Le problème de la mendicité se pose depuis les années 1990, du fait de la prise d’arrêtés.
Publiés pour la plupart entre 1993 et 1996, ces arrêtés anti-vagabondage avaient provoqué un véritable tollé, alors que seule l'exploitation de la mendicité est réprimée par notre code pénal et la mendicité très agressive sous l'angle de l'extorsion de fonds par violences,contrainte ou chantage.
Quel juste milieu ?
Ils et ne sont pas de la meilleure image politiquement parlant.Ainsi, l’arrêté municipal anti-mendicité, pris par Nice à l’été 1996, a été jugé légal par le tribunal administratif, comme adapté aux circonstances de temps et de lieu.Quelle est la dernière actualité de cette politique de la main tendue qui consiste à faire payer 38 euros un mendient ? La seconde classe dans la contravention!
I-Le réveil des villes dans la prévention sécuritaire
La ville de Marseille vient de viser dans son arrêté du 17 octobre 2011 les "sollicitation et quête", la "tranquillité et commodité de passage".
Cet arrêté est important car il est à la fois étendu et permanent sur tout le centre.
A Paris, l'arrêté interdisant la mendicité sur les Champs Elysées est effectif jusqu'au 6 janvier 2012 de 10 heures du matin à 22 heures entre la place Charles de Gaulle et le rond point des Champs Elysées. « Cet arrêté concerne la mendicité et les formes qui y sont assimilées comme les fausses pétitions,
Le non respect de cet arrêté est aussi puni d'une amende de première classe d'un montant de 38 euros et permettra à la police d'effectuer des contrôles d'identité et de prendre des mesures administratives.
À La Madeleine, dans le Nord, deux arrêtés municipaux d'août 2011 anti-mendicité ont été affichés à la mairie en français, avec deux versions traduites en roumain et en bulgare imprimées pour être distribuées à la population.
Le maire avait argué de ce qu'un "climat de tension" était créé par un camp de roms près de sa commune. Il avait aussi pris en parallèle un arrêté portant interdiction de fouiller les containers à poubelles, traduit aussi dans les deux langues.
Citons, l'arrêté N° 10-595 du maire de Nogent sur Marne du 9 septembre 2010 en vigueur le 15 septembre 2010 interdit la mendicité sur une partie importante du domaine communal, du lundi au samedi de 8 heures à 17 heures sur une période allant du 15 septembre 2010 au 30 avril 2010.
De nombreuses communes ont coutume de prendre un arrêté anti mendicité, anti vagabondage, de ce type à une certaine période principalement estivale : ex Chartres, Chalon, Boulogne, Périgueux, Metz, Quimper, Argenteuil, etc…
L’arrêté du maire de Lourdes à effet du 8 juin au 30 octobre 2009 avait interdit « l’occupation abusive et prolongée des rues, accompagnée ou non de sollicitations ou quêtes à l’égard des passants, lorsqu’elle est de nature à entraver la libre circulation des personnes », et notamment à mobilité réduite, « ou bien de porter atteinte à la tranquillité et au bon ordre public, de même que la station assise ou allongée lorsqu’elle constitue une entrave à la circulation » et « le regroupement des chiens non tenus en laisse, même accompagnés de leurs maîtres a été interdit. »
Ou bien encore l’arrêté anti-mendicité pris par le maire de Nogent/Marne le 28 octobre 2009, révélé dans la presse quelques jours avant le réveillon de Noël !
II- La nécessite du compromis entre interdiction de troubler l’ordre public et la liberté d’aller et venir
Si les interdictions générales et absolues peuvent être jugées illégales, sauf circonstances exceptionnelles, la légalité des arrêtés municipaux d’interdiction de la mendicité est soumise aux mêmes conditions que les autres mesures de police administrative.
Le Tribunal administratif et le cas échéant la cour administrative d'appel vérifiera(ont) que la mesure n’était pas disproportionnée au regard du risque encouru.
C’est la notion de trouble à l’ordre public.
La mesure devra se concilier avec les autres principes et libertés publiques...
Le caractère très général et imprécis de l’arrêté municipal qui, en interdisant à toute personne de s’asseoir ou se coucher sur les trottoirs et les espaces publics, ne permet pas de distinguer les personnes qui portent atteinte à l’ordre public en se livrant notamment à une quête sauvage agressive et celles qui ne causent aucun trouble. Ces restrictions très générales de l’arrêté municipal pourraient paraître disproportionnées par rapport à l’objet de tranquillité publique poursuivi".
Il conviendra de rechercher s’il y a un risque, dans l’éventualité des troubles que pourra occasionner la mendicité ,de rechercher si ces attitudes présentent un degré de gravité tel que leur interdiction sur l’ensemble de lieux énumérés s’avèrera nécessaire ; sachant que proscrire de façon générale tous comportements constituerait une atteinte au droit d’aller et venir d’autrui.
Ainsi, l’arrêté d’un maire qui n’interdit les actes de mendicité que durant la période estivale, du mardi au dimanche, de 9 heures à 20 heures, et dans une zone limitée au centre-ville et aux abords de deux grandes surfaces, est une mesure d’interdiction légalement justifiée par les nécessités de l’ordre public.
CAA Bordeaux, 26 avril 1999, Commune de Tarbes, req n°97BX01773. a annulé un arrêté « dès lors que les troubles que pourraient occasionner les activités ou les attitudes des personnes errantes, ne sont ni graves ni certains et qu’il n’est pas indiqué les circonstances précises susceptibles de caractériser de tels comportements »
Voir aussi CAA Douai, 13 novembre 2008 n°08DA00756 LDH c/ Commune de Boulogne
Conseil d’Etat, 5ème et 7ème sous-sections réunies,9 juillet 2003, N°229618,
"un arrêté municipal interdisant la mendicité sur la voie publique à certaines heures et en certains lieux de la commune est ou non une mesure légalement justifiée par les nécessités de l’ordre public, une cour administrative d’appel se livre à une qualification juridique des faits »
La ligue des droits de l’homme, les diverses associations ne manquent pas de réagir fréquemment contre des abus à la liberté d’aller et venir, dans une société qui cache ses pauvres comme on cachait les lépreux au Moyen Age …
Ainsi, la ligue des droits de l'homme a saisi le juge administratif pour faire annuler l'arrêté précité du 9 septembre 2010 du maire de Nogent/Marne, ou contester l'arrêté anti-mendicité et anti-fouille de poubelles pris par le maire de la Madeleine...
Force est de constater qu’aujourd’hui, le nombre d’exclus, de mains tendues en difficultés s’est accru.
Nos sociétés ont fort à faire, mais ce n’est pas en cachant ses pauvres ou en les sanctionnant inutilement qu’elle y parviendra.
La dignité d’hommes et de femmes, est en jeu.
Faire payer les pauvres, voilà une riche idée!
Rappelons aussi que l'exploitation heurte principalement la morale, surtout en présence de mineurs, vulnérables, en dangers, souvent déscolarisés en violation de l’obligation scolaire, suscitant une vive réaction à l’encontre des parents.
Cette attitude devrait orienter vers une soustraction de l’exercice de leur autorité parentale , une saisine des services de l’ASE, du juge des enfants.
L’article 227-17 du code pénal permettrait d’envisager des poursuites à l’encontre de parents qui ne rempliraient pas les obligations légales de protection et d’éducation à l’égard de leurs enfants ;
L’article 375 du code civil prévoit la saisine du juge des enfants en vue de l’obtention de "mesures d’assistance éducatives si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises ".
Les poursuites pour privation de soins sont souvent mises en oeuvre mais aboutissent à des relaxes.
Mendier pour nourrir son enfant, ne peut être en soi constitutif d'une privation de soins.
L'analyse se fera au cas par cas et pose bien des soucis aux tribunaux. Quand interdire et quand tolérer ? Retirer ou maintenir l'enfant dans sa famille ? Telles sont les questions...
Je reste à votre entière disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocat au Barreau de Paris