L’acte introductif de la procédure de divorce est matérialisé par le dépôt d'une requête confectionnée par un avocat, obligatoire pour cette procédure , sur demande de l'un des conjoints entre les mains du juge aux Affaires Familiales près le Tribunal de grande instance.
La procédure de divorce comporte deux phases essentielles :
- la tentative de conciliation, concrétisée par le prononcé d'une ordonnance;
- la période de l’assignation suite à laquelle découlera la décision de divorce en tant que telle.
Les articles 252 à 257 du code civil envisagent la période cruciale de la tentative de conciliation.
L’article 252 du code civil précise : « une tentative de conciliation est obligatoire avant l'instance judiciaire. Elle peut être renouvelée pendant l'instance. Le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences. »
Il ne s’agira pas, ici de confondre cette audience, avec l’audience de comparution des époux dans le cadre d’un divorce amiable, ou par consentement mutuel sur requête conjointe, lors de laquelle le JAF prononcera le divorce et homologuera la convention de divorce confectionnée par l’ou les avocat(s) en respect des intérêts de la famille.
Dans cette étude, je me place dans les autres cas de divorce ( sur demande acceptée, pour rupture irrémédiable du lien conjugal après 2 ans de séparation ou pour faute).
Dans 98% des cas, il s’agira d’une audience de la non-conciliation .
mais ne nous y trompons pas, ces mesures prises inspirereront la suite du divorce, et pourraient avoir vocation à s"appliquer 30 mois avant de devenir caduques...
Que se passera t-il à ce stade ?
I- De quelques mesures préalables avant la tentative de conciliation
Ici j’envisagerai, le cas des mesures prises, juste avant le dépôt de la procédure en divorce ou immédiatement, lors du dépôt de la requête en divorce, dans des situations d’urgence ou particulières (ex violence, protection des personnes ou des biens...)
A) Un rappel indispensable : les mesures éventuellement prises dans le cadre de l’article 220- 1 du code civil avant l'introduction de la requête
« Si l'un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts.
Il peut notamment interdire à cet époux de faire, sans le consentement de l'autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles. Il peut aussi interdire le déplacement des meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l'usage personnel à l'un ou à l'autre des conjoints.
Lorsque les violences exercées par l'un des époux mettent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. Le juge se prononce, s'il y a lieu, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage. Les mesures prises sont caduques si, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée. La durée des autres mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans «
B) Les mesures d’urgence, qui suivent immédiatement le dépôt d’une requête en divorce
Dès la requête initiale, ces mesures d'urgence, réclamées par le demandeur peuvent être prises en application de l'article 257 du code civil (ex autorisation de résider séparément) ou bien des mesures conservatoires pour garantir les droits des époux (ex apposition de scellés sur des biens communs ou indivis)
Elles seront immédiatement plaidées par l'avocat , en présence du conjoint demandeur près du JAF de permanence.
Ce dernier, les déterminera en même temps qu'il fixera une date de tantative de conciliation. Il autorisera à les dénoncer et à citer son conjoint par voie d' huissier à sa prochaine audience.
C) Le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure déterminé le jour de la tentative de conciliation.
1°- pour valider la procédure par citation d'huissier
Si l’un des époux n’a pas été touché par la convocation du greffe par RAR.( qui est le mode classique de convocation), le JAF renverra l’audience et le dossier aux fins de citation du conjoint par voie d’huissier en fixant une date par ordonnance .
A cet effet, souvent, lorsque l'époux défendeur, se sera volatilisé, dans la nature, sans laisser d’adresse,même au travail, sachez que l’avocat pourra vous divorcer quand même, malgré cet abandon et ce silence .
Tout avocat, diligent, avant même la première audience; aura d’ailleurs déjà pris soin de demander dans sa requête une « ordonnance de permis de citer l’autre époux par voie d’Huissier » au dernier domicile connu pour le jour et l’heure de l’audience de conciliation. Cette "citation" régularisera sa procédure et permettra de plaider hors la présence du défendeur. ( technique juridique ici du PV de recherches infructueuses art 659 du NCPC joint à la procédure )
2°- pour respecter le principe du contradictoire
Il faut savoir que , bien que s'agissant, ci d'une phase orale de la procédure, le juge pourrait renvoyer pour communication de pièces, et laisser un temps supplémentaire aux défenseurs pour préparer leur dossier.
par exemple, de lourdes conclusions en demande qui seraient déposées in extremis par l'un des avocats le jour de l'audience pourront necessiter un délai de réponse.
3°- lorsque l'époux qui n'a pas formé la demande ne se présente pas à l'audience ou se trouve hors d'état de manifester sa volonté,
Si la personne a été valablement touchée par la convocation, il pourra examiner le dossier ou renvoyer. dans des cas extrêmes, un transport sur les lieux est envisageable.
4°- pour favoriser un délai de réflexion entre 8 jours et 6 mois en cas d'hésitation
ici, le juge peut renvoyer à huit jours, voire suspendre la procédure, jusqu’à six mois au maximum tout en prenant des mesures provisoires d’attente, mais cela est assez rare en pratique.
Il cherchera à concilier. A noter que dans le but de favoriser la conciliation tout en protégeant les époux en cas d'échec, la loi prévoit que : « Ce qui a été dit ou écrit à l'occasion d'une tentative de conciliation, sous quelque forme qu'elle ait eu lieu, ne pourra pas être invoqué pour ou contre un époux ou un tiers dans la suite de la procédure »:Article 252-4 du code civil.
A défaut d’accord, il sera statué sur les mesures provisoires en tant que telles ,dans le but de régler la situation durant le déroulement de la procédure jusqu'au jugement de divorce définitif.
L’ordonnance de non-conciliation est susceptible de recours dans les quinze jours de sa notification.
II Les mesures provisoires prises dans le cadre de la tentative de conciliation
Le juge fera rentrer dans son cabinet, la femme, puis le mari, puis le ou les avocats en présence de leurs clients pour les entendre en leurs explications.
D’emblée, il verra, en présence des deux avocats , si un procès verbal d’acceptation sur le principe du divorce est envisageable avec le plein accord des époux et de leurs conseils respectifs, lesquels le signeront alors.
Ce PV une fois signé ne sera plus susceeptible de rétractation.
Article 233 du code civil « Le divorce peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci. Cette acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel. »
Rappelons que le juge pourra soit renvoyer, soit statuer malgré le défaut de comparution du défendeur régulièrement convoqué, sur les seuls éléments fournis par le demandeur ( voire I- B) 2°Donc prudence aux défendeurs inertes .
A) Les mesures de la conciliation prises, en considération des accords
Article 254 du code civil : « le juge prescrit, en considération des accords éventuels des époux, les mesures nécessaires pour assurer leur existence et celle des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée
Article 1117 du Nouveau Code de Procédure civile : « Lorsqu'il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclus entre eux. »
B) Les mesures visées dans l’article 255 du code civil
Certaines pourraient être entérinées en cas d’accord, et à défaut imposées aux époux par ordonnance. Le magistrat pourra:
1° Proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;
Le but sera de dépassionner le conflit, en présence d’un tiers et d’occasionner un groupe de parole. Il conviendra aux époux d’y mettre du leur pour qu’elle aboutisse.
Les modalités de la mission, de la durée et de la rémunération du médiateur seront envisagées ( si vous disposez de l’aide juridictionnelle, l’état prendra en charge une partie ou la totalité des frais de la médiation).
2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation ;
3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;
4° Attribuer à l'un d'eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l'accord des époux sur le montant d'une indemnité d'occupation
5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;
6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d'instance que l'un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;
7° Accorder à l'un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;
8° Statuer sur l'attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;
9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;
10° Désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.
C) Les mesures concernant les enfants :
L’article 256 du code civil renvoie aux dispositions du titre IX du code civil chapitre I intitulées « de l’autorité parentale »
Le JAF va organiser la vie des enfants, et statuer sur :
1°- l’autorité parentale conjointe en principe, et exclusive à titre exceptionnel
2°- la résidence des enfants chez l’un ou l’autre, voire de façon alternée quand cela est possible.
Dans l’optique d’une fixation de résidence, il pourrait ordonner divers type d’enquêtes médico psychologique, psychiatrique ou une sociale.
La résidence alternée, supposera un minimum d’entente entre le parents, mais aussi, ne sera possible que si les domiciles des parents ne sont pas trop éloignés, pour permettre à l’enfant et aux parents, de pouvoir l’appliquer correctement ( ex domiciles pas trop éloignés, à mi chemin de l’école…), des conditions décentes de logement pour accueillir l'enfant ou les enfants ...)
3°- la pension alimentaire pour l’entretien et l’éducation
4°- le droit de visite et d’hébergement du conjoint
Vous l’aurez compris, des mesures prises dans l’ordonnance de non-conciliation sont essentielles pour la suite de la procédure.
Elles auront vocation à durer, c’est pour cela que le rôle de l’avocat est indispensable, tant pour confectionner son dossier, que des demandes habiles et précises.
Elles inspireront le juge du divorce dans la suite de sa décision.
De plus, l'ordonnance de non-conciliation porte exécution provisoire, c'est-à-dire que même, en cas d’appel, les mesures devront être, malgré tout être exécutées immédiatement sous peine d’une exécution forcée.
Enfin, dans sa décision ; le juge autorisera les époux à poursuivre la procédure, en rappelant les dispositions de l’article 1113 du NCPC
« Dans les trois mois du prononcé de l'ordonnance, seul l'époux qui a présenté la requête initiale peut assigner en divorce. En cas de réconciliation des époux ou si l'instance n'a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l'ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l'autorisation d'introduire l'instance. »
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions complémentaires.
Maître HADDAD Sabine