Un simple changement d'horaire consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, alors que la durée du travail et la rémunération restent identiques constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise et non une modification du contrat de travail Soc, 22 Février 2000 ,pourvoi N° 97-44339
Ce principe connaît diverses exceptions.
Ainsi, le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu n'est pas une simple modification des conditions de travail soumise au pouvoir unilatéral de l'employeur mais constitue une modification substantielle du contrat de travail qui suppose l'accord du salarié.
C'est ce qu'a jugé la chambre sociale de la cour de cassation le 3 novembre 2011 en infirmant le licenciement pour faute grave d'un salarié qui avait refusé la modification de ses horaires de travail continus de 8h à 15h.
Son employeur proposait de les fixer de manière discontinue du lundi au vendredi de 11 heures à 14 heures et de 16 heures à 20 heures.
Il en aurait été sans doute différent si la modification avait visé un horaire continu mais différent, tel que jugé par
Cette nouvelle limitation au pouvoir de direction unilatéral de l'employeur doit inciter ceux ci à la prudence en les invitant à demander à leurs salariés de consentir à des modifications de leurs contrats, même minimes...
I- Evolution de la jurisprudence en matière de modification d'horaires de travail
La modification substantielle ou essentielle aux termes du contrat de travail autorise le salarié à refuser cette modification sans que ce dernier soit fautif, alors que le refus d'une simple modification accessoire au contrat rentre dans le pouvoir de direction de l'employeur et peut être imposée unilatéralement au salarié.
Il s'agit ici d'une simple modification des modalités d'exécution du contrat que le salarié ne peut refuser sous peine de commettre une faute.
Soc,12 mars 2002,N° de pourvoi 99-46034 Une modification des horaires de travail doit être justifiée par l'intérêt de l'entreprise; à défaut il s'agit d'un abus de pouvoir de direction de la part de l'employeur.
Soc,9 Juillet 2003 N° de pourvoi 01-42723 Le changement d'horaires peut être contesté s'il est incompatible avec les des obligations familiales impérieuses.
En cas de contentieux , le conseil de prud'hommes vérifiera d'une part que l'employeur n'abuse pas de son pouvoir de direction et d'autre part que les changements d'horaires imposés reposent sur un motif sérieux.
A) Le passage d'un horaire fixe à un horaire variable est une condition substantielle
Soc, 14 novembre 2000, pourvoi N° 98-43218
La modification d'horaires qui introduit une coupure de plusieurs heures dans la journée de travail et instaure des horaires variables chaque semaine sur un cycle de 5 semaines ne se borne pas à un simple changement d'horaires relevant du pouvoir de direction de l'employeur mais crée le passage d'un horaire fixe à un horaire variable.
B) Le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit ou inversement est une modification substantielle que le salarié peut refuser
Soc,10 mai 2007 pourvoi N° 05-45.690, Soc, 18 décembre 2001, pourvoi N° 98-46160 ,Soc, 22 Mai 2001 N° de pourvoi 99-41146-
Un commencement d'exécution de ces nouveaux horaires ne pouvant même pas vaoir acceptation tacite .
Un employeur devra prendre acte du refus du salarié de ces nouveaux horaires et le licencier dans le cadre d'un licenciement économique s'il peut justifier de l'intérêt de l'entreprise.
Serait nulle, une clause qui prévoierait par anticipation le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit et inversement "suivant les nécessités du service Soc, 5 Juin 2001 N° de pourvoi 98-44781
C) La modification de la durée du contrat de travail à temps partiel
Soc., 4 juin 2002, pourvoi N°
La répartition de la durée du travail à temps partiel, telle qu'elle doit être prévue, en application de l'article L. 212-4-3 du code du travail , constitue un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié .
Une clause du contrat ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier l'horaire convenu en prévenant le salarié au moins 7 jours à l'avance qu'à la double condition, d'une part, de la détermination par le contrat de la variation possible, d'autre part, de l'énonciation des cas dans lesquels cette modification pourra intervenir ; »
D) Les horaires quotidiens de continus à discontinus font désormais partie de l'excéption; soc 3 novembre 2011, pourvoi N° 10 30033
II- Présentation de Soc,3 novembre 2011, pourvoi N°10-30033
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du jeudi 3 novembre 2011
N° de pourvoi: 10-30033
Publié au bulletin Cassation
M. Lacabarats (président), président
Me Haas, SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat(s)
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu entraîne la modification du contrat de travail ;
Attendu que Mme X... a été engagée en qualité de pharmacienne par M. Y... qui exploite une officine ; que ce dernier l'a informée par lettre du 9 mai 2006 de la modification de ses horaires de travail, désormais fixés du lundi au vendredi de 11 heures à 14 heures et de 16 heures à 20 heures, au lieu de l'horaire continu de 8 heures à 15 heures qu'elle pratiquait ces mêmes jours ; qu'ayant refusé cette modification des horaires de travail, elle a été licenciée pour faute grave ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement ;
Attendu que pour rejeter la demande de la salariée tendant à faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le changement d'horaire, consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, alors qu'il n'est pas contesté que la durée du travail et la rémunération étaient restées identiques, constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise et non une modification du contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a constaté que l'employeur avait imposé à la salariée le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré que le licenciement de Mme X... est fondé sur une faute grave ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de la salariée fixe une durée hebdomadaire de heures sans pour autant préciser les horaires de travail ; que Mme X... a été informée par courrier de son employeur du 9 mai 2006 de la modification de ses horaires de travail ; que, précédemment, elle travaillait de 8 heures à 15 heures du lundi au vendredi ; que, désormais, les nouveaux horaires étaient les suivants : du lundi au vendredi de 11 heures à 14 heures et de 16 heures à 20 heures ; que le changement d'horaire, consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, alors qu'il n'est pas contesté que la durée du travail et la rémunération sont restés identiques, constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise et non une modification du contrat de travail ; qu'en l'espèce le changement d'horaire ne présente aucun caractère discriminatoire et était motivé par une cause objective à savoir la réorganisation du temps de présence, au sein de l'officine, du pharmacien adjoint permettant de faire face à une évolution dans les heures de fréquentation de la clientèle ; qu'aucune intention de nuire n'est reprochée à l'employeur par la salariée ; qu'il n'est pas contesté par Mme X... qu'elle a refusé de se plier aux nouveaux horaires pour des motifs personnels ; que dès lors, le refus opposé par l'intéressée constitue un refus d'obéissance constitutif d'une faute grave ;
ALORS QUE le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu entraîne la modification du contrat de travail ; que la cour d'appel a relevé que la salariée, qui travaillait jusqu'alors, selon un horaire continu, du lundi au vendredi de 8 heures à 15 heures, s'est vue ordonner de travailler, du lundi au vendredi, selon un horaire discontinu constitué de deux périodes distinctes de 11 heures à 14 heures, d'une part, de 16 heures à 20 heures, d'autre part ; qu'en considérant qu'il s'agissait là d'un simple changement des conditions de travail pour décider que le refus de la salariée de s'y plier était fautif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, a violé l'article 1134 du code civil.
Publication :
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris du 5 novembre 2009