I- La notion de possession d'état et son rôle dans l'action en contestation de paternité
A) Une notion définie par la Loi qui prend en compte certains faits
Cette notion est définie comme une sorte de présomption légale par les articles suivants.
Article 311-1 du code civil
La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir.
Les faits principaux prennent en compte :
1° une personne traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme son (leur) enfant et qu'elle-même les ait traités comme son ou ses parents ;(tractatus)
2° le ou les prétendus parents , en cette qualité, ont pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ;
3° une personne reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;
4° une personne considérée comme leur enfant par l'autorité publique ;une reconnaissance de cet enfant par la société, la famille, les administrations comme étant celui du ou des parents prétendus, (fama)
5° une personne qui porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue ( nomen)
La filiation ainsi établie est mentionnée en marge de l'acte de naissance de l'enfant et est établie rétroactivement au jour de sa naissance...
Pour obtenir la délivrance de l'acte de notoriété Le demandeur devra prouver cette possession d'état avec le témoignage de 3 personnes, parents ou non.
Article 311-2 du code civil
B) La qualité de la possession d'état : paisible, publique, continue et non équivoque.
Cela implique un caractère continu ( faits habituels ), donc une certaine stabilité.
-- paisible: c'est à dire non établie de manière frauduleuse
-- publique: c'est à dire connue de tous
-- non équivoque: c'est à dire qu'il ne doit pas y avoir de doute.
-- continue: c'est à dire qu'elle pourra s'établir par un acte de notoriété qui fait foi jusqu'à preuve contraire, demandé au juge d'instance dans les 5 ans de la cessation de la possession d'état ou du décès du parent supposé.
Il s'agit d'un réel lien de filiation et de parenté, démontré par la réunion de divers faits qui ne seront pas forcément cumulatifs
L'action est ouverte à tout intéressé ayant un intérêt légitime pendant 10 ans à compter de l'établissement de la filiation.
L'action est suspendue au profit de l'enfant pendant sa minorité. Il peut donc agir jusqu'à l'âge de 28 ans
II-Les conséquences d'une possession d'Etat fondée
A) L'irrecevabilité de l'action en contestation de paternité
en raison de l'existence d'une possession d'état continue, paisible, publique et non équivoque, conforme au titre et ayant duré au moins cinq ans depuis la reconnaissance
Article 333, al. 2 du Code civil
Durant les sept années pendant lesquelles le père a vécu avec l'enfant, il s'est comporté comme son père, en se souciant notamment de son entretien et de son éducation, et a été considéré et traité comme tel par l'enfant qui avait également noué des liens profonds avec sa grand-mère paternelle et d'autres membres de la famille.
--Quid lorsqu'elle est continue pendant dix années après la naissance ?
Elle fera obstacle à l'action en contestation de paternité légitime de l'auteur d'une reconnaissance de l'enfant antérieure à la naissance. 1ère Civ, 14 février 2006 - BICC n°640 du 15 mai 2006
1 ere Civ,29 février 2012, pourvoi N° 10 26 678
Celui qui se comporte comme le père d'un enfant et est considéré comme tel par celui-ci pendant les sept années qui suivent la reconnaissance ne peut pas contester sa paternité au motif que la mère aurait toujours dit qu'il n'est pas le véritable père.
En l’éspèce un enfant naturel, reconnu par sa mère puis par son père, est légitimé par leur mariage. Dix ans plus tard, les époux divorcent et le mari conteste sa paternité en faisant valoir que, depuis qu'il a reconnu l'enfant, la mère n'a eu de cesse de rappeler, tant à l'enfant qu'à l'entourage, qu'il n'est pas le véritable père, de telle sorte que la possession d'état est équivoque.
La première chambre civile de la cour de cassation a rendu 3 arrêts le 27 février 2013;pourvois N°12-15.017 N° 12-13.326 et N° 12-13.329 qui interessent le point de départ du délai de contestation lorsque l'enfant a une possession d'état
Elle a rappelé dans le cadre d’actions antérieurement introduites à l’ordonnance n° 2005 759 du 4 juillet 2005 entrée en vigueur le 1er juillet 2006, que le délai de cinq ans prévu par l’alinéa 2 de l’article 333 du code civil courait à compter de cette date.
B) La délivrance de l'acte de notoriété ne peut être demandée que dans un délai de 5 ans à compter de la cessation de la possession d'état prétendue et notamment du décès du parent prétendu.
1°) A contrario pas de contestation au delà car c'est trop tard.
L'action est réservée à l'enfant, aux père et mère ou à celui qui se prétend le véritable père.
2°) L'obtention d'un tel acte autorise une contestation dans les 10 ans à compter de la délivrance de l'acte de notoriété en rapportant la preuve contraire.
3°) Le refus de délivrance de cet acte, autoriserait malgré tout à saisir le tribunal de grande instance d'une demande en constatation de la possession d'état durant un délai de 10 ans à compter de la cessation de celle-ci.
C) L'impossible test ADN
1ère Civ,16 juin 2011, un arrêt intéressant sur la possession d'état. pourvoi N°08-20.475 aux visas des articles 311 1, 311 2, 334 8 du code civil mais dans leur rédaction antérieure à celle de l’ordonnance n°2005 759 du 4 juillet 2005.
La cour rappelle qu'en matière de possession d'état, il ne peut y avoir lieu à prescription d’une expertise biologique et censure la cour d'appel pour en avoir ordonné une.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris