I- DEFINITION
A-L'abandon de famille classique prévu et réprimé par l'article 227-3 du code pénal
1°- Une définition évolutive qui permet de nouveau de poursuivre au pénal pour non-paiement d’une prestation compensatoire
L’Article 227-3 du code pénal modifié par la LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 151 le définit comme suit
Le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée lui imposant de verser au profit d'un enfant mineur, d'un descendant, d'un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l'une des obligations familiales prévues par le code civil, en demeurant plus de deux mois sans s'acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Les infractions prévues par le premier alinéa du présent article sont assimilées à des abandons de famille pour l'application du 3° de l'article 373 du code civil.
Cette Loi est intervenue pour modifier la définition ancienne de ce texte issue de la loi 2009-526 du 12 mai 2009, pourtant dite de « clarification et de simplification du droit et d’allégement des procédure dans sa rédaction tendancieuse .
En effet l’abandon de famille était défini comme « le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée lui imposant de verser au profit d'un enfant mineur, d'un descendant, d'un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l'une des obligations familiales prévues par le titre IX du livre Ier du Code civil (...) »
Or, le titre IX ne concernait que l’autorité parentale alors qu’encore avant
L’ancien article 227-3 visait aussi les obligations prévues aux titres V (mariage), VI (divorce), VII (filiation) et VIII (filiation adoptive) du livre Ier du Code civil
Entre la loi de 2009 jusqu’à la modification du texte,les sanctions pénales liées à l'abandon de famille ne s'appliquaient donc plus en cas de non-paiement d'une prestation compensatoire, tel que jugé par Crim. 16 février 2011 n° 10-83.606 (n° 1087 F-PB) en application du principe d’interprétation stricte de la loi pénale.
3°) Conditions de mise en place
-Existence d'une décision de justice...
ui impose à la personne visée de payer une pension à une autre personne. Ainsi, l'infraction est constituée dés lors que la personne refuse d'effectuer le paiement selon les modalités prescrites.
- qui fixe une créance alimentaire ou familiale...
- au profit de (du)
un enfant mineur, descendants ou d'ascendants majeurs, conjoint, beaux parents...
un élément matériel dans l'absence de paiement de la pension alimentaire pendant plus de deux mois
Cela implique une absence du versement de l’intégralité des créances auxquels le débiteur a été condamné pendant plus de 2 mois consécutifs.
Un parent qui verserait directement la pension à son enfant, alors que celle-ci a été fixée au bénéfice de la mère sera coupable du délit d’abandon de famille si la preuve de l’élément moral est apportée.
- un élément moral: l'intention dans l'action
cela suppose de prouver que le débiteur a bien eu connaissance de la décision de justice lui imposant le paiement d’une créance,( par signification) , qu'il réalise bien le défaut de paiement, et une absence d'impossibilité absolue d’exécuter l'obligation.
B) L'abandon de famille au sens de délaissement du mineur
Le père ou la mère qui ne remplirait pas ses devoirs matériels ou moraux à l'égard de ses enfants pendant plus de 2 mois consécutifs, sont visés.
Article 227-17 du code pénal
Le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
L'infraction prévue par le présent article est assimilée à un abandon de famille pour l'application du 3° de l'article 373 du code civil.
Article 227-15 du code pénal
Le fait, par un ascendant ou toute autre personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou ayant autorité sur un mineur de quinze ans, de priver celui-ci d'aliments ou de soins au point de compromettre sa santé est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende...
II-SANCTION ET REPRESSION DU DELIT CLASSIQUE D'ABANDON DE FAMILLE
A) Mise en oeuvre des poursuites pénales
Il s'agit d'un délit du ressort du tribunal correctionnel.
L'auteur condamné aura donc un casier judiciaire.
1°- Qui peut agir ?
Le tribunal correctionnel compétent pourra en être saisi par le Procureur de la République ou par la victime.
Le parquet avisé par une plainte pénale pourra poursuivre l'auteur, au même titre que le créancier d'aliments,ou une association reconnue d'utilité publique.
2°- Une plainte est-elle nécéssaire ? NON
Aucune plainte n’est nécessaire pour engager les poursuites.
Cependant, la réalité est toute autre puisqu'un dépôt de plainte permettra au parquet ( ministère public) informé de la situation d'engager toutes poursuites judiciaires.
Une plainte simple, puis une plainte avec constitution de partie civile serait concevable,au même titre que la citation directe de la victime avec assistance d'un avocat, sans doute plus efficace pour obtenir une condamnation. LA CITATION DIRECTE: UN MOYEN D'ELUDER LE CLASSEMENT SANS SUITE
Il est vrai que beaucoup de plaintes simples sont classées sans suite.
3°- La prescription du délit
En matière délictuelle, la prescription est de 3 ans
Crim, 2 décembre 1998, N° de pourvoi: 97-83671
"...Qu'en effet, le délit d'abandon de famille, qui, selon l'article 227-3 du Code pénal, est constitué, notamment, par le défaut de paiement intégral, pendant plus de 2 mois, d'une prestation compensatoire définie et ordonnée par une décision judiciaire sous forme de capital ou de rente, se renouvelle chaque fois que son auteur démontre par son comportement sa volonté de persévérer dans son attitude ;"
4°- Rôle du juge
Crim,7 février 2007, rejet, pourvoi n°06-84771
« il appartient au juge pénal, saisi des poursuites pour abandon de famille, de vérifier si les enfants devenus majeurs sont toujours à la charge de l'époux bénéficiaire de la pension alimentaire ; qu'ainsi la cour d'appel, en relevant pour déclarer le délit constitué que ce n'est pas à la mère de justifier de la poursuite des études mais bien au père de saisir le juge aux affaires familiales pour demander la suppression de la pension s'il estime que celle-ci n'est pas due, a violé les textes visés au moyen" ; »
De ce fait, un conseil avisé consistera à conseiller au débiteurde la pension en difficultés financières de saisir le juge aux affaires familiales pour faire réviser le montant de son obligation alimentaire.
B) Les sanctions
1°- Une peine principale : 2 ans de prison et 15 000 euros d’amende ;
2°- des peines complémentaires article 227-29 du code pénal
perte automatique de l’autorité parentale si le condamné ne recommence pas à assumer ses obligations pendant 6 mois, (à l’inverse, l’autorité est rétablie de plein droit s’il respecte ses obligations pendant plus de 6 mois),
interdiction des droits civiques, civils et de famille,suspension ou annulation du permis de conduire,interdiction de quitter le territoire,interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs
3°- autre sanction découlant de l'article 227-4 du code pénal : partir sans laisser d'adresse
« Le fait, par une personne tenue, dans les conditions prévues à l'article 227-3, à l'obligation de verser une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature, de ne pas notifier son changement de domicile au créancier dans un délai d'un mois à compter de ce changement, est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende ».
Les personnes morales peuvent être jugées pénalement responsables ( article 227-4-1 du code pénal)
L'article 373-2 al 3 du code civil rappelle cette obligation.
« Tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent. .. »
4°- La sanction civile: les dommages et intérêts au profit de la victime
La partie civile demandera réparation de son préjudice par l'octroi de dommages et intérêts équivalents aux pensions alimentaires impayées (5 années au plus: au delà il y a prescription).
5°- La condamnation aux dépens et à l'article 475-1 du CPP
L'article 475-1 du CPP vise les frais irrépétibles, lorsqu'un avocat assurera par exemple la défense de la partie civile.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris