L’article L.132-1 du Code des Assurances, les envisage en ces termes.
"La vie d'une personne peut être assurée par elle-même ou par un tiers.
Plusieurs personnes peuvent contracter une assurance réciproque sur la tête de chacune d'elles par un seul et même acte."
Comme l'assurance vie qui garantit à l’échéance, moyennant le règlement d’une prime unique ou périodique, le versement d’un capital et des intérêts.
Etant hors succession, la non réintégration du capital ou des primes, mais aussi leur non révélation ne devraient pas être sanctionnées.
Cependant, divers mécanismes juridiques pourraient autoriser dans des cas bien précis, un certain rapport.
L'article L 132-13 du code des assurances dispose
« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »
Analysons les mécanismes de réintégration.
I-Les primes manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur sont sujettes à rapport et réduction.
La question est de savoir quelle part de patrimoine , placée sur un contrat d'Assurance-vie , ne sera pas considérée comme exagérée. ?
Les juges n’ont fixé aucune limite de montant.
Ils ont un pouvoir souverain. pour analyser
le montant des primes versées , critère substantiel,
l'utilité économique du contrat pour le souscripteur,
le mobile de la souscription.
2ème Civ,3 novembre 2011, N° de pourvoi: 10-21760
a jugé que lorsque les primes versées dans un contrat d’assurance-vie sont manifestement exagérées, les héritiers du souscripteur sont en droit de demander leur réintégration dans la succession de ce dernier
L’appréciation de cette exagération n’est pas aisée.
Le lecteur pourra se référer à l'article suivant:
La preuve du caractère manifestement exagéré des primes d'assurance-vie et la jurisprudence.
Tout silence qui consisterait à dissimuler des primes manifestement exagérées sera susceptible d’être considéré comme un recel successoral.
Le montant des primes sera considéré dans la masse de calcul global de la succession que constituent la réserve et la quotité disponible.
Le rapport et la réduction s’appliqueront, indépendemment des peines du recel...
Il faudra rapporter non pas les primes manifestement exagérées, mais l’ENSEMBLE des primes à l’actif successoral.
II- La requalification du contrat en opération d’épargne ou contrat de capitalisation permet de le réintégrer dans l'actif successoral
Le contrat d’assurance-vie, présentera un caractère aléatoire lié à la durée de vie sous peine de risquer d’être requalifié comme une simple opération de capitalisation.
Une analyse précise de ces contrats a été opérée dans l'article suivant.
ASSURANCE-VIE OU CONTRAT DE CAPITALISATION ?
III La Requalification en donation indirecte ou déguisée avec application des règles du rapport et de la réduction successorale
Le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie désigné peut-il avant le décès du souscripteur être imposé fiscalement au titre des donations à titre gratuit ? OUI
A) le cas d'une donation indirecte
Ch. Mixte, 21 décembre 2007, pourvoi n°06-12.769
En l’espèce, une personne, trois jours avant de décéder d’un cancer dont elle avait connaissance depuis plusieurs années, et après avoir désigné sa concubine comme légataire universelle, avait modifié les bénéficiaires des contrats d’assurances qu’elle avait souscrits et sur lesquels elle avait déposé 85% de son patrimoine, puis désigné cette dernière comme seule bénéficiaire. ...
Pour la cour, "un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire avait été désigné révélaient la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable."
B) Le cas d'une donation déguisée
1 ere Civ, 25 septembre 2013, N° pourvoi 12-20657 vient de rappeler que les sommes issues des contrats d’assurance vie peuvent aussi constituer des donations déguisées lors du partage successoral et qu'ainsi les primes versées devront être réintégrées à l’actif successoral en vue du rapport et de la réduction.
IV L’abus de droit et l'annulation du contrat d'assurance-vie pour cause illicite et atteinte à l’ordre public successoral
Cet abus repose sur une cause illicite et porte atteinte à l’ordre public successoral, par application des articles 1131 et 1133 du code civil.
L’assureur devra rembourser toutes les primes, qui seront réintégrées dans la masse successorale.
Si le capital a déjà été versé, ce sera le bénéficiaire qui devra le restituer à la succession.
A la différence de l’article L 132-13 du code des assurances qui suppose que le bénéficiaire conserve le capital amputé de l’indemnité de réduction, ici il n’a ici droit à rien.
Les souscriptions frauduleuses sont visées ici.
Au sens civil, elle suppose l’intention de nuire aux intérêts d’autrui et aux droits des héritiers du souscripteur.
par exemple si ce dernier utilise in extremis le mécanisme de l'assurance-vie, au crépuscule de sa vie, en plaçant un capital tres élevé au profit d'une tierce personne pour modifier la nature de son patrimoine et tenter de le faire échapper à ses héritiers,
La preuve de l' élément subjectif tel que l’intention de nuire est extrêmement délicate à rapporter, toutefois certains indices permettent de la présumer .
V- Le Recel successoral
Tout silence qui consisterait à dissimuler des primes manifestement exagérées sera susceptible d’être considéré comme un recel successoral.
Lesdites dispositions intéresseront toute personne y ayant intérêt : les héritiers bien sûr mais pas seulement.
Le lecteur trouvera les réponses à ce thème dans
RECEL DE SUCCESSION : LA MORT DE L'HERITIER
VI L’appréciation souveraine de la volonté dans un testament comme libéralité dans la volonté de réintégrer l’assurance dans l’actif de succession
1ere Civ,10 octobre 2012 pourvoi N°11-17.891
le legs d’une assurance vie la fait rentrer dans le droit commun des successions et libéralités, ce qui a pour conséquence d’autoriser l’action en réduction à la quotité disponible
Ainsi lorsque la libéralité excède cette quotité, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité
Pour Cass. 1ère Civ. 10 oct. 2012 pourvoi N° 11-17.891 ;
l’indemnité de réduction relève des opérations de partage ; son paiement ne peut être demandé qu’aux termes de ces opérations.
L'arrêt indique aussi que le légataire particulier s’il est par ailleurs héritier successoral parce que, à ce dernier titre, il a la saisine, n’a pas à demander la délivrance de son legs.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine