L'indemnité d'occupation pèse sur tout indivisaire qui jouit privativement du bien indivis est due non à l'autre ou aux autres indivisaires, mais à l'indivision elle-même.
Elle a pour but de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus du fait de cette jouissance exclusive du bien par un seul indivisaire, si bien que chaque indivisaire a un droit de créance sur cette indemnité.
Elle trouve sa source dans l'article 815-9 du code civil, qui dispose
« Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ».
Comme elle répare et dédommage l'indivision, encore faudra t-il pour le demandeur démontrer l'impossibilité réelle de pouvoir occuper le bien et non une simple abstention volontaire Cass. Civ. 1ère 29/06/2011, N° pourvoi 10-15634
I- Quand la payer à l'indivision ?
L'héritier qui utilisera le bien à compter du décès, même épisodiquement ou qui se maintiendra dans les lieux, parce qu'il demeurait avec le défunt, ou (le)la concubin(e) après séparation qui reste dans l'appartement en sera redevable.
Même chose pour l'époux qui bénéficie d'une jouissance gratuite ou onéreuse du domicile conjugal, ( à compter de la date de l'ONC jusqu'au partage si la jouissance est onéreuse ou du jour où le jugement est devenu définitif jusqu'au partage en cas de jouissance gratuite).
Elle est exclusive de l'usufruit : Ainsi 1 ere Civ,15 mai 2013 pourvois N° 11-24-217 et 11 27306 a refusé de voir une situation d'indivision entre la fille issue d'un premier lit et la nouvelle conjointe survivante, dans le cadre d'une option en partie de l'usufruit.
De même un légataire universel ( toute la quotité disponible des biens ) n'en sera pas tenu lorsque la propriété du bien légué lui restera définitivement acquise au jour du décès. 1ère Civ, 24/09/2008, pourvoi n° 06-21.445
Le conjoint survivant, légataire universel, qui a, dès le jour du décès, la jouissance de tous les biens composant la succession n'en sera donc pas tenu 1ère Civ, 3 février 2004 BICC n°596 du 15 avril 2004 1ère Civ, 20 mars 1984 : Bull. civ. I, n° 108
Si le logement a été attribué à titre de prestation compensatoire dans un divorce, ou en usufruit, elle serait contestable.
A )Lors du partage amiable ou à défaut judiciaire
Dans le cadre amiable tout est possible: une convention peut être établie entre les indivisaires, la fixation de son montant aussi pour s'éviter toutes expertises inutiles et coûteuse, les modalités de paiement ex mensuelle, l'exercice et les périodes convenues ,son point de départ, l'indexation, etc...
Ici, il n'y a pas de difficulté.
L'indemnité due sera majoritaiement portée dans l'acte de partage établi par le notaire et sera due jusqu'au partage sous réserve de la prescription quinquennale et non interrompue à prendre en compte.
Au cas de difficulté, entre co-indivisaires, nul n'est tenu de rester dans l'indivision.( article 815 du code civil).
L' action en sortie de l'indivision pourra être portée auprès du tribunal de Grande Instance, par voie d'assignation avec représentation d'un avocat obligatoire, lequel statuera sur le principe et sur le montant de l'indemnité.
Le paiement de l'indemnité doit en principe intervenir dès que le juge en a fixé le montant.
Si le paiement n'est réclamé qu'à l'occasion du partage, alors elle est due dans sa totalité, dans la limite des cinq années antérieures, conformément à la prescription quinquennale.
Le problème des charges de copropriété liées à l'occupation privative et personnelle par l'un des indivisaires de l'immeuble indivis se posera ( ex pour les charges liées à l'entretien courant, l'eau et le chauffage collectif, lesquelles doivent incomber à l'occupant.), si bien que seules les autres charges de copropriété, "non récupérables" sur l'occupant, devront être portées au compte du passif de l'indivision; 1ère Civ 12 décembre 2007, pourvoi N°06-11877
B) Dans le cadre d'une demande d'attribution de part des bénéfices annuels
L'indemnité d'occupation est assimilée à un revenus indivis, chaque indivisaire est en droit de réclamer sa part annuelle dans les bénéfices.
De même qu'un loyer est payé tous les mois, elle doit être payée à intervalle régulier
L'article 815-11 du code civil dispose
"Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.
En cas de contestation, le président du tribunal de grande instance peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive.
A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir."
Une telle demande pourra donc être formulée pour chaque exercice annuel sous réserve d'établir les comptes liée aux impenses éventuellement exposées par l'occupant .
Cass. 1ère Civ,23 novembre 2011pourvoi N° 10-18315 et 10-18346
Vu les articles 815-9, alinéa 2, et 815-10 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise, l'indemnité d'occupation due par un époux pour la jouissance d'un immeuble indivis doit revenir à l'indivision ;
Attendu que l'arrêt condamne M. X... à payer à Mme Y... la moitié des indemnités d'occupation, conformément à la demande de celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ces indemnités, dues à l'indivision, devaient entrer pour leur montant total dans la masse active partageable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
II La prescription à prendre en compte
A) Un principe textuel et jurisprudentiel
1°- Textuel
L'action en paiement de l'indemnité d'occupation est prescrite par cinq ans, en vertu de l'article 815-10 alinéa 3 du Code Civil.
« ...Aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être.
Chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l'indivision. »
Ce délai de prescription pourra être conventionnellement modifié, si les indivisaires conviennent par contrat, une durée différente.
Plus généralement, tout créancier, qui demande le paiement de l'indemnité d'occupation à un occupant sans droit ni titre, est concerné par la prescription abrégée de cinq ans, indépendamment du fait que cette indemnité est exigible au titre d'une clause du bail ou suite à une décision de justice, et peu importe que le paiement sollicité par le créancier soit celui d'une indemnité mensuelle ou globale.
2°- Jurisprudentiel
Tout créancier, qui demande paiement d'une indemnité d'occupation par voie judicaire ou contractuelle à un occupant sans droit ni titre, qu'elle soit périodique, mensuelle ou globalement sera soumis à la prescription abrégée de cinq ans.
Ass Plén, 10 juin 2005 pourvoi N°03-18922 allant dans le sens de 1ère Civ,5 mai 1998 Defrénois 30 novembre 1998 n°22 p.1381 a jugé que la prescription abrégée s'applique à l'action en paiement de l'indemnité d'occupation.
Mais attendu que si le créancier peut poursuivre pendant trente ans l'exécution d'un jugement condamnant au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l'article 2277 du Code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande ;
Pour 3ème Civ, 8 novembre 2006, pourvoi N° 05-11-994 : la durée de la prescription quinquennale est déterminée par la nature de la créance.
B) Divorce et indemnité : la spécificité
1°- La demande doit se faire dans les 5 ans du jugement de divorce ayant force de chose jugé
Son point de départ varie selon que dans le cadre de la procédure de divorce , la jouissance du comicile conjugal a été fixée de manière gratuite ou onéreuse dans l'ordonnance de non conciliation qui vise les mesures provisoires.
-si elle est gratuite , elle court à compter de la date du jugement qui aura acquis force de chose jugée
-si elle est onéreuse: elle court à compter de la date de l'ordonnance de non conciliation
1ere Civ, 7 juin 2006 pourvoi N°: 04-12331, a statué (arrêt de rejet) sur les situations de demande d'indemnité d'occupation formulées dans les 5 ans suivant la date à laquelle le jugement de divorce a acquis force de chose jugée.
La cour a rappelé que dans ce cas l'indemnité d'occupation sera due à la date de l'assignation en divorce.
Mais Attention, cet arrêt statue sur une situation antérieure, à la mise en oeuvre de la loi N° 2004-439 du 26 mai 2004, laquelle a modifié l'article 262-1 du code civil sur le point départ des effets du divorce.
-Avant la loi; le jugement de divorce prenait effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens à la date de l'assignation pour les divorces contentieux.
-Depuis cette loi, le point de départ est la date de l'ordonnance de non-conciliation.; sauf bien entendu si la décision du juge fait remonter lesdits effets à une date antérieure de l'ONC qui prendrait en compte la fin de cohabitation et de collaboration des époux...
Dans ce cas les indemnités sont dues du jour de l'ONC jusqu'au partage
Pourtant la jurisprudence de 2006 continue à s'appliquer, avec pour modification simplement le fait que les effets du divorce remonteront désormais à la date de l'ONC et non de l'assignation suite à la loi de 2004 précitée.
Dans ce cas, le montant peut être dû au-delà de 5 ans
Ex une ONC rendue 6 ans entre le moment de l'assignation pour l'indemnité faite dans les 4 ans du divorce ( car la prescription ne court pas durant la procédure de divorce).
2°- Qu'en est il d'une demande d'indemnité d'occupation formulée au-delà des 5 ans ?
Il a été jugé que l'ex-épouse qui prétendait à une indemnité pour l'occupation du bien immobilier dont elle était propriétaire et qui avait formé sa demande plus de cinq ans après la date à laquelle le jugement de divorce avait acquis force de chose jugée, n'était en droit d'obtenir qu'une indemnité portant sur les cinq dernières années précédant sa demande. (date de la délivrance de l'assignation par huissier.)
Cass 1ère Civ 15 mai 2008, BICC n°688 du 1er octobre 2008.
Prenons un exemple concret :
Un divorce est définitif le 20 avril 2008. Si l'indemnité d'occupation est réclamée le 25 juillet 2013, (date de l'assignation); elle ne pourra viser que la période allant du 25 juillet 2008 au 25 juillet 2013.
C'est pourquoi pour interrompre la prescription, il faut toujours assigner dans les 5 ans
C- Les conséquences du jugement sur l'indemnité passé et à venir : calcul des arriérés et prescription
1°- 1 ere Civ, 10 juillet 2013 ; pourvoi N°12-13.850 :
si une décision détermine à la fois une indemnité d'occupation entre l'ouverture de la période de l'indivision (qui s'ouvre au décès) jusqu'au moment où elle statue ( sur une période écoulée ou échue à la date de son prononcé) tout en posant le principe de l' indemnité d'occupation pour l'avenir jusqu'au partage effectif c'est à dire les termes à échoir, alors le délai de la prescription devra être décompté avec prudence. pour agir en justice.
En effet, Il faudra constater que pour les échéances postérieures au jugement, c'est à dire les termes à venir ou à échoir, la prescription quinquennale pourra s'appliquer.
Le seul fait d'en poser le principe pour l'avenir nécessitera d'assigner en justice pour interrompre le délai de 5 ans.
Cette décision rappelle donc l'importance de l'action pour ne pas perdre ses droits.
Mais attendu que seuls les arriérés échus postérieurement à une décision judiciaire, ayant force exécutoire, qui a reconnu une créance d'indemnité d'occupation, échappent, en raison de la nature de la créance, à l'interversion de prescription résultant de cette décision ; qu'après avoir relevé que l'arrêt du 26 février 1997 était passé en force de chose jugée sur le principe et le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme X..., la cour d'appel a retenu à bon droit que ce n'était que pour la période postérieure à cet arrêt que s'appliquait la prescription quinquennale, de sorte que l'indivision ne pouvait prétendre au paiement de l'arriéré de l'indemnité d'occupation pour la période qui avait couru du 27 février 1997 au 17 décembre 2003 ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
2°- Assemblée Plénière, 10 JUIN 2005 précité
a considéré que si le créancier peut poursuivre pendant trente ans ( NB DIX ans depuis la réforme de 2008) l'exécution d'un jugement condamnant au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l'article 2777 du Code civil applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris