Après avoir défini les récompenses, dans un précédent article, http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/recompenses-point-mauvais-ticket-pour-1562.htm
Je me pencherai sur la preuve libre des biens propres et des récompenses.
Le conjoint, ou l’héritier qui invoque la qualité d’un bien comme propre ou qui sollicite une récompense devra en apporter la preuve par tout moyen.
Il démontrera que le bien est un propre au sens de l'article 1402 du code civil et devra prouver que de l'argent pris dans la communauté a été utilisé pour ce bien propre de l’époux.
Une présomption de bien commun est envisagée par le code civil.
les circonstances seront appréciées souverainement par les tribunaux
1ère Civ, 5 avril 1978 pourvoi n° 76-13029
Justifie légalement sa décision la Cour d’appel qui, pour admettre qu’il n’était dû aucune récompense par la communauté à l’ex-mari qui avait encaissé des fonds provenant d’une succession, dont la communauté aurait profité, relève que la femme avait également bénéficié de libéralités en argent et qu’il était impossible, en raison des circonstances, d’établir le compte des reprises et récompenses."
La preuve du mobilier sera souvent difficile à établir comme étant propriété avant le mariage.
La preuve de la récompense réclamée à la communauté sera double pour éviter que les biens soient réputés communs.
I- La preuve de la propriété personnelle sur les biens, selon les règles posées par l'article 1402 du Code civil.
La preuve d’une récompense due à la communauté est facilitée par la présomption de communauté de l’article 1402 du Code civil de la dépense faite avec des deniers communs.
« Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi. Si le bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, la propriété personnelle de l'époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit. A défaut d'inventaire ou autre preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures. Il pourra même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s'il constate qu'un époux a été dans l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit. »
A) La notion de biens propres.
La loi distingue les biens propres par nature, par subrogation ou par accession.
Article 1404 du code civil: "Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l'usage personnel de l'un des époux, les actions en réparation d'un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne. Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s'il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l'un des époux, à moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté."
Article 1405 du code civil : « Restent propres les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, ou qu'ils acquièrent, pendant le mariage, par succession, donation ou legs. »
Article 1406 du code civil "Forment des propres, sauf récompense s'il y a lieu, les biens acquis à titre d'accessoires d'un bien propre ainsi que les valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres. Forment aussi des propres, par l'effet de la subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des propres, ainsi que les biens acquis en emploi ou remploi."
Rappel des notions d'emploi et de remploi.
La déclaration d’emploi suppose une utilisation de fonds propres,alors que le
remploi permet à l’époux qui vend un de ses biens propres en vue d’effectuer un autre achat, de démontrer que ce nouveau bien reste un bien propre puisque acquis avec des fonds propres issus de cette vente.
B) la preuve du caractère propre issue de la production d’un acte notarié
Pour les biens immobiliers possédés avant le mariage, ou pour démontrer l’acquisition d’un bien avec déclaration d’emploi ou de remploi des sommes.
De même pour les donations, successions (preuve pas testament, acte de donation …)
C) la preuve par tout autre document
la production de factures, relevés bancaires, talons de chèques, inventaire… écrits, registres et papiers domestiques sera admise.
(A noter que les dons manuels, déclarés au fisc démontreront l’origine des fonds, tout en évitant un éventuel redressement …)
II- La preuve de l’enrichissement de la communauté au détriment de son patrimoine propre en cas de contestation de la récompense par le conjoint
Il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d'établir, par tous moyens, que les deniers provenant de son patrimoine propre ont profité à la communauté". De la même façon, la preuve sera libre.
L’encaissement de deniers propres par la communauté fait présumer le profit.
1ère Civ, 8 février 2005, pourvoi n° 03-15.384
C'est par une exacte application de l'article 1433 alinéa 2, du Code civil qu'une cour d'appel, qui a relevé que des deniers propres à une épouse ont été encaissés sur un compte joint ouvert au nom des époux, en déduit, à défaut de preuve par le mari que la communauté n'en a pas tiré profit, que la femme a droit à récompense.
Qu'en est-il de l'assurance vie ?
Le contrat est présumé commun et sa valeur au jour du divorce sera partagée entre les deux époux. Si les primes ont été versées grâce à des biens propres, il n'y aura pas de partage mais encore faut-il que l'époux puisse prouver que ses biens propres ont bien contribué au paiement.
1ère Civ, 8 mars 2005, pourvoi n° 03-10854: le décès d'un époux a pour conséquence de rendre propre au conjoint survivant le contrat d'assurance-vie alimenté par des deniers communs.
Une fois le principe de la récompense admis ou acquis par les tribunaux, restera à l’évaluer. Le calcul compliqué devra prendre en compte la nature de chaque dépense.
Dans la majorité des situations, la récompense sera égale à la plus faible des deux sommes que représentent, la dépense faite et le profit subsistant (à savoir la plus-value).
Dans un prochain et troisième article sur ce thème, je me pencherai sur l’évaluation et le calcul des récompenses.
Demeurant à votre disposition.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au Barreau de Paris