Le PV de difficultés, est essentiel dans le cadre de liquidation de régimes matrimoniaux qui font suite au prononcé du divorce.
Il est établi par un notaire, et en tant que tel est révélateur de la mésentente des indivisaires, dans le cadre de la procédure à venir.
L'article 815 du code civil dispose :
" Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.."
Mise à part les divorces prononcés par consentement mutuel qui supposent le partage des biens réglé avant son prononcé; les autres cas de divorce ,(faute, rupture irrémédiable, sur acceptation), engendreront un partage soit amiable durant ou après la procédure de divorce et à défaut d'accord postérieurement par voie judiciaire...
Autrement dit, à défaut d’accord amiable, le partage sera nécessairement judiciaire et donc postérieur au jugement de divorce devenu définitif.
C’est dans ce contexte que l’intérêt du PV de difficultés trouvera intérêt.
Le jugement de divorce, désignera dans son dispositif le président de la chambre interdépartementale des notaires avec faculté de délégation d’un notaire pour tenter d’obtenir un partage amiable concrétisé dans un acte notarié, obligatoirement s’il porte sur un bien immobilier.
C’est lors de la saisine du juge aux affaires familiales compétent pour trancher les cas de liquidation entre ex époux, que la rédaction du PV de difficulté établi par le notaire revêt tout son sens,même si cet acte n'est pas obligatoire en tant que tel.
I- L'importante rédaction du procès-verbal de la discorde
En principe, les parties pourront demander durant la procédure la désignation d'un notaire, et pour le moins pourront faire une proposition concernant la liquidation de leur régime matrimonial.
A) sous quel délai ? Un délai raisonnable en pratique
L'article 267-1 du code civil modifié par la LOI n°2009-526 du 12 mai 2009 - art. 14 (V) ne fixe plus de délai d'établissement et dispose :
"Les opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux se déroulent suivant les règles fixées par le code de procédure civile."
Auparavant, le même article modifié par la Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 - art. 17 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005 envisageait des délais comme suit :
Si les opérations de liquidation et de partage ne sont pas achevées dans le délai d'un an après que le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, le notaire transmet au tribunal un procès-verbal de difficultés reprenant les déclarations respectives des parties. Au vu de celui-ci, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire d'une durée maximale de six mois. Si, à l'expiration de ce délai, les opérations ne sont toujours pas achevées, le notaire en informe le tribunal. Il établit, si les changements intervenus le rendent nécessaire, un nouveau procès-verbal.Le tribunal statue sur les contestations subsistant entre les parties et les renvoie devant le notaire afin d'établir l'état liquidatif.
En pratique, à l'issue d'une année suivant l'ouverture des opérations de liquidation, le notaire pourra rédiger un PV de difficultés.
Dans le délai d'un an suivant sa désignation, le notaire dresse un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir.
Article 1369 du CPC
Le délai prévu à l'article 1368 est suspendu :
1° En cas de désignation d'un expert et jusqu'à la remise du rapport ;
2° En cas d'adjudication ordonnée en application de l'article 1377 et jusqu'au jour de réalisation définitive de celle-ci ;
3° En cas de demande de désignation d'une personne qualifiée en application de l'article 841-1 du code civil et jusqu'au jour de sa désignation ;
4° En cas de renvoi des parties devant le juge commis en application de l'article 1366 et jusqu'à l'accomplissement de l'opération en cause.
CEDH 2e sect. HUART/FRANCE, 25 novembre 2003 requête n° 55829/00,
Un délai anormalement long, n'est pas un « délai raisonnable » et peut entraîner violation des termes de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
B) Contenu
Ce n'est qu'en cas de désaccord, que le notaire sera désigné postérieurement au divorce et aura un rôle de conciliateur à jouer.
Si aucune solution complète n'est possible,le PV de la mésentente ou du désaccord jouera un rôle essentiel aux débats …
Ainsi il ne s’entend qu’à défaut d’accord global entre les deux ex-époux sur la liquidation.
1°- Il visera les demandes, arguments et toutes contestations.
Sa rédaction reste essentielle et en présence d’un avocat pour la raison suivante :
A défaut de précisions suffisantes, les points qui n’y seraient pas intégrés seront jugés irrecevables devant le tribunal sauf nouvelles circonstances.
Cette irrecevabilité n’est pas d’ordre public, si bien que le juge ne pourra la relever d'office, sauf si l’une des parties la soulève et plaide à l’irrecevabilité.
le PV sera signé des deux parties.(coût autour de 100 euros) et sera transmis au greffe du Tribunal par le notaire, afin que ce dernier tranche les contestations subsistant entre les époux, avant de les renvoyer de nouveau le cas échéant devant un notaire chargé d’établir l’état liquidatif.
2°- Qu’en est-il si une partie ne le signe pas ou si ne notaire reste inerte ?
- Si une des parties ne le signe pas, il sera établi un PV de carence avec toutes conséquences de droit que le tribunal pourra en tirer à l’encontre de celui qui ne l’aura pas signé.
- Si le notaire ne réagit pas dans un délai raisonnable suivant l'ouverture des opérations de liquidation, malgré une demande par lettre RAR, la Chambre Interdépartementale pourra intervenir.
De façon plus ultime le procureur de la république dont dépend l'office notarial, pourrait être saisi de tout litige.
II Les effets produits par le procès-verbal de difficultés pour la suite de la procédure
A) Le PV de difficultés: un acte de procédure transmis au greffe du Tribunal de Grande instance compétent
- Il aura pour conséquence de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Grande Instance ( JAF) aux fins de liquidation partage.
-Il constitue un acte de la procédure.
-Il engendrera, des nouveaux frais de procédure et d'avocat.
-Il sera transmis au greffe du Tribunal de grande instance compétent pour statuer sur les problèmes liquidatifs, visés dans le PV.
-Il aura un effet interruptif de la prescription
cass 2ème Civ, 20 janvier 2011,pourvoi N° 10-10919
Attendu que pour rétracter l'ordonnance et ordonner la mainlevée de la saisie, l'arrêt retient que le dépôt par M. X..., au greffe du tribunal de grande instance, du procès-verbal de difficultés dressé par le notaire désigné par le jugement de divorce pour procéder à la liquidation des droits patrimoniaux des époux n'ouvre pas une procédure permettant l'obtention d'un titre exécutoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le dépôt au greffe, du procès-verbal de difficultés dressé par le notaire désigné, qui avait pour effet de saisir le tribunal afin qu'il soit statué sur les droits patrimoniaux des parties, constituait l'accomplissement, par M. X..., d'une diligence en vue d'obtenir un titre exécutoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
B) Le PV de difficultés comme acte de procédure interruptif de la prescription
Quelques arrêts peuvent être cités chronologiquement
1ere Civ, 6 décembre 2005,pourvoi N° 03-14.708:
Attendu qu'ayant constaté que la demande de M. Y... de voir fixer une indemnité pour l'occupation par Mme X... d'un bien immobilier dépendant de leur indivision post-communautaire avait fait l'objet d'un procès verbal de difficultés, établi par le notaire liquidateur, une année après que le divorce fut devenu irrévocable, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a jugé que cet acte avait interrompu la prescription de l'action en fixation d'indemnité d'occupation ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;
1ère Civ, 11 juillet 2006,pourvoi n° 03-19.464
"le procès-verbal de difficultés faisait état de la créance de participation de M. L. et pouvait dès lors être interruptif de prescription".
Illustration avec l'indemnité d'occupation:
Ainsi pour faire interrompre le délai de prescription de 5 ans lié à l’indemnité d’occupation (art 815-9 du code civil)
1ère Civ, 10 mai 2007 pourvoi N° 05-19.789:
Le délai de cinq ans prévu par l'article 815-10 du code civil, est interrompu notamment par un procès-verbal de difficultés, dès lors qu'il fait état de réclamations concernant les fruits et revenus.
Ainsi, même non signé par l'un des cohéritiers dont la contestation avait été annexée, le projet d'acte liquidatif récapitulait le montant des fermages impayés, réclamés pour les terres appartenant à l'indivision, de sorte qu'il constituait un acte interruptif de prescription.
1ère Civ,28 octobre 2009 pourvoi n° 08-19.182 :
"Selon les articles 815-9, alinéa 2 et 815-10, alinéa 2, du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2006 728 du 23 juin 2006, lorsqu’un ex-époux forme une demande en paiement d’une indemnité d’occupation plus de cinq ans après la date à laquelle le jugement de divorce a acquis force de chose jugée, il n’est en droit d’obtenir qu’une indemnité portant sur les cinq années qui précèdent sa demande, sauf les cas d’interruption ou de suspension de la prescription.
En l'éspece une cour d’appel a jugé qu'une indemnité d'occupation est due sur une période allant du 1/06/1996 au 31/07/2004 parce que la prescription quinquennale avait été interrompue par un PV de difficultés du 20 février 2003 et du 8 décembre 2004.
Cassation au motif que les deux procès-verbaux sont signés plus de cinq ans après la date à laquelle le jugement de divorce avait acquis force de chose jugée.
Dans ce cas une indemnité ne pouvait être revendiquée que sur les cinq dernières années précédant sa demande, la cour d’appel a violé, par fausse application, les textes susvisés."
1ère Civ,23 mars 2011,pourvoi N°10-11.080
Attendu que, pour décider que la demande de Mme Y... tendant au paiement par son époux d'une indemnité d'occupation est prescrite, l'arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés, que le jugement de divorce du 22 mars 2000, a été signifié le 21 avril 2000 et que la demande n'a été formulée que par des conclusions du 7 juillet 2005, de sorte qu'un délai de plus de cinq ans s'est écoulé depuis le jour où le jugement de divorce est passé en force de chose jugée et que Mme Y... ne peut se prévaloir d'aucune demande implicite susceptible d'avoir interrompu le délai de prescription quinquennal ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme Y... était en droit d'obtenir une indemnité portant sur les cinq dernières années qui précédaient sa demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
C) Un acte de procédure destiné à permettre au juge de statuer sur les contestations subsistant entre les époux
Le juge les renverra devant notaire pour l'établissement de l'état liquidatif.
Si le projet d'état liquidatif s'avère suffisant, le juge, à la demande de l’un ou des deux époux pourra intervenir, sur les désaccords persistants.
Il pourra ordonner la mise en vente des biens par licitation, si le partage s’avère impossible.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris