QUAND LA JUSTICE DYSFONCTIONNE, ALORS LA VICTIME SE FAIT UN SANG D’ENCRE

Publié le Modifié le 09/02/2014 Vu 4 473 fois 0
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La libération d’une personne suspectée de meurtre pour vice de procédure est toujours difficile à admettre lorsque le crime est particulièrement sordide. Toute personne est certes présumée innocente, mais le citoyen ne peut s’empêcher de penser que le vice procédurale lié au dysfonctionnement des services de la Justice est choquant, affligeant, indécent, inique,consternant pour les victimes lorsqu’il conduit à remettre en liberté le principal suspect d’une affaire de meurtre. La libération d'un suspect le 6 février dernier est révélatrice d’une justice au bout du rouleau… de fax en manque de matériel fiable de moyens logistiques et de personnes pour agir et réagir.

La libération d’une personne suspectée de meurtre pour vice de procédure est toujours difficile à admett

QUAND LA JUSTICE DYSFONCTIONNE, ALORS  LA VICTIME  SE FAIT UN SANG D’ENCRE

Le principal suspect du meurtre d'un disc jockey-amateur ,père de famille, battu à mort ( à Le Blanc Mesnil)  par une dizaine de personnes parce qu'il refusait de laisser rentrer dans une soirée la nuit de la Saint-Sylvestre en 2011 des personnes a été  remis en liberté le 6 février 2014.

Il a quitté la maison d'arrêt de Villepinte, au grand étonnement de tous.

Pourquoi une telle remise en liberté ?

Le parquet de Bobigny n'avait plus d'encre dans son télécopieur et son fax n'est jamais parvenu à la chambre de l'instruction qui devait statuer !

Nous savions que le budget de la justice était serré, mais à ce point.

Une justice au bout du rouleau ... de fax !

Faut-il rappeler que la libération d'une personne en détention provisoire est encadrée par des délais et peut être fondée en droit pour ce simple dépassement de délai. (20 jours), si bien que la détention arbitraire devient réalité !

Immense brêche puisque l'avocat du principal suspect a pu faire appel du maintien en détention provisoire de son client.

I- Si la remise en liberté est fondée en droit...

La détention provisoire  est  envisagée  en respect des conditions fixées par l’article 144 cu CPP pour les crimes et les délits encourant au moins 3 ans de prison par le JLD , saisi par une ordonnance du juge d’instruction ou du procureur de la république en matière criminelle ou délit encourant plus de 10 ans de prison sur réquisitions motivées

L’ordonnance comporte l’énoncé des motifs de fait et de droit ainsi que le motif de la détention et porte mandat de dépôt.

La personne placée en détention provisoire ou son avocat peut demander sa mise en liberté par demande au juge d'instruction, lequel peut aussi l’ordonner d'office sous contrôle judiciaire. Lorsque  le juge d’instruction refuse  la mise en liberté, il transmet le dossier au juge des libertés et détention qui statuera sur son maintien .

Si les conditions de mise en détention provisoire ne sont plus remplies, ou bien  si la détention provisoire excède la durée légale raisonnable, alors la liberté doit être d’office prononcée par le juge des libertés et de la détention à l’issue d’une audience publique et contradictoire, tenue en présence du procureur de la République et la personne mise en examen assistée d’un avocat. Sa durée est normalement limitée :

L’intéressé et le parquet peuvent faire appel de la décision en placement provisoire mais pas la partie civile, cet appel n’est pas en principe suspensif, mais s’il est interjeté le jour même ou le suivant, la personne détenue peut bénéficier du référé liberté

Le président de la chambre d’instruction doit se prononcer par décision non motivée et insusceptible de recours.

 --Pour les crimes

Elle est limitée à 1 an, mais  peut être prolongée de 6 mois par ordonnance motivée et après un débat contradictoire.

Si la durée excède 1 an, les décisions postérieures  doivent comporter les indications particulières qui justifient la poursuite de l’information et le délai prévisible d’achèvement de la procédure.

Une nouvelle prolongation est possible dans la limite de deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à 20 ans de réclusion ou de détention criminelle et de 3 ans dans les autres cas, possibilité de prolonger à 2 ans et 4 mois en cas de nécessité de poursuivre l’instruction, la Chambre de l’instruction est saisie par ordonnance motivée par le JLD et la comparution du mis en examen est de droit.

--Pour les délits:

Sa durée est de 4 mois, sauf exceptions qui permettent de la renouveler jusqu'à 2 ans

L'appel d'un refus de mise en liberté ou de prolongation de la détention doit être examiné dans des délais stricts :

Article 148 du CPP

 En toute matière, la personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté, sous les obligations prévues à l'article précédent.

La demande de mise en liberté est adressée au juge d'instruction, qui communique immédiatement le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions.

Sauf s'il donne une suite favorable à la demande, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de la détention.

Ce magistrat statue dans un délai de trois jours ouvrables, par une ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l'article 144. Toutefois, lorsqu'il n'a pas encore été statué sur une précédente demande de mise en liberté ou sur l'appel d'une précédente ordonnance de refus de mise en liberté, les délais précités ne commencent à courir qu'à compter de la décision rendue par la juridiction compétente. Lorsqu'il a été adressé plusieurs demandes de mise en liberté, il peut être répondu à ces différentes demandes dans les délais précités par une décision unique.

La mise en liberté, lorsqu'elle est accordée, peut être assortie de mesures de contrôle judiciaire.

Faute par le juge des libertés et de la détention d'avoir statué dans le délai fixé au troisième alinéa, la personne peut saisir directement de sa demande la chambre de l'instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa saisine faute de quoi la personne est mise d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées. Le droit de saisir dans les mêmes conditions la chambre de l'instruction appartient également au procureur de la République.

Article 148-2 al 2  du CPP

… Lorsque la personne n'a pas encore été jugée en premier ressort, la juridiction saisie statue dans les dix jours ou les vingt jours de la réception de la demande, selon qu'elle est du premier ou du second degré. Lorsque la personne a déjà été jugée en premier ressort et qu'elle est en instance d'appel, la juridiction saisie statue dans les deux mois de la demande. Lorsque la personne a déjà été jugée en second ressort et qu'elle a formé un pourvoi en cassation, la juridiction saisie statue dans les quatre mois de la demande.

Toutefois, lorsqu'au jour de la réception de la demande il n'a pas encore été statué soit sur une précédente demande de mise en liberté ou de mainlevée de contrôle judiciaire, soit sur l'appel d'une précédente décision de refus de mise en liberté ou de mainlevée du contrôle judiciaire, les délais prévus ci-dessus ne commencent à courir qu'à compter de la décision rendue par la juridiction compétente. Faute de décision à l'expiration des délais, il est mis fin au contrôle judiciaire ou à la détention provisoire, le prévenu, s'il n'est pas détenu pour une autre cause, étant d'office remis en liberté.

La décision du tribunal est immédiatement exécutoire nonobstant appel ; lorsque le prévenu est maintenu en détention, la cour se prononce dans les vingt jours de l'appel, faute de quoi le prévenu, s'il n'est pas détenu pour autre cause, est mis d'office en liberté. »

Dans ce dossier le délai pour statuer   a été dépassé, si bien qu'au delà l'avocat du principal suspect  était fondé à saisir la chambre de l'instruction pour demander la libération de son client

Or voilà, la chambre n'a rien reçu.

Le délai de 20 jours; est passé avec un fax défectueux

Il  y avait "détention arbitraire".

L'enquête aurait laissé entendre que c'est un défaut d'encre dans un fax qui avait empêché l'appel de son client d'être envoyé.

Pour le parquet de Bobigny a le  "fax défectueux a empêché la transmission de l'appel à la cour d'appel de Paris dans les délais légaux".

Qui peut accepter et comprendre une telle argumentation : 20 jours de pannes ?

II ... La libération d'une personne impliquée dans une affaire criminelle choque  l’équité et le besoin de justice des victimes et du citoyen

Parce que l' épouse de la victime, mère de deux enfants est consternée.

Parce que le risque de cavale n'est plus très loin.

Le principal suspect  risque  ne pas se présenter à sa convocation en cour d’Assises et de ne pas se constituer prisonnier, alors que ce procès est attendu depuis des années. 

Madame TAUBIRA déplore ce dysfonctionnement qui supposera une enquête .

«Nous ne pouvons pas consentir à des risques de cette nature»

L'enquête portera t-elle sur la panne du fax ou sur la panne de la justice ?

Deux poids et deux mesures sans doute car :

--la première panne est réparable,même si le problème logistique et de moyens matériels et humain de la Justice reste entier.

Certains juges d'instruction sont amenés à apporter leur propre matériel pour travailler correctement.

--la seconde panne  le sera plus difficilement si le "présumé innocent " est libéré.

Comment ne pas penser à ce film fiction «  La nuit des Juges »  avec M.Douglas qui nous présentait l’injustice procédurale dans tous ses états et quelques magistrats  désabusés de voir des personnes amplement impliquées dans des affaires criminelles remis en liberté sur un simple vice de forme, qu’ils faisaient justice eux-mêmes !

Comment ne pas penser à cette erreur de frappe portée dans un arrêt de la chambre de l’instruction à l'origine de la remise en liberté d’un violeur présumé et soupçonné d'avoir séquestré pendant deux semaines et violé une jeune femme au printemps 2006 puis d'en avoir violé une autre quelques jours plus tard sous la menace d'un couteau, de 48 ans en 2008 . L'erreur portée dans l'arrêt la cour infirme au lieu de confirme

Comment ne pas penser à cette évasion  d’un détenu par l’envoi d’un fax tronqué il y a peu..!

Demeurant à votre disposition

Maître HADDAD Sabine

Avocate au barreau de Paris

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