I- Le blocage lié à certains actes : actes d'administration à moins des 2/3 des droits dans l'indivision et actes de disposition sans l'unanimité des coindivisaires
A) La règle de l’unanimité dans l'article 815-3 du code civilCe texte envisage le consentement unanime de tous les indivisaires pour disposer d'un bien ( ex, vente, dépense, partage, destruction …) ou pour la conclusion ou le renouvellement de baux ruraux, commerciaux, artisanaux ou industriels.
Cependant la Loi, a envisagé des exceptions.
Nous verrons dans le II que le juge pourra intervenir pour débloquer la situation.
B) Les exceptions à l'unanimité: la majorité des 2/3 des droits indivis
1°- à la majorité des 2/3 des droits indivis avec notification aux autres indivisaires sous peine d'inopposabilité article 815-3 du code civil
Cette règle n'a de sens principal que pour les indivisions successorales,puisque dans le cas de sorties de l'indivision entre concubins, partenaires pacsés ou époux, le bien acquis à deux nécessitera l'accord unanime.
La majorité des 2/3 peut n'être détenue que par un seul indivisaire.
Les indivisaires qui ont effectué des actes de gestion à cette majorité doivent en avertir les autres indivisaires.
Que dit l'art 815-3 du code civil ?
"Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;
2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;
3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;
4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers....
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux."
2°- Qu'est-ce qu'un acte d'administration ?
L'acte d'administration est un acte juridique ou matériel relevant de la gestion normale ayant pour but de conserver la valeur d’un bien et de le faire fructifier.
Voire les exemples visés par le texte
- les actes d'administration relatifs aux biens indivis;( ex action en bornage)
- Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;
- Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;
- Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Les indivisaires aux 2/3 sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises seront inopposables à ces derniers.
Il peut inclure aussi la réalisation de travaux d’amélioration, un congé donné au locataire 3ème Civ, 25 avril 2001, toute action en résiliation de bail pour non paiement des loyers ou en recouvrement d’une créance de l’indivision, l’appel du jugement fixant le loyer d’un bail commercial (Civ 1ère 23 janvier 2008), une action en bornage
3°- la majorité des 2/3 pour le vente d'un bien moyennant procédure spéciale voir plus bas
II- Le blocage qui nécessite une sommation
A) une sommation d'huissier de prendre parti dans la succession
L'article 771 du code civil envisage que les cohéritiers peuvent contraindre un héritier potentiel à opter par acte extrajudiciaire signifié par un huissier de justice après 4 mois depuis l’ouverture de la succession .
"dans les deux mois qui suivent la sommation, l'héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi. A défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier est réputé acceptant pur et simple".
B) Une sommation du notaire commis pour établir l'acte liquidatif ou d'un indivisaire faite à l'héritier de se faire représenter au partage amiable
Tout copartageant ou le notaire peuvent faire désigner judiciairement un représentant pour l'indivisaire qui ne se manifeste pas
La loi a tout fait pour favoriser le partage amiable, allant jusqu'à permettre un retour à la voie amiable, même après l'usage de la voie judiciaire, dans les termes de l'article 842 du code civil, lorsque les conditions sont remplies.
1°- Tout copartageant pourra mettre en demeure de se faire représenter au partage amiable par acte d’huissier, un indivisaire qui ne se manifeste pas.: article 837 du code civil
Cela suppose, bien entendu une absence d'opposition expresse dudit copartageant ou coindivisaire. Dans ce cas, le juge désignera un représentant qualifié pour représenter l'absent lors des opérations de partage, mais ne contrôlera pas la régularité des dites opérations .
Ce représentant, avec l’autorisation du juge, pourra consentir au partage.
--Article 837 du code civil
Si un indivisaire est défaillant, sans qu'il soit néanmoins dans la situation de l'article 836 qui vise.le présumé absent ou, qui par suite d'éloignement, se trouve hors d'état de manifester sa volonté, il peut, à la diligence d'un copartageant, être mis en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter au partage amiable.
Faute pour cet indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, un copartageant peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète du partage. Cette personne ne peut consentir au partage qu'avec l'autorisation du juge.
2°- Le notaire pourra aussi intervenir: art 841-1 du code civil
--Article 841-1 du code civil
Si le notaire commis pour établir l'état liquidatif se heurte à l'inertie d'un indivisaire, il peut le mettre en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter. Faute pour l'indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations.
III- Le blocage qui nécessite une intervention judiciaire
A) Pour sauver l'intérêt commun mis en péril par le refus d'un indivisaire: article 815-5 du code civil
Un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un coïndivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun.
Le juge ne peut, à la demande d'un nu-propriétaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier.
L'acte passé dans les conditions fixées par l'autorisation de justice est opposable à l'indivisaire dont le consentement a fait défaut.
L'autorisation du juge aura un sens important pour une mise à disposition de fonds par exemple.
En effet, tout héritier qui autoriserait une mise à disposition pourrait être considéré comme ayant accepté tacitement la succession de façon irréversible et donc devoir payer les dettes successorales.
C'est souvent pour cette raison, que ce dernier restera inerte, ce qui contraindra le ou les autres héritiers à se faire autoriser par le juge, de récupérer des fonds pour faire face aux besoins urgents de la succession, voir de sommer l'indivisaire d'opter dans la sucession...
1ere Civ. 12 mai 2010, pourvoi n° 09-65.362, cass
"tout indivisaire est en droit de faire cesser les actes accomplis par un autre indivisaire, qui ne respectent pas la destination de l'immeuble ou qui portent atteinte à leurs droits égaux et concurrents sur la chose indivise et d'agir à cet effet, ainsi que pour obtenir réparation du préjudice consécutif aux dits actes, sans attendre le partage."
B) Si l'un des indivisaires se trouve hors d'état de manifester sa volonté
Article 815-4 du code civil
"Si l'un des indivisaires se trouve hors d'état de manifester sa volonté, un autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d'une manière générale ou pour certains actes particuliers, les conditions et l'étendue de cette représentation étant fixées par le juge.
A défaut de pouvoir légal, de mandat ou d'habilitation par justice, les actes faits par un indivisaire en représentation d'un autre ont effet à l'égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d'affaires."
C) Pour toutes mesures urgentes d'administration ou de disposition dans l'intérêt commun: article 815-6 du code civil
Le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.
Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l'emploi. Cette autorisation n'entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l'héritier.
Il peut soit désigner un indivisaire comme administrateur en l'obligeant s'il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre.
Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s'appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l'administrateur, s'ils ne sont autrement définis par le juge.
par exemple pour autoriser le versement des fonds successoraux.
D) Pour désigner un indivisaire mandataire ad hoc chargé de gérer l'indivision
article 815-4 alinéa 2 du code civil et 815-6 alinéa 3 du code civil
E) Pour autoriser une vente immobilière après saisine des indivisaires représentant au moins 2/3 des droits indivis: article 815-1 du code civil.
La procédure sera spécifique. Rappelons le texte in extenso:
"Sauf en cas de démembrement de la propriété du bien ou si l'un des indivisaires se trouve dans l'un des cas prévus à l'article 836, l'aliénation d'un bien indivis peut être autorisée par le tribunal de grande instance, à la demande de l'un ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis, suivant les conditions et modalités définies aux alinéas suivants.
Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis expriment devant un notaire, à cette majorité, leur intention de procéder à l'aliénation du bien indivis.
Dans le délai d'un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires.
Si l'un ou plusieurs des indivisaires s'opposent à l'aliénation du bien indivis ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois à compter de la signification, le notaire le constate par procès-verbal.
Dans ce cas, le tribunal de grande instance peut autoriser l'aliénation du bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.
Cette aliénation s'effectue par licitation. Les sommes qui en sont retirées ne peuvent faire l'objet d'un remploi sauf pour payer les dettes et charges de l'indivision.
L'aliénation effectuée dans les conditions fixées par l'autorisation du tribunal de grande instance est opposable à l'indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l'intention d'aliéner le bien du ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis ne lui avait pas été signifiée selon les modalités prévues au troisième alinéa."
E) Pour ordonner une sortie judiciaire de l'indivision
Il conviendra alors de sortir de cette indivision et de partager l’actif, L'article 815 du code civil disposant :
" Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut être toujours provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement (pour deux années au plus si une vente risquerait de porter atteinte à la valeur des biens indivis) ou convention."
Lorsque un héritier aura accepté la succession, s’il continue à s’opposer à l'indivision ( ex par un refus de délivrance de fonds), ses cohéritiers envisageront l’action en partage judiciaire, prévue à l’article 840 du code civil devant le tribunal de grande instance par l’intermédiaire d’un avocat obligatoire.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD sabine
Avocate au barreau de Paris