Certains faits volontaires, peuvent entraîner des engagements légaux.
C'est ainsi que l'on parle de quasis-contrats définis à l'article 1371 du code civil, constitués par "les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties."
La loi défini deux quasis contrats depuis 1804 ( promulgation du code civil)
-la gestion d'affaire définie par l'article 1372 du code civil
Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire.
-le paiement de l'indû.
article 1235 du code civil
"Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition
La répétition n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées"
La jurisprudence est venue y ajouter l'action de in rem verso ou pour enrichissement sans cause, qui permet à une personne qui s'est appauvrie à l'avantage d'une autre sans raison d'être remboursée.( ex concubin)
J'analyserai ici, le paiement par erreur de la dette d'autrui, qui suppose qu'une personne qui a fait un paiement par erreur, ou indû ( le solvens) contraigne celui qui a reçu le paiement (accipiens) à le lui restituer par une action juridique..
I- La mise en place de l'action en répétition de l’indu
A) Les conditions visant le solvens
1°- la remise d'une somme d'argent par erreur
Il faut que le solvens ait remis un bien ou une somme d’argent à titre de paiement par erreur , ce qui suppose qu'il n'est pas débiteur de l’accipiens.
2°- analyse de l'erreur
En quoi y aura t-il erreur ?
l'erreur suppose que la dette est
--inexistante, n'existe plus,
Payer une dette prescrite, ou par anticipation ne constituera pas un indû...
--existante mais a fait l'objet d'un paiement auprès d'un créancier erroné, ou est inférieure à la somme payée au créancier.
N'est pas considéré comme absence de dette :
-le fait pour un co débiteur de régler une dette dont il est tenu solidairement en exécution d'une décision de justice : 1ère Civ 17 mars 2010, pourvoi N° 08-19899
- le fait pour un conjoint pourtant divorcé de payer des sommes dont il était tenu en vertu de l'ordonnance de non conciliation: 1ère Civ 3 mars 2010, pourvoi N°09-11331
- la situation dans laquelle une personne paie une dette alors qu'elle devait la payer plus tard.
- le fait de payer une dette prescrite.
3°- La preuve de l'erreur du solvens
L'article 1376 du code civil
"Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu."
La jurisprudence au regard de la preuve distinguera:
-- L'INDU OBJECTIF et exigera a preuve de l'absence de cause au paiement:
Cet indû suppose un paiement alors que la dette n'existe pas ou existe en partie seulement.
Le paiement est alors sans cause pour les deux personnes (accipiens, celui qui recoit, et solvens, celui qui paie)
En contradiction avec les termes de l'article 1377 du code civil,il n'est plus nécessaire de prouver une erreur du solvens. mais juste prouver l'absence de cause du paiement.
Assemblée Plenière 2 avril 1993, pourvoi N° 89-15-490
En l'éspèce L’URSSAF faisait grief à la cour d'appel d’avoir accueilli la demande de remboursement d'une société et remettait en cause le caractère indu du payement des cotisations, considérant que le solvens (débiteur de la prestation) devait apporter la preuve de l’erreur.
Il a été jugé que
Il résulte des articles 1235 et 1376 du code civil que ce qui a été payé indûment est sujet à répétition ; les indemnités versées par l'employeur en complément des indemnités légales de licenciement, aux salariés qui acceptent de quitter volontairement l'entreprise ont le caractère de dommages-intérêts compensant le préjudice né de la rupture du contrat de travail, et ne doivent pas être incluses dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale. Dès lors, les cotisations calculées sur ces indemnités et versées à l'URSSAF n'étant pas dues, l'employeur est en droit, sans être tenu à aucune autre preuve, d'en obtenir restitution.
1ère Civ 20 mai 2010 ,Pourvoi N° 09-13681
a eu à se prononcer sur la responsabilité d'un prestataire de service pour violation à ses obligations en permettant à la société commanditaire d'exercer la répétition de l'indû dès lors qu'elle rapporte la preuve que celles-ci sont supérieures à celles réellement dues en vertu du contrat .
Il importe peu que le paiement ait été volontaire ou ait fait l'objet d'une erreur. Par contre, dès lors que le contrat prévoyait un préavis et le versement d'une indemnité de résiliation sans en conditionner le versement, elle était due au prestataire
-- L'INDU SUBJECTIF et exigera la preuve de l'erreur
Lorsque la dette existe bien mais qu'une erreur dans le paiement s'est produite ( paiement à la mauvaise personne, dette d'un autre ...) Elle supposera la preuve de l'erreur du solvens.
3°- La nature de l'erreur indépendamment de la faute
1ère Civ 17 février 2010, pourvoi N°: 08-19789
La faute du solvens ne le prive pas de l'action en répétition de l'indu. Toutefois, le solvens pourra avoir à s'expliquer sur cette faute et à dédomager l'accipiens pour le préjudice subi.
Vu l'article 1377 du code civil ;
Attendu que l'absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en oeuvre de l'action en répétition de l'indu, sauf à déduire, le cas échéant, de la somme répétée, les dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice résultant pour l'accipiens de la faute commise par le solvens ...
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande formée à l'encontre de la société AGF vie, devenue la société Allianz vie, l'arrêt énonce que le paiement fait par erreur par une personne qui n'est pas débitrice n'ouvre pas droit à répétition lorsque l'accipiens n'a reçu que ce que lui devait son débiteur et que le solvens a payé sans prendre les précautions nécessitées par une prudence élémentaire ; qu'en poursuivant spontanément le paiement des cotisations afférentes à un contrat d'assurance dont elle n'était ni titulaire ni bénéficiaire nommément désignée, sans vérifier les conséquences du divorce sur ses droits éventuels ni aviser l'assureur du divorce, Mme X... a commis une négligence certaine et manifeste de nature à la priver de tout droit à répétition des sommes perçues par la société AGF au titre de ce contrat ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
B) Les conditions visant l'accipiens
article 1377 alinéa 2 du code civil
Néanmoins, ce droit cesse dans le cas où le créancier a supprimé son titre par suite du paiement, sauf le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur."
Si ce dernier détruit la preuve de la créance ,dès lors le solvens ne pourra obtenir restitution de la créance. Il lui appartiendra de se retourner contre le véritable débiteur de la dette en fondant son action sur la théorie jurisprudencielle de l'action de in rem verso ou enrichissement sans cause posée par la jurisprudence.
II-L'action en répétition de l'indû contre l'accipiens
A) Un délai de prescription quinquénal de droit commun
article 2224 du code civil
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
B) Un droit à restitution du solvens dépendant de ses éventuelles fautes et du préjudice que cette restitution peut causer à l'accipiens.
voire 1ère Civ 17 février 2010, pourvoi N°: 08-19789 précité
C) L'importance du remboursement ou de la restitution au regard de la bonne ou de la mauvaise foi de l'accipiens
1°- En cas de bonne foi de l'accipiens
Dès le moment où une demande de restitution de la chose ou de la somme s'opèrera, la créance produira des intérêts.
Cependant l'accipiens pourra se faire dédommager du montant des frais liés à la conservation de la chose.
S’il a vendu la chose, il devra restituer le prix de la vente.
Si la chose a péri en raison d’un cas de force majeure, il sera par contre exonéré du fait de sa bonne foi.
2°- En cas de mauvaise foi de l'accipiens
Il devra alors restituer le capital, les intérêts et tous les fruits produits par la chose à partir du jour du paiement de l’indu.
Si la chose a été vendue, il devra le prix et le montant de l'éventuelle plus-value éventuelle au jour de la demande .
Si la chose a péri du fait d'une situation liée à la force majeure, il devra rembourser malgré tout la valeur de la chose.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris