La cour se penche sur l’analyse du montant de la réduction rapportable au visa des articles 868, 922 du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, et 1554 du code civil.
En l'éspèce par acte du 9 juillet 1994, une mère donne en avancement d’hoirie à son fils, un immeuble évalué à 850 000 francs (129 581,66 euros)
Les parties avaient convenues que le rapport à faire par le donataire à la succession serait “de la valeur de la pleine propriété de l’immeuble donné à ce jour”
Au décès de la donatrice ses héritiers cinq enfants et deux petits-enfants venus par représentation de leur père ont été en litge sur le rapport de la valeur de l'immeuble à envisager lors du partage de la succession.
La cour d'appel sera sanctionnée sur tous les points au visa des articles 922,868 et 1154 du code civil..
I Analyse de 1ere Civ, 6 novembre 2013 pourvoi N°12-16.625
A) Cassation pour irrespect des dispositions de l’article 922 du code civil
L’article 922 du code civil modifié depuis le 23 juin 2006 dispose:
La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur.
Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation. S'il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession, d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation. On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer.
Que retenir de l'arrêt ?
1°- une mauvaise interprétation de ce texte.
Le sens de ce texte suppose que les intérêts dus à compter de l’ouverture de la succession sur l’indemnité de rapport ne peuvent être pris en considération.
En effet, la masse de calcul prévue par ce texte se compose des biens existant au décès selon leur valeur à l’ouverture de la succession, de sorte que les intérêts dus à compter de cette date sur l’indemnité de rapport convenue ne peuvent être pris en considération.
2°- un refus d’application de l’article 922 du code civil
Le projet d’acte de partage rectifié pour tenir compte de l’indemnité de réduction due au titre de la portion excessive de la donation consentie en tenant compte d’une indemnité de réduction calculée d’après la valeur du bien donné à l’époque du partage et son état au jour où la donation a pris effet sans avoir, au préalable, déterminé la proportion dans laquelle la libéralité était réductible fait refus d’application dudit texte.
B) La valeur de l’immeuble donné au jour du partage doit être déterminée en recherchant la valeur que ce bien aurait eue sans les travaux d’amélioration réalisés par le donataire
C) Le refus d’appliquer l’article 1154 du code civil ;
Ce texte dispose :
"Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière."
Pour rejeter la demande de capitalisation des intérêts dus par le donataire l’arrêt retient que, faute de constituer des capitaux au sens de l’article 1154 du code civil, l’indemnité de rapport ne peut ouvrir droit à une capitalisation des intérêts ayant couru à compter de l’ouverture de la succession ;
Qu’en statuant ainsi alors qu’elle avait relevé que la somme à rapporter avait été fixée forfaitairement dans la donation et retenu à bon droit que les intérêts sur celle-ci étaient dus à compter de l’ouverture de la succession, la cour d’appel a violé, par refus d’application, le texte susvisé
II Présentation de 1ere Civ, 6 novembre 2013 pourvoi N°12-16.625
Cassation partielle
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte du 9 juillet 1994, Yvonne C... a donné en avancement d’hoirie à son fils, Hervé X..., un immeuble évalué à 850 000 francs (129 581,66 euros) ; que les parties sont convenues que le rapport à faire par le donataire à la succession serait “de la valeur de la pleine propriété de l’immeuble donné à ce jour” ; qu’Yvonne C... est décédée le 27 avril 1995 en laissant à sa succession cinq enfants et deux petits-enfants par représentation de leur père ; que des difficultés sont survenues dans la liquidation et le partage de la succession ;
Sur la première branche du premier moyen du pourvoi principal qui est recevable :
Vu l’article 922 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que, pour décider que pour déterminer la portion excessive de la donation consentie à M. Hervé X... il sera tenu compte d’une indemnité de rapport de 129 581,66 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 1995, l’arrêt retient que la donation excède la part de réserve du donataire ainsi que la quotité disponible calculée conformément aux dispositions de l’article 922 ancien du code civil et que l’excédent est sujet à réduction par application de l’article 864 du même code ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la masse de calcul prévue à l’article 922 du code civil se compose des biens existant au décès selon leur valeur à l’ouverture de la succession, de sorte que les intérêts dus à compter de cette date sur l’indemnité de rapport convenue ne peuvent être pris en considération, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Sur la deuxième branche du premier moyen du même pourvoi, qui est recevable :
Vu l’article 922 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que l’arrêt a encore dit que le projet d’acte de partage du 9 octobre 2007 sera rectifié pour tenir compte de l’indemnité de réduction dont M. Hervé X... est redevable au titre de la portion excessive de la donation qui lui a été consentie par acte du 9 juillet 1994, en tenant compte d’une indemnité de réduction calculée d’après la valeur du bien donné à l’époque du partage et son état au jour où la donation a pris effet ;
Qu’en statuant ainsi sans avoir, au préalable, déterminé la proportion dans laquelle la libéralité était réductible selon les règles du texte susvisé, la cour d’appel l’a violé par refus d’application ;
Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal qui est recevable :
Vu l’article 868 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que, selon ce texte, lorsque la réduction d’une libéralité n’est pas exigible en nature, le donataire ou légataire est débiteur d’une indemnité équivalente à la portion excessive de la libéralité réductible, cette indemnité se calculant d’après la valeur des objets donnés ou légués à l’époque du partage et leur état au jour où la libéralité a pris effet ;
Attendu que, dans la mission conférée à l’expert de donner les éléments permettant de déterminer la valeur de l’immeuble au jour du partage selon son état au jour où la donation a pris effet, l’arrêt a dit que les travaux d’amélioration de l’immeuble réalisés par le donataire depuis le jour où la donation a pris effet devront être justifiés et déduits de l’estimation ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la valeur de l’immeuble donné au jour du partage devait être déterminée en recherchant la valeur que ce bien aurait eue sans les travaux d’amélioration réalisés par le donataire, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Enfin, sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident :
Vu l’article 1154 du code civil ;
Attendu que les seules conditions posées par ce texte pour que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts sont que la demande en ait été judiciairement formée et qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ;
Attendu que, pour rejeter la demande de capitalisation des intérêts dus par M. Henri X..., l’arrêt retient que, faute de constituer des capitaux au sens de l’article 1154 du code civil, l’indemnité de rapport ne peut ouvrir droit à une capitalisation des intérêts ayant couru à compter de l’ouverture de la succession ;
Qu’en statuant ainsi alors qu’elle avait relevé que la somme à rapporter avait été fixée forfaitairement dans la donation et retenu à bon droit que les intérêts sur celle-ci étaient dus à compter de l’ouverture de la succession, la cour d’appel a violé, par refus d’application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a dit que le partage devra tenir compte d’une indemnité de rapport de 129 581,86 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 1995 pour déterminer la portion excessive de la donation consentie à M. Hervé X..., et que le projet d’acte de partage du 9 octobre 2007 sera rectifié pour tenir compte de l’indemnité de réduction dont celui-ci est redevable au titre de la portion excessive de la donation qui lui a été consentie par acte du 9 juillet 1994, en tenant compte d’une indemnité de réduction calculée d’après la valeur du bien donné à l’époque du partage et son état au jour où la donation a pris effet, et en ce qu’il a dit que les travaux d’amélioration de l’immeuble réalisés par le donataire depuis le jour où la donation a pris effet devront être justifiés et déduits de l’estimation de sa valeur au jour du partage, ainsi qu’en ce qu’il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts produits par l’indemnité de rapport due par M. Hervé X..., l’arrêt rendu le 13 septembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers
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Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris