoit une exception de litispendance internationale et ses conditions de recevabilité qui supposent l'introduction d'une instance devant les juridictions de deux États membres de l'union Européenne, une compétence du premier juge saisi; l'identité de parties, de litige et d'objet.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris