Quels éléments objectifs extérieurs ou d'extranéité faut-il retenir pour un contrôle d'identité ?
1ère Civ, 28 mars 2012, pourvoi N°11-11.099 nous y répond en partie.
I- Analyse textuelle du contrôle d'identité et présentation de l'arrêt.
A) Les textes régissant les 4 cas justifiant d'un contrôle d'identité
1°- L'article 78-2 du Code de Procédure Pénale les envisage dans les cas suivants.
- S'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une personne a commis, tenté de commettre une infraction ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ou encore qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles en cas de crime ou de délit,
- Sur réquisitions écrites du Procureur de la République dans des lieux et pour une période de temps déterminé en vue de la recherche d'auteurs d'infractions limitativement énumérées,
- En prévention des atteintes à l'Ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens,
- Lors des contrôles réalisés dans la zone Schengen ou les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international.
2°- L'article L 611-1 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile
« A la suite d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1, 78-2 et 78-2-1 du code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l'alinéa précédent (pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France. »
B) Quels éléments premettent de présumer de critères objectifs ou d'extrénéité d'une personne contrôlée et de son obligation de justifier de son autorisation de séjour ?
Toute déduction de nationalité ne pourra se fonder sur des motifs discriminatoires ou des indices physiques lors de ces contrôles non systématiques.
Le contrôle suppose de présumer qu’une personne est de nationalité étrangère par des critères objectifs d’extranéité (liés à la situation d’étranger), de manière à exclure toute discrimination ou contrôle dits " de faciès ".
Ne seront pas considérés comme des éléments d’extranéité recevables, ceux fondés sur l’apparence physique de la personne ( exemple couleur de peau, morphologie, …).
Seront des critères objectifs non discriminatoires, le fait d’avoir participé à une manifestation, la conduite d’un véhicule immatriculé à l’étranger, ou le port d’un livre écrit en langue étrangère…
1ère Civ, 28 mars 2012 est venue préciser les critères factuels applicables à l'analyse,
En l'espèce, le séjour irrégulier avait été révélé à la suite à un contrôle d'identité requis par le Procureur de la République.
L'extranéité ressortait selon les procès verbaux de police du fait que l'intéressé était né à l'étranger et ne répondait pas aux questions relatives à sa date de naissance.
Pourtant la Cour de cassation censure cette analyse :
"Attendu que l'ordonnance retient à bon droit que, si l'article L. 611-1, alinéa 2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorise les services de police, à la suite d'un contrôle opéré en application de l'article 78-2 du code de procédure pénale, à requérir la présentation des documents sous le couvert desquels une personne de nationalité étrangère est autorisée à circuler ou séjourner en France, cette faculté est cependant subordonnée à la constatation de la qualité d'étranger, laquelle doit se déduire d'éléments objectifs extérieurs à la personne même de l'intéressé ; que le fait d'être né à l'étranger et de ne pas répondre aux questions relatives à sa date de naissance ne constitue pas un élément objectif déduit des circonstances extérieures à la personne, susceptible de présumer la qualité d'étranger ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé".
II- Présentation de 1 ère Civ, 28 mars 2012 pourvoi N°11-11.099
Rejet
Demandeur(s) à la cassation : Préfet de police
Défendeur(s) à la cassation : M. X...
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’ordonnance attaquée rendue par le premier président d’une cour d’appel (Paris, 23 novembre 2010) et les pièces de la procédure, qu’agissant en exécution d’une réquisition du procureur de la République prise sur le fondement de l’article 78-2 du code de procédure pénale, les policiers ont contrôlé l’identité de M. X..., de nationalité marocaine, en situation irrégulière en France ; qu’il a déclaré être né à Oujda (Maroc) et n’a pas répondu aux questions relatives à sa date de naissance ; que les policiers l’ont placé en garde à vue pour séjour irrégulier en France ; que le préfet de police de Paris a pris, à son encontre, un arrêté de reconduite à la frontière et une décision de placement en rétention administrative ; qu’un juge des libertés et de la détention a prolongé cette mesure ;
Attendu que le préfet de police fait grief à l’ordonnance d’infirmer cette décision et de dire n’y avoir lieu à prolonger la rétention alors, selon le moyen, que retenant, pour dire n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. X..., qu’il incombait aux services de police, en l’absence d’élément, de le soumettre à la procédure de vérification d’identité, quand une telle procédure est facultative et qu’en l’absence de présentation de document d’identité, le fait d’indiquer un pays de naissance autre que la France sans indiquer sa nationalité constitue un élément extérieur à l’intéressé laissant penser qu’il est de nationalité étrangère, le conseiller délégué du premier président de la cour d’appel de Paris a violé les articles L. 552-1 et suivants et L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ensemble l’article 78-2, alinéa 6, du code de procédure pénale ;
Mais attendu que l’ordonnance retient à bon droit que, si l’article L. 611-1, alinéa 2, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile autorise les services de police, à la suite d’un contrôle opéré en application de l’article 78-2 du code de procédure pénale, à requérir la présentation des documents sous le couvert desquels une personne de nationalité étrangère est autorisée à circuler ou séjourner en France, cette faculté est cependant subordonnée à la constatation de la qualité d’étranger, laquelle doit se déduire d’éléments objectifs extérieurs à la personne même de l’intéressé ; que le fait d’être né à l’étranger et de ne pas répondre aux questions relatives à sa date de naissance ne constitue pas un élément objectif déduit des circonstances extérieures à la personne, susceptible de présumer la qualité d’étranger ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Me HADDAD Sabine