Accepter un héritage peut présenter des risques, principalement lorsque la succession du défunt est criblée de dette et qu’il faudra les payer du fait de l’acceptation.
C’est pour cette raison que la Loi envisage en son article 768 du code civil un droit d’option triple, ouvert après le décès, (les pactes sur succession future étant prohibés article 1130 du code civil,) qui permettra dans les dix ans à compter de l’ouverture de la succession:
- de renoncer;
- d'accepter purement et simplement la succession;
- d'accepter sous bénéfice de l’actif net
A noter qu'il s'agit d'un droit indivisible, qui interdit toute option conditionnelle ou à terme, lesquelles seraient nulles.
Nous parlons ici d’un acte unilatéral, volontaire et libre, qui ne devra pas être entaché par un vice du consentement (erreur, dol ou violence) et qui aura un effet rétroactif au jour de l’ouverture de la succession, si bien que l’acceptation ou la renonciation sera réputée avoir été effectuée dès le jour du décès.
I- Le délai pour manifester son choix
Cette option aura donc une grande importance, étant précisé qu’à défaut de choix dans les dix ans, la personne sera considérée comme renonçante.
La loi a permis cependant d’accélérer ce droit d’option d’autant que l’étendue au passif dépendra de ce choix stratégique.
Article 771 alinéa 2 du code civil
L'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession.
A l'expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'Etat.
Cette sommation ouvrira un délai de 2 mois pour prendre position, sauf à obtenir judiciairement, un délai supplémentaire pour motifs sérieux et légitimes.
Le silence gardé dans ce délai vaut acceptation pure et simple la succession.
Article 779 du code civil
Les créanciers personnels de celui qui s'abstient d'accepter une succession ou qui renonce à une succession au préjudice de leurs droits peuvent être autorisés en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en son lieu et place.
L'acceptation n'a lieu qu'en faveur de ces créanciers et jusqu'à concurrence de leurs créances. Elle ne produit pas d'autre effet à l'égard de l'héritier.
A noter aussi que l’héritier renonçant à une succession pourra revenir sur son choix et accepter purement et simplement ou sous bénéfice d'inventaire la succession, mais sous deux conditions cumulatives.
D’une part que la prescription de l’option ne soit pas acquise (10 ans) et d’autre part que la succession n'ait pas été acceptée entre temps par d'autres héritiers,
Uneaction en nullité de l'option serait concevable, en cas d'erreur, de dol ou de violence, dans les 5 ans, à compter du jour ou l'erreur ou le dol a été découvert ou du jour où la violence a cessé (article 777 du code civil)
II Les trois options successorales
A) La renonciation : un choix stratégique qui ne se présume pas lorsque la succession est déficitaire ou inférieure au montant des donations perçues.
Elle doit faire l’objet d’une déclaration expresse, déposée au greffe du Tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession.
S’agissant d’un acte aux conséquences graves, elle ne sera jamais tacite.
Ce choix rend l’ héritier étranger à la succession.
Pas de droit dans la succession et donc pas d’obligation quant aux dettes de succession.
Ce choix n’est n’est pas définitif , puisque le renonçant pourra revenir sur son choix et formuler une acceptation pure et simple ou sous bénéfice d'inventaire :
-Tant que la prescription de l’option n’est pas acquise (10 ans).
-Tant que la succession n'a pas été acceptée par d'autres héritiers,
B) L’acceptation pure et simple : un choix irrévocable, parfois risqué
L’article 785 du Code civil dispose:
Un héritier acceptant purement et simplement répondra indéfiniment des dettes et charges de la succession .
Un légataire universel ou à titre universel acceptant sera tenu des legs de sommes d'argent qu'à concurrence de l'actif net.
1°- Modalités de l’acceptation
Elle pourra être :
- expresse , résultant d’un écrit, PV établi par le notaire
- tacite, lorsque l’héritier se comporte et agit comme s’il acceptait la succession
( exemple en cas de la vente d’un bien, de la délivrance d’un congé au locataire, de la prise de possession de sommes d’argent sur les comptes du défunt, de travaux non indispensables, ni urgents sur le bien…)
2°- Conséquences
Les « acceptants » sont donc tenus au passif , ils sont saisis des biens, des droits et actions, au même titre que les légataires universels.
Une confusion du patrimoine de l’héritier avec celui du défunt, s’opère, si bien qu’il est tenu des dettes sur son propre patrimoine , même si elles dépassent l’actif successoral (ultra vires successionis),
Une telle confusion peut être défavorable aux créanciers du défunt,« créanciers héréditaires », lesquels pourront invoquer le « privilège de séparation des patrimoines » leur permettant d'être payés sur les biens successoraux avant les créanciers personnels de l'héritier.
En cas d'actif successoral insuffisant, les créanciers héréditaires pourront se payer sur les biens de l'héritier, se retrouvant en concurrence avec ses propres créanciers.
Corrélation entre actif retenu et dettes à acquitter.
C) L'acceptation à concurrence de l'actif net : Un choix intermédiaire qui ne se présume pas en cas de doute sur l’actif successoral
Article 791 du code civil
1°- La mise en place
Une déclaration expresse sera déposée au greffe du Tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession, laquelle entraînera une publicité au BODACC et dans un journal d’annonces légales.
L’héritier peut révoquer son acceptation à concurrence de l’actif net, expressément et même tacitement pour devenir acceptant purement et simplement.
Les créanciers de la succession vont devoir déclarer leur créance dans un délai de 15 mois à compter de la publication de la décision de l'héritier d'opter à concurrence de l'actif net.
Pendant ce délai, l'héritier peut déclarer vouloir conserver en nature tel ou tel bien de la succession, dont il devra la valeur fixée dans l'inventaire.
2°- Conséquences
Un inventaire des biens sera établi par un commissaire-priseur judiciaire, un huissier ou un Notaire dans les deux mois de la déclaration faite au greffe dans les deux mois qui suivent la déclaration.
Passé ce délai, il est réputé avoir accepté purement et simplement la succession.
L’inventaire est soumis aux mêmes formalités que la déclaration.
3°- Les suites de l’inventaire
Si l’héritier accepte la succession et devra payer les dettes du défunt, mais seulement sur les biens recueillis. Ses biens personnels resteront à l’abri des créanciers du défunt.
On parle d’obligation intra vires avec séparation des patrimoines limitant les pouvoirs de celui qui accepte.
Pour être efficace, l’acceptation pure et simple nécessite qu’une déclaration au greffe soit effectuée et publiée dans un journal d’annonces légales.
L’acceptation à concurrence de l’actif net a pour effet principal, comme son nom l’indique, de limiter l’obligation de l’héritier au paiement du passif successoral. En effet, l’acceptation à concurrence de l‘actif net crée pas de séparation entre le patrimoine successoral et le patrimoine personnel de l’héritier.
4°- Les avantages de l’obligation intra vires
-- Pas de confusion des patrimoines, donc pas d’obligation au paiement des dettes de la succession, si ce n’est à concurrence de la valeur des biens recueillis
Les héritiers acceptant la succession à concurrence de l’actif net ne seront tenus du passif de la succession qu’à hauteur de l’actif disponible.
Si la succession comporte plus de passif que d’actifs, le patrimoine de l’héritier en ressortira indemne.
-- Maintien contre la succession des droits acquis antérieurement sur les biens du défunt.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris