Lorsque l'endettement est lourd, le débiteur qui ne réagit pas peut être condamné en référé ou au fond au principal, avec des intérêts et frais souvent exorbitants
Avant de voir opérer une saisie de ses biens personnels, il existe la possibilité de demander des délais de grâce pour éviter le surendettement des particuliers.
Si les réclamer est un droit pour une personne en difficulté ( débiteur, locataire, emprunteur…) les accorder, reste une faculté octroyée par le Juge.
D’où l’intérêt de bien préparer son dossier.
De quels types sont ces délais de grâce ? Quel juge vous les octroiera et pour combien de temps ? C’est ce que j’examinerai ici.
I- La grâce facultative du Juge : pour des particuliers en situation difficile
Toute personne débitrice peut solliciter des délais à l’appréciation souveraine du juge, au regard de circonstances personnelles , familiales et d'une situation financière difficile ( ex bailleur, emprunteur…)
L’avantage du délai de grâce, permet de s’éviter qu'un huissier de justice ne commence ou ne termine une saisie et donc une vente des biens personnels, une fois ce délai obtenu.
La mansuétude du Juge sera ici une necessité…
A) Les délai de grâce suppose une décision judiciaire.
Les articles 510 à 513 du NCPC "délais de grâce" en rappellent les modalités.
Article 510 du NCPC
Le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il est destiné à différer l'exécution.En cas d'urgence, la même faculté appartient au juge des référés. Après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie, selon le cas, le juge de l'exécution a compétence pour accorder un délai de grâce. Cette compétence appartient au tribunal d'instance en matière de saisie des rémunérations.L'octroi du délai doit être motivé.
Le délai court du jour du jugement lorsque celui-ci est contradictoire; il ne court, dans les autres cas, que du jour de la notification du jugement.
Le délai de grâce ne peut être accordé au débiteur dont les biens sont saisis par d'autres créanciers ni à celui qui est en état de règlement judiciaire ou de liquidation des biens, ou qui a, par son fait, diminué les garanties qu'il avait données par contrat à son créancier.
Le débiteur perd, dans ces mêmes cas, le bénéfice du délai de grâce qu'il aurait préalablement obtenu.
Le délai de grâce ne fait pas obstacle aux mesures conservatoires.
B) Les délais de grâce dans le paiement ou pour quitter les lieux
1°- dans le paiement avant toute condamnation
-- Article 1244-1 du code civil
Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
En outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments.
-- Article 1244-2 du code civil
La décision du juge, prise en application de l'article 1244-1 du code civil , suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant le délai fixé par le juge.
-- Article L 313-12 du code de la consommation ( en matière de crédit à la consommation)
L'exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge d'instance dans les conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil. L'ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt.
En outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme
Initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu'au terme du délai de suspension.
-- Article L 331-7 du code de la consommation pour le JEX afin d'enterriner le cas échéant les mesures recommandées par la commission amiable de surendettement.
En cas d'échec de sa mission de conciliation, la commission peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, recommander tout ou partie des mesures suivantes :
-Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder dix ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance ;
- Imputer les paiements, d'abord sur le capital ;
- Prescrire que les sommes correspondant aux échéances ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux d'intérêt légal sur proposition spéciale et motivé et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal....
2°- pour quitter les lieux
Après signification par voie d’huissier d'un commandement de quitter les lieux dans les deux mois de sa signification (ce commandement étant postérieur à une décision d’expulsion prononcée par le juge d’instance) il n’est pas rare de voir saisir le JEX.
Ainsi, lorsque le juge d’instance n’aura pas accordé de délais d’office pour partir, ou lorsque le relogement s’avèrera difficile.
Un délai compris entre 3 mois et 3 ans pourrait être accordé, en vertu des articles L 613-1 et suivants du code de construction.
Cet octroi suppose un examen attentif de la situation du bailleur et du locataire (âge, état de santé, situation personnelle, professionnelle, famille, demande de logement ....), tant d'éléments qui détermineront le JEX au regard de conséquences difficiles...
Rappelons ici qu’une expulsion ne pourrait se faire durant la trêve hivernale allant du 1 er novembre au 15 mars de l’année suivante.
Ainsi au travers de ces quelques éléments d'explications, le JEX, juge chargé de la bonne exécution des décisions restera bien présent pour veiller à leur respect, mais pas à n’importe quel prix.
3°- pas en matière de prestation compensatoire
La question de l'octoi de délais de paiement, ou de grâce concernant, la prestation compensatoire a été tranchée par 1 ère Civ, 29 juin 2011, pourvoi n°10-16.096 sous l'angle du caractère mixte de la prestation tant qu'alimentaire, qu'indemnitaire pour aboutir à un refus.
C) Le juge compétent pour accorder des délais de grâce
1°-En fonction du montant de la demande, divers Juges peuvent être sollicités
-Le juge de proximité pour une créance jusqu’à 4000 euros
-Le juge d’instance pour une créance de 4000 à 10.000 euros
-Le Tribunal de Grande instance pour une créance de plus de 10000 euros
2°- en fonction de la matière
A titre d’exemple :
-- Le Juge de l’exécution pour une demande de paiement ou pour quitter les lieux, après une saisie d’huissier , ou tout acte en vertu d’une voie d’exécution d’une décision de justice (ex commandement, acte de saisie…) mais aussi en matière de surendettement des particuliers puisque face à un débiteur de bonne foi et dans les termes des articles 1244-1 et 1244-2 il pourra accorder un échelonnement ou un report de la dette pendant au plus 24 mois, sauf en matière fiscale, des intérêts à un taux réduit, dans la limite de l’intérêt légal.
-- Le Juge d’instance en matière locative ou de crédit à la consommation quelque soit le montant.
D) Le moment propice pour les solliciter : A réception d’une mise en demeure de payer ou dans le délai du commandement d’huissier.
1°- Mise en demeure ou Commandement ?
Avant toutes poursuites, un créancier doit mettre en demeure de payer son débiteur ou lui faire délivrer un commandement par voie d’huissier ( parfois une necessité dans certaines matières voir 2°) Ces actes feront courir les intérêts légaux que la loi et la Jurisprudence attachent aux mises en demeure et constitueront le débiteur en retard.
Ainsi l'article 1153 du code civil prévoit que:
Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
En cas de non retrait d'une mise en demeure adressée par RAR, dans le délai de garde postal ( 15j), la date de première présentation de la lettre fera courir les intérêts moratoires.
Dans certains contrats, une clause pénale peut aussi être souscrite , laquelle trouvera son plein effet.( clause comminatoire, destinée à sanctionner, en cas de retard.)
Le débiteur s’expose ainsi à une condamnation au paiement mais aussi à des dommages et intérêts, frais y compris de procédure et d’avocat en cas de poursuites judiciaires.
D’où l’important de réagir en cas de difficultés financières, car à défaut la condamnation , dans le cadre d’une procédure en référé pourrait être assez rapide.
Une mise en demeure peut laisser 24 voir 48 heures avant l’engagement de poursuites, alors qu’en général, le délai porté dans un commandement classique, acte plus solennel est de UN mois, avant toutes poursuites.
2°- La particularité en matière locative : La nécessité de faire délivrer un commandement
Ainsi, en matière locative, tout bailleur doit délivrer au préalable un commandement de payer par huissier, qui ouvre un délai de deux mois pour régulariser les sommes dues. ( UN mois en matière commerciale).
Dans ce délai, il sera souhaitable de solliciter des délais de paiement auprès du juge d’instance compétent en matière locative.
Si le locataire ne régularise pas sa situation et n'obtient pas de délais de paiement, le propriétaire pourra engager une procédure en justice pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail et le résilier.
II La grâce dans la loi : pour des entrepreneurs par la facturation.
En vertu de la Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, depuis le 1er janvier 2009, des délais de paiement sont instaurés, au risque pour de s’exposer à des sanctions pénales prévues par le code de commerce; voir à une amende civile.
exemple amende de 15 000 euros pour une personne physique ( entrepreneur) contenues dans l'article L 441-6 alinéa 9 du code de commerce) laquelle pourrait être majorée à 75 000 euros , s’il s’agit d’une société ou d’une association...article L 441-7 II du même code.
En outre, les informations relatives aux délais de paiement devront faire l’objet d’un rapport du Commissaire aux comptes suivant des modalités à définir par décret non encore publié à la date du présent courriel.
A) des délais convenu dans le cadre d’une convention entre les parties
Il ne peut dépasser 45 jours fin de mois
ou 60 jours à compter de la date d'émission de la facture.
Rien n’empêche la prise d’accords pris par les organisations syndicales professionnelles d’un secteur, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire ce délai et retenir la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation des services demandée comme point de départ de ce délai.
Des accords interprofessionnels dans un secteur particulier peuvent définir un délai de paiement maximum supérieur au délai maximum de 45 jours fin de mois ou 60 jours. Sous 3 conditions à remplir :
a° - le dépassement du délai légal doit être motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur ;
b° - l’accord doit prévoir la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et l’application d’intérêts de retard en cas de non-respect du délai dérogatoire fixé dans l’accord ;
c° - la durée de l’accord ne peut dépasser le 1er janvier 2012.
B) En l’absence de convention,
Le délai est fixé au 30ème jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.
C) Les domaines d’exception
Dans certaines matières, exemple transport routier de marchandises ou location de véhicules, les délais de paiement convenus ne peuvent dépasser 30 jours à compter de la date d’émission de la facture.
Par dérogation le délai est décompté à partir de la date de réception des marchandises pour les livraisons qui font l’objet d’une importation dans le territoire fiscal des départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion, ainsi que des collectivités d’outre-mer de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
Enfin, pour un certain nombre de produits alimentaires périssables les délais de paiement sont encadrés.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris