« Le divorce est le sacrement de l'adultère » : Sacha Guitry
Le 7 ème commandement interdit le pêché de chair ou de fornication «Tu ne commettras point d'adultère » (Ex. 20, 14)
L'article 212 du code civil dispose « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».
La violation du devoir de fidélité constitue l'adultère et est vécu comme une trahison, qui pourra être appréhendée comme une tromperie, une grave inconduite, une injure.
L'adultère de l'épouse avant la loi du 11 juillet 1975 était sanctionné pénalement plus sévèrement que celui du mari puisque l'épouse encourait une peine d'emprisonnement pouvant aller de 3 mois à 2 ans, selon l'article 337 de l'ancien Code pénal, alors que le mari infidèle n'encourait qu'une peine d'amende pouvant aller de 360 à 7.200 Francs et ce uniquement dans l'hypothèse où il avait entretenu sa concubine au domicile conjugal.
Depuis la Loi du 11 juillet 1975, l'adultère a d'une part été dépénalisé ( abrogation des articles 336 à 339 de l'ancien code pénal) et d'autre part ne constitue plus une cause péremptoire de divorce (cause de prononcé du divorce dans tous les cas,) .
Il est désormais appréhendé comme une faute conjugale et le juge peut ainsi l'écarter voire
l'excuser au regard des fautes de l'autre conjoint.
Aucun juge ne contraindra celui qui contrevient à son devoir de fidélité de s'exécuter.
Cependant, la méconnaissance des obligations énoncées à l'article 212 du code civil constitue une faute qui peut être sanctionnée dans le cadre d'une procédure de divorce pour faute.
I- La Sanction de principe dans la rupture du mariage
A) Le prononcé du divorce pour faute
L'article 229 du code civil dispose « Le divorce peut être prononcé en cas :
-Soit de consentement mutuel ;
-Soit d'acceptation du principe de la rupture du mariage ;
- Soit d'altération définitive du lien conjugal ;
- Soit de faute. : l'article 242 du code civil, (modifié par la loi N°2004-439 du 26 mai 2004) dispose :« le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »
Le fait de savoir si l'adultère revêt un caractère suffisamment fautif, grave ou renouvelé rendant intolérable le maintien de la vie commune est une question de fait relevant de l'appréciation des juges du fond, lesquels ne sont pas tenus de le relever d'office en dehors des conclusions d'un avocat les y invitant, (2 ème Civ 1/04/1992, Defresnois 93, art 35484)
Le juge pourra prononcer le divorce aux torts exclusifs de l'époux qui a commis l'adultère ou aux torts partagés estimant que l'autre conjoint a aussi une part de responsabilité dans la commission de fautes.
Cependant les circonstances dans lesquelles il a été commis peuvent enlever à l'adultère le caractère de gravité qui pourrait en faire une cause de divorce.
Ainsi, on ne pourrait reprocher à un époux bafoué d'être allé chercher postérieurement un réconfort affectif hors son foyer, de faire preuve d'acrimonie voire d'être injurieux dès lors que ces faits peuvent être établis comme liés à l'intempérance et à l'adultère de son conjoint.
Lorsque l'époux bafoué allègue ces faits à titre d'excuse, le juge se doit de les examiner.
Ainsi forcé de constater que lorsque le divorce est prononcé aux torts partagés, les juges ont nécessairement estimé que le comportement de l'autre n'excusait pas les fautes qu'il a pu aussi commettre.
En tant que cause de divorce, le juge peut écarter l'adultère lorsqu'en raison de sa réciprocité par exemple, il perd son caractère de gravité.
B) Comment Prouver l'adultère ?
L'adultère s'établit par tous modes de preuves y compris l'aveu (article 259 du code civil) : Constat d'adultère, rapport de détective privé, attestations, courriers, mails, fax, relevés téléphoniques, journal intime comportant l'aveu...Même par sms, dont le contenu est attesté par huissier. (1 ere civ 17/06/2009) Mais encore faut-il que le mode de preuve n'ait pas été obtenu par violence ou fraude, car la fraude corrompt tout."fraus omnia corrumpit"(jusrisprudence commentée dans l'article : les Reines des preuves se verraient-elles détrônées ?)
Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux, donc sur l'adultère (article 259-1 du code civil).
Toute atteinte à la vie privée pour obtenir un élément de preuve rendrait la preuve irrecevable. (Exemples : enregistrement de la conversation d'une messagerie, obtention de documents protégés par mot de passe, ou code ...). L'établissement d'un constat d'adultère fait au domicile conjugal, de celui de la maîtresse ou de l'amant, dans un hôtel sera dressé par huissier (article 259-2 du code civil) et ne pourra intervenir;
- qu'après l'obtention d'une autorisation préalable d'un juge sollicitée par requête faite auprès du président du tribunal de grande instance ;
- en respect des horaires légaux,
« Aucune signification ne peut être faite avant six heures et après vingt et une heure, non plus que les dimanches, les jours fériés ou chômés, si ce n'est en vertu de la permission du juge en cas de nécessité » article 664 du Nouveau code de procédure civile.
C) L'adultère sans consommation
De plus en plus, nous sommes confrontés en raison des moyens modernes de communication, à la dissolution d'unions issues de rencontres virtuelles et de dials liés à des sites sur internet.
Certains, tentent par cette voie de doper leur quotidien et de tromper leurs habitudes, s'emballant et s'enflammant sur des personnes qu'elles n'ont souvent jamais vues, fantasme issu de leur imagination en quête d'idéalisation...Le virtuel et le textuel.
L'absence de consommation est-elle assimilable à l'adultère ? Pour certains époux, l'intention de la tromperie indépendamment du résultat conduira à la mise en place d'une procédure de divorce ...Justement celle-ci est entamée parfois après la découverte d'une liaison ou pseudo-liaison à travers des sms ou des mails échangés . Mais aussi après consultation des derniers sites de rencontres consultés par leur conjoint .
D'autres soutiendront que l'infidélité n'est pas l'adultère à partir du moment où ils rentrent le soir chez eux pour retrouver leur conjoint(e)...Chacun se fera sa propre opinion. Pour les tribunaux, seule la notion de violation(s) grave(s) ou renouvelée(s) des devoirs du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune reste essentielle.L'adultère au sens physique sera relevé .
L'adultère au sens moral (sur le net), l'intention de l'adultère resteront assimilables à une certaine forme d'injure, Or, il faut savoir que l'injure est constitive d'une faute (grief ) qui pourra être arguée dans une procédure pour soutenir la violation grave ou renouvelée aux devoirs de l'époux et d'une demande de dommages et intérêts . Le juge du fond appréciera ces points de façon souveraine.
Les moyens modernes de communication permettront d'établir l'adultère ou l'injure à partir du moment où ils seront obtenus loyalement.... (voire l'article sur : Les reines des preuves se verraient-elles détrônées ?)
II- La Sanction civile financière dans des conséquences liées au préjudice moral : Les dommages et intérêts.
A) Réparation du préjudice moral dans le cadre du prononcé du divorce
- Dommages et intérêts ; article 266 du code civil
L'obligation de fidélité est une obligation d'ordre public, cela signifie qu'il n'est pas possible pour un époux de renoncer à s'en prévaloir.
Tout acte juridique dans lequel les époux se dispenseraient de l'obligation de fidélité suite à une séparation de fait serait nul et non avenu et ne pourrait être pris en compte par le juge.
Tant que le divorce n'est pas prononcé, les époux restent tenus de cette obligation, même durant la procédure.
Au regard du comportement du conjoint s'étant vu attribuer les torts exclusifs dans le cadre du divorce, les juges pourront accorder à l'époux (se) bafoué(e) des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil en réparation du préjudice moral lié aux conséquences d'une particulière gravité subit du fait de la dissolution du mariage.
Ainsi l'indemnisation pourra concerner une rupture brutale et injurieuse avec une liaison adultère affichée, ostensible comme celle vécue par l'épouse trompée après avoir élevé deux enfants et aidé son mari dans le développement de son activité professionnelle (2 ème Civ 28/01/1999),
Le simple adultère du mari, alors qu'il est établi que la femme n'a commis aucune faute durant le mariage pourra être pris en compte.
La durée du mariage sera un critère pris en compte dans l'appréciation.
- Perte du droit à prestation compensatoire du conjoint " adultère"
Du point de vue du divorce, le risque d'un prononcé aux torts exclusifs de l'un des conjoints pourrait avoir des repercussions sur son droit à prestation compensatoire ( indemnité prononcée pour compenser les disparités dans les conditions de vies respectives des époux). En effet, le juge pourrait refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271 du code civil, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.)
B) Réparation du préjudice moral dans la sanction d'une faute civile
Le juge pourra alternativement ou cumulativement sur le fondement de l'article 1382 du code civil ( visant la faute civile ) retenir aussi un préjudice moral dans 2 cas :
° après un divorce aux torts partagés
° retenir un préjudice distinct de la rupture du mariage,
Au regard des circonstances de la séparation, (abandon d'une femme souffrant d'une maladie...)
Le Tribunal aura la charge de caractériser le fondement juridique de la condamnation.
2 ème Civ 27/02/2003 ; 1 ere Civ 14/12/2004 Bull Civ I N°321.
En matière de Pacte Civil de Solidarité (PACS) prévu dans l'article 515-1 du code civil qui permet d'envisager pour deux personnes majeures, de sexes différent ou de même sexe d'organiser leur vie commune, la faute de l'un des contractants peut engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil dans la mesure où le Pacs doit être exécuté loyalement.
Une clause de fidélité peut être rappelée dans le contrat
La rupture brutale de ce contrat à durée indéterminée pourrait justifier qu'une procédure de rupture du Pacs soit envisagée aux torts du partenaire fautif avec octroi de dommages et intérêts, mais la jurisprudence est quasiment inexistante en matière d'adultère.
Le juge du contrat, c'est à dire le juge du Tribunal de Grande Instance sera compétent pour apprécier la nature de la faute, conséquence de la rupture.
C) Une sanction désormais atténuée au regard de la validité des libéralités consenties à l'amant ou à la maîtresse.
Le code civil a toujours sanctionné l'obligation sans cause, sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, prohibée par la loi, contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public.
Par arrêt du, 29 octobre 2004, Bull. n° 12 ; BICC n° 612, p. 7 , pourvoi 03-11238,l'assemblée Plénière de la Cour de Cassation a décidé de soustraire les modes de transmission des patrimoines ( les libéralités entre vifs ou à cause de mort ) à la surveillance "moralisatrice"des juges.
L'adultère, tenu pour un événement purement privé, n'est plus en soi susceptible d'altérer la validité des libéralités consenties à cette occasion lesquelles ne sont plus appréhendées comme contraires aux bonnes moeurs et à la morale au sens des articles 1131 et 1133 du Code civil.
Désormais la jurisprudence traditionnelle, qui privilégiait l'opinion personnelle des juges sur les moeurs acceptables, entre les libéralités adultères tenues pour valables lorsqu'elles traduisaient un "devoir de conscience" du disposant et celles qui étaient déclarées annulables pour cause immorale parce qu'elles avaient eu pour cause "impulsive et déterminante" l'établissement, le maintien ou la reprise des relations adultères est mise à l'écart.
L'assemblée Plénière en 2004 a ainsi confirmé un arrêt du 3 février 1999 ,pourvoi n°96-11946, qui avait mis fin à la jurisprudence suivant laquelle les libéralités entre concubins étaient nulles si elles avaient pour cause impulsive et déterminante la formation, le maintien, ou la reprise de relations illicites.
Ainsi n'est pas contraire aux bonnes moeurs la cause de la libéralité dont l'auteur entend maintenir la relation adultère qu'il entretenait avec la bénéficiaire.
Pour ceux qui pensaient que l'aventure n'est pas l'adultère et qui ont perdu la personne aimée avec laquelle ils avaient encore tant à partager, la sanction morale sera affective , effective et afflictive !
Dans le terme d'adultère n' y a t-il pas adulte et taire.....? Certes mais un silence n'est-il pas en lui même une sorte de tromperie ? Un adultère par omission ... ?
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris
article publié en 2007 sur mon autre blog et mis à jour