I-Analyse de 3ème Civ, 12 février 2014, Pourvoi N° 12-27-182
- La clause légale d’obtention de prêt est d’ordre
Depuis la loi Scrivener du 13 juillet 1979, « Tous les contrats de vente d’un bien immobilier à usage d’habitation sont réputés conclus sous la condition suspensive de l’obtention par l’acquéreur du prêt nécessaire au paiement du prix » (article L. 312-15 et suivants du Code de la consommation).
Cela signifie que la condition suspensive d'obtention de prêt est légale et d’ordre public, envisagée dans l’engagement des parties, mais également même si aucune mention d’obtention de prêt n’aura été mentionnée dans l'acte.
Cette clause suspensive devra indiquer les éléments essentiels du prêt à défaut de quoi, elle serait entachée d’une nullité d’ordre public qui affecterait tout le compromis.
Apport, durée, taux d’intérêt maximum au-delà duquel l'emprunteur refusera de contracter.
La condition d’obtention du prêt se trouve réalisée lorsque l’établissement financier sollicité aura remis « une offre conforme aux caractéristiques de l’emprunt stipulées par l’emprunteur »
1ère Civ, 9 décembre 1992, pourvoi N°91-12.498
"... la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, au sens de l'article 17 de la Loi du 13 juillet 1979 est réputée réalisée dès la présentation par un organisme de crédit d'une offre régulière correspondant aux caractéristiques du financement de l'opération stipulées par l'emprunteur dans l'acte visé à l'article 16 de la même loi, la cour d'appel a violé les textes précités ..." et 1ère Civ 2 janvier 1993
Toute renonciation de l'acquéreur à une condition suspensive stipulée dans son intérêt exclusif devra intervenir avant la date d'expiration 3ème Civ. 17 décembre 2008, pourvoi N° 07-18.062.
- L’arrêt
La jurisprudence présentée constitue un revirement, car antérieurement les clauses qui qui imposaient un délai à l’acquéreur étaient valides, et sont déclarées illégales par l’arrêt.
En effet aucune sujetions plus importantes que les textes de Loi ne sont possibles.
Pour les juges un contrat ne doit pas accroître les exigences imposées par l’article L 312-16 du code de la consommation qui dispose
« Lorsque l'acte mentionné à l'article L. 312-15 indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les sections 1 à 3 et la section 5 du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne pourra être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement.
Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa du présent article n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. A compter du quinzième jour suivant la demande de remboursement, cette somme est productive d'intérêts au taux légal majoré de moitié. »
Ce texte ne vise pas de délais dans lequel le prêt doit être déposé.
Il est favorable à l’acquéreur, qui bénéficie d’au moins UN mois pour obtenir son prêt, même si la promesse peut envisager un délai plus important
Le seul délai qui pourra être imposé dans la promesse sera celui dans lequel la réponse de la banque devra être obtenue, délai qui e pourra être inférieur à UN mois.
Dans cet arrêt une femme, acquéreur potentiel de biens immobiliers avait signé une promesse de vente sous condition suspensive de l’obtention de prêt et s’était engagé à déposer sa demande de prêt sous dix jours.
La banque ayant refusé le prêt, la vente avait été annulée
C’est dans ce contexte que les vendeurs ont tenté à se faire payer des indemnités au motif que l’acquéreur n’a pas sollicité sa banque dans les délais.
Ils ont été déboutés
La cour de Cassation rejette au motif que ces clauses sont désormais illégales
De plus les juges considèrent qu’en s’adressant à une société, courtier en prêts immobiliers, l’acquéreur a satisfait à l’obligation de déposer une demande de prêt auprès d’un organisme financier contenue dans la promesse de vente et constaté que la banque ayant refusé dans les délais le prêt, la cour en a exactement déduit que la non-réalisation de la condition suspensive n’était pas imputable à l’acquéreur et
II-Présentation de 3ème Civ, 12 février 2014, Pourvoi N° 12-27-182
Rejet
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mars 2012), que, par acte sous seing privé du 5 juin 2007, les époux X... ont promis de vendre un appartement à Mme Z... sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt pour lequel elle s’engageait à déposer une demande dans un délai de dix jours ; que reprochant à Mme Z... de ne pas justifier du dépôt d’une demande de prêt dans ce délai, les époux X... l’ont assignée en paiement de la clause pénale ;
Attendu que les époux X... font grief à l’arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen :
1°/ que les parties fixent librement le délai dans lequel l’acquéreur est tenu de présenter une demande de prêt auprès d’un organisme financier ; que le délai de rétractation ne diffère pas le point de départ du délai d’exécution de l’obligation de l’acquéreur à son expiration ; qu’en décidant que le point de départ du délai contractuel imparti à Mme Z... pour présenter une demande de prêt, soit dix jours à compter de la signature de l’acte, avait nécessairement été reporté à la fin du délai de rétractation, pour en déduire que la demande formalisée le 23 juillet 2007 avait été formée dans le délai imparti, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation et L. 312-16 du code de la consommation ;
2°/ que le compromis de vente du 5 juin 2007 prévoyait que l’acquéreur était tenu d’effectuer des démarches en vue d’obtenir un prêt auprès d’organismes financiers et notamment tout organisme bancaire ; qu’en énonçant, pour décider que la non-réalisation de la condition suspensive n’était pas imputable à Mme Z..., que celle-ci s’était adressée à la société de courtage Finance Immo dans le but d’obtenir un prêt, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;
3°/ que, subsidiairement, en se bornant, pour décider que la non-réalisation de la condition suspensive n’était pas imputable à Mme Z..., à énoncer qu’une demande de prêt avait été présentée auprès du Crédit du Nord, qui lui avait signifié un refus de prêt le 25 septembre 2007, sans indiquer la date de cette demande, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134, ensemble l’article 1178 du code civil et l’article L. 312-16 du code de la consommation ;
Attendu, d’une part, que les dispositions d’ordre public de l’article L. 312 16 du code de la consommation interdisent d’imposer à l’acquéreur de déposer une demande de crédit dans un certain délai, cette obligation contractuelle étant de nature à accroître les exigences de ce texte ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant, par motifs propres et adoptés, relevé qu’en s’adressant à la société Finance Immo, courtier en prêts immobiliers, Mme Z... avait satisfait à l’obligation de déposer une demande de prêt auprès d’un organisme financier contenue dans la promesse de vente et constaté que le Crédit du Nord lui avait signifié un refus le 25 septembre 2007, la cour d’appel en a exactement déduit que la non-réalisation de cette condition suspensive ne lui était pas imputable et que la demande des époux X... de versement de la clause pénale ne pouvait être accueillie ;
D’ou il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les autres branches du moyen qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris