J'analyserai les moyens tant légaux que conventionnels prévus par les textes pour une meilleure protection de son conjoint.
I- La donation au dernier vivant pour garantir l'usufruit en l'absence d'enfants d'un autre lit, ou pour permettre d'accroître les droits légaux
A) la possibilité de disposer d’une part majorée même en présence d’enfants
Mais même lorsque le conjoint survivant est en présence de descendants, la donation entre époux permet d'augmenter dans des proportions importantes sa part. Il peut ainsi recevoir et choisir:
---SOIT
- 1/2 en pleine propriété de la succession en présence d’un enfant,
- 1/3 en pleine propriété en présence de 2 enfants
- 1/4 en pleine propriété en présence de 3 enfants ou plus
--- SOIT la totalité de la succession en usufruit.
--- SOIT les ¾ en usufruit et ¼ en pleine propriété.
Le notaire confectionnera l'acte portant l’option du conjoint survivant .
B) Si l'époux n'a pas d’enfant ou de petits-enfants, il peut donner à son conjoint la totalité de ses biens.
II- La jouissance temporaire du logement et du mobilier durant une année : un droit d'ordre public
Article 763 du code civil
"Si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit.
Si son habitation était assurée au moyen d'un bail à loyer ou d'un logement appartenant pour partie indivise au défunt, les loyers ou l'indemnité d'occupation lui en seront remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à mesure de leur acquittement.
Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux.
Le présent article est d'ordre public."
Si, au moment du décès, le conjoint survivant occupe, à titre de résidence principale, un logement appartenant aux époux, ce logement et le mobilier lui est attribué gratuitement pendant une période d'un an.
S'agissant d'un avantage matrimonial, cette occupation gratuite n'est pas soumise aux droits de succession.
Soit le logement est loué, soit il appartient au défunt ou à l’indivision
A) le remboursement des loyers par prélèvement sur la succession
si le logement occupé à titre d'habitation principale fait l'objet d'un bail, ou s'il appartenait pour partie au défunt, les loyers ou, le cas échéant, l'indemnité d'occupation, doivent être remboursés au conjoint, au fur et à mesure de leur acquittement.
B) Le droit d'occupation temporaire si le logement familial est possédé en indivision par le défunt et un ou des tiers.
Dans ce cas, ces tiers ont droit à une indemnité d'occupation qui est prélevée sur la succession.
Si le logement occupé à titre d'habitation principale était détenu entièrement par le défunt, ou par le défunt et le conjoint survivant, ce dernier l'occupe à titre gratuit,
III- Le droit d’usage et d’habitation au-delà d’une année jusqu'au décès du conjoint qui occupait le bien à l'époque du décès
A) L'option du droit d'usage concevable sauf volonté contraire du défunt
A l’issue de l’année, le conjoint survivant dispose d’un droit d'usage et d'habitation sur le logement familial et son mobilier, et donc l’occuper jusqu’à son décès, ou le louer, sauf disposition testamentaire contraire.
Le conjoint doit opter ou non pour ce droit d'usage dans le délai d'un an après le décès.
article 764 du code civil
"Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, ( VISE TESTAMENT AUTHENTIQUE) le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
La privation de ces droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier alinéa est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité, qui continuent à obéir à leurs règles propres...."
Article 765 du code civil
La valeur des droits d'habitation et d'usage s'impute sur la valeur des droits successoraux recueillis par le conjoint.
Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est inférieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint peut prendre le complément sur les biens existants.
Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est supérieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint n'est pas tenu de récompenser la succession à raison de l'excédent.
Article 765-1 du code civil
Le conjoint dispose d'un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d'habitation et d'usage.
Article 765-2 du code civil
Lorsque le logement faisait l'objet d'un bail à loyer, le conjoint successible qui, à l'époque du décès, occupait effectivement les lieux à titre d'habitation principale bénéficie du droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
NB L'interposition d'une SCI prive le survivant du droit temporaire et viager au logement, car ce droit n'existe pas pour les associés détenant leur résidence principale au travers d'une SCI.
Elle le privera également de la possibilité de bénéficier de l'abattement de 20 % sur le logement de la famille dans la succession
et de celui de 30 % qui existe en matière d'ISF.
B) La demande de conversion du droit d'usage et d'habitation en rente viagère
Article 766 du code civil
Le conjoint successible et les héritiers peuvent, par convention, convertir les droits d'habitation et d'usage en une rente viagère ou en capital.
S'il est parmi les successibles parties à la convention un mineur ou un majeur protégé, la convention doit être autorisée par le juge des tutelles.
Ce droit d'usage, au même titre que l'usufruit, peut être converti en rente viagère ou en capital avec l’accord avec des héritiers. Il sera évalué.
Le conjoint peut décider d'exercer ce droit.
Il dispose d'1 année à compter du décès pour exprimer son choix. Dans ce cas, la valeur de ces droits s'impute sur celle des droits qu'il recueille au titre de la succession.
Toutefois, si elle excède les droits qu'il recueille au titre de la succession, le conjoint ne doit rien aux autres héritiers.
IV- La créance alimentaire du conjoint dans le besoin contre la succession dans l'année du décès
Article 767 du code civil
Le conjoint survivant ( même en cas de séparation de corps) dans le besoin au moment du décès, au cas où il aura été déshérité par l'époux décédé peut exiger une pension alimentaire envers la succession.
Cela suppose que son état de besoin survienne lors du décès et non après.
Cette pension doit être demandée dans le délai d'un an à compter du décès, ou du moment où les héritiers cessent d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant au conjoint. Le délai se prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage..
La pension alimentaire ne sera prélevée que sur les biens de la succession, c'est à dire que les héritiers n'auront pas à la régler avec leurs biens personnels.
Elle est supportée par tous les héritiers et, en cas d'insuffisance, par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument.
En cas de désaccord, le juge la déterminera dans son principe et son quantum, étant noté que comme toute pension alimentaire , elle pourrait être indexée, modifiée, voire supprimée au cas où le conjoint survivant disposerai de nouveaux moyens de ressources.
La pension alimentaire est prélevée sur la succession.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris