I Analyse de 1 ere Civ, 25 mai 2016 pourvoi N°15-14.863
- Faits
Au décès de son mari l’épouse se retrouve légataire de l’universalité, en usufruit, de sa succession, laissant un fils issu de son union légataire de la quotité disponible et un autre fils issu d’un autre lit.
La question du recel s’est ainsi posée sur le recel des donations de la nue-propriété de la villa d’Antibes et des biens et droits immobiliers situés résidence Clamart à Compiègne, et réunis.
Pour juger que ce fils issu de son union maritale avait commis un recel sur les donations de la nue-propriété de la villa d’Antibes et des biens et droits immobiliers situés résidence Clamart à Compiègne, les juges du fond ont retenu que le donataire les avait dissimulées à son demi frère. en vue de les soustraire au rapport à la succession et de rompre l’équilibre du partage au détriment de ce dernier.
Cassation sur ce point au rappel de la lettre de l’article 778 du code civil qui porte une sanction applicable à l’héritier donataire que si le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible.
Après avoir relevé que ces donations avaient été consenties par préciput et hors part, ce qui en excluait le rapport, et alors qu’elle n’avait pas constaté qu’elles étaient réductibles, la cour d’appel a violé l’article 778, alinéa 2, du code civil.
Elle souligne que la sanction prévue par ce texte n’est applicable à l’héritier donataire que si le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible.
- Rappel sur la fraude au rapport ou à la réduction
L’article 778 du code civil vise le recel de succession comme suit:
« Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession. ».
Le recel successoral est envisageable de la part d’un héritier, d’un légataire universel ou d’un donataire:
L’appréciation du recel successoral est une question de fait librement soumise à l’appréciation des juges du fond. C’est ce que nous rappelle 1 ère Civ ,12 juin 2014 N° pourvoi: 13-17074
Toute personne qui prendra part directement dans la succession et interviendra en tant qu'héritier universel est concernée par le recel.
Il faut entendre par là les héritiers réservataires visés par la loi, mais aussi les légataires universels ou à titre universels.
Ceux qui ont reçu des libéralités non rapportables ou non réductibles en l'absence d'héritiers réservataires ne sont pas concernés 1ère Civ , 26 janvier 2011, pourvoi N°09-68.368
Les libéralités consenties par la défunte à Mme Y. n’étaient ni rapportables, ni, en l'absence d'héritier réservataire, susceptibles d'être réductibles, de sorte que leur dissimulation ne pouvait être qualifiée de recel successoral.
De la même façon, le conjoint héritier qui opte pour l'usufruit, en présence d'autres héritiers réservataires n'est pas concerné 1ère Civ, 29 juin 2011, pourvoi N°10-13.807
A contrario, un légataire particulier, étranger à la masse ne sera pas concerné.
1ère civ 28 janvier 2009, pourvoi N° 07-19573
La dissimulation peut viser:
Tous types de donations
L’article 843 du Code civil dispose :
« Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant. »
L’absence de rapport spontanément d'une donation "rapportable", ou d'une donation réductible par préciput de somme d'argent par exemple prélevées indûment est constitutif de recel.
. un don manuel d'une somme d'argent en vue d'une acquisition que fait un parent à un de ses enfants et qui doit être déclarée au moment de la succession.
.une donation indirecte qui se réalise au moyen d'un acte juridique dans lequel l'intention d'avantager ou gratifier une personne n'est pas exprimée.
Pour l'essentiel, il s'agit du paiement de !a dette d'autrui, ou de l'achat d'un bien pour un autre ou d'une vente moyennant un prix volontairement fixé en dessous de la valeur réelle du bien ou d'un prêt suivi d'une remise de dette.
. une donation déguisée que l’héritier gratifié omet de révéler ,alors qu'elle doit être considérée dans la liquidation de la succession et influera par essence sur les droits des héritiers.
1ere Civ, 25 mai 2016 pourvoi N°15-14.863 rappelle ainsi qu’il convient de procéder au rapport ou à la réduction de donations faites par préciput et hors part avant de statuer sur le recel.
Pour décider que M. Michel Y. avait commis un recel portant sur les donations de la nue-propriété de la villa d’Antibes et des biens et droits immobiliers situés résidence Clamart à Compiègne, l’arrêt avait retenu que le donataire les avait dissimulées à M. Jean-Claude Y. en vue de les soustraire au rapport à la succession et de rompre l’équilibre du partage au détriment de ce dernier.
la Cour de cassation estime qu’en statuant ainsi, après avoir relevé que ces donations avaient été consenties par préciput et hors part, ce qui en excluait le rapport, et alors qu’elle n’avait pas constaté qu’elles étaient réductibles, la cour d’appel a violé l’article 778, alinéa 2, du code civil. Elle souligne que la sanction prévue par ce texte n’est applicable à l’héritier donataire que si le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible.
II Présentation de 1 ere Civ, 25 mai 2016 pourvoi N°15-14.863
Déchéance partielle et cassation partielle
Succession
Demandeur(s) : Mme Jacqueline X..., veuve Y...
Défendeur(s) : M. Michel Y...
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Guy Y... est décédé le 20 mars 2007, laissant pour héritiers son épouse, Mme X..., légataire de l’universalité, en usufruit, de sa succession, leur fils, Michel, légataire de la quotité disponible et un fils né d’une première union, Jean-Claude ; que des difficultés se sont élevées pour la liquidation et le partage de la succession ;
Sur la déchéance du pourvoi, en ce qu’il est dirigé contre l’arrêt du 5 février 2015, relevée d’office, après avis donné aux parties :
Attendu que Mme Y... et M. Michel Y... se sont pourvus en cassation contre l’arrêt du 5 février 2015, en même temps qu’ils se sont pourvus contre l’arrêt du 30 octobre 2014 ;
Mais attendu qu’aucun des moyens contenus dans le mémoire n’étant dirigé contre l’arrêt du 5 février 2015, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu’il est formé contre cette décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, en ce qu’il critique le chef de l’arrêt concernant le recel du compte bancaire ouvert au Crédit mutuel du Luxembourg :
Attendu que Mme Y... et M. Michel Y... font grief à l’arrêt de dire que ce dernier s’est rendu coupable de recel du compte bancaire ouvert au Crédit mutuel du Luxembourg et dit, en conséquence, qu’il est déchu de ses droits sur la moitié du solde créditeur du compte bancaire, à la date du 20 mars 2007, augmenté des fruits et revenus produits par ce compte depuis cette date ;
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations de la cour d’appel qui a souverainement estimé que M. Michel Y... avait dissimulé l’existence du compte bancaire dans le but de rompre, à son profit, l’égalité du partage ; qu’il ne peut donc être accueilli ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme Y... et M. Michel Y... font le même grief à l’arrêt ;
Attendu que Mme Y..., qui n’a pas été déclarée coupable de recel successoral, est usufruitière de l’universalité de la succession et bénéficie, à ce titre, des fruits et revenus produits par les fonds déposés sur le compte bancaire litigieux ; que, dès lors, les demandeurs au pourvoi sont sans intérêt à critiquer le chef de l’arrêt ayant décidé que M. Michel Y... est déchu de ses droits sur les fruits et revenus produits par ce compte bancaire ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur les quatre moyens du pourvoi incident, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche et sur le second moyen du même pourvoi, pris en sa première branche, qui est recevable, en ce qu’ils critiquent le chef de l’arrêt concernant le recel des donations de la nue-propriété de la villa d’Antibes et des biens et droits immobiliers situés résidence Clamart à Compiègne, et réunis :
Vu l’article 778, alinéa 2, du code civil ;
Attendu que la sanction prévue par ce texte n’est applicable à l’héritier donataire que si le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible ;
Attendu que, pour décider que M. Michel Y... a commis un recel portant sur les donations de la nue-propriété de la villa d’Antibes et des biens et droits immobiliers situés résidence Clamart à Compiègne, l’arrêt retient que le donataire les a dissimulées à M. Jean-Claude Y... en vue de les soustraire au rapport à la succession et de rompre l’équilibre du partage au détriment de ce dernier ;
Qu’en statuant ainsi, après avoir relevé que ces donations avaient été consenties par préciput et hors part, ce qui en excluait le rapport, et alors qu’elle n’avait pas constaté qu’elles étaient réductibles, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu’il est dirigé contre l’arrêt du 5 février 2015 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que M. Michel Y... s’est rendu coupable de recel successoral s’agissant de la donation en nue-propriété de la villa d’Antibes qui lui a été consentie le 14 décembre 1999, de la donation en nue-propriété des biens et droits immobiliers situés Résidence Clamart à Compiègne qui lui a été consentie les 22 et 25 mars 1995, et dit que M. Michel Y... est déchu de ses droits sur la nue-propriété de ces biens, l’arrêt rendu le 30 octobre 2014, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Douai
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris