I- L'application du recel successoral ne peut concerner que les "héritiers universels"
L’article 778 du code civil modifié par la Loi 2009-526 du 12 mai 2009 vise le recel de succession comme suit:
« Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession. »
S’agissant d’un « délit » civil, il suppose l'existence, d'un élément matériel et d'un élément intentionnel, de la même façon que tout délit pénal. Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation.
L'élément matériel du recel ne pourra être commis que par un héritier, un légataire universel ou un donataire et suppose que la personne prenne part directement à la succession et intervienne en tant qu'héritier universel.
A contrario, un légataire particulier, étranger à la masse ne sera pas concerné.
II- Qui sont les "non receleurs"?
A) Les héritiers non réservataires
Ceux qui ont reçu des libéralités non rapportables ou non réductibles en l'absence d'héritiers réservataires 1ère Civ , 26 janvier 2011, pourvoi N°09-68.368
Cet arrêt censure au visa de l'article 792 du code civil.
Cet arrêt sanctionne la cour d'appel d'Aix en Provence,laquelle dans un arrêt du 12 mai 2009 a a condamné Mme Y. légataire à titre universel en vertu d'un testament authentique suite au décès de la de cujus survenu le 12 août 2004, à la peine civile du recel successoral sur la somme de 164.795,58 € aux motifs que les légataires à titre universel appelés par testament à la succession du défunt ne sont pas tenus réciproquement à rapport des donations dont ils ont bénéficié, mais qu’en revanche, les peines édictées par l’ancien article 792 du code civil s’appliquent à toute personne appelée à une succession en vertu d’un titre universel, ce qui est le cas de Mme Y. appelée à succéder en qualité de légataire à titre universel.( de la moitié de la succession).
C'est cette dernière motivation que censure la cour de cassation.
Les libéralités consenties par la défunte à Mme Y. n’étaient ni rapportables, ni, en l'absence d'héritier réservataire, susceptibles d'être réductibles, de sorte que leur dissimulation ne pouvait être qualifiée de recel successoral.
Pour la haute juridiction, la censure s'impose au visa de l'article 792 ancien du code civil, antérieur à la Loi N°2006-728 du 23 juin 2006
Ayant opté pour l'usufruit de la totalité de la succession, le conjoint survivant qui a la jouissance de ces biens dès l'ouverture de la succession ne dispose pas de droits de même nature que ceux des autres héritiers, de sorte qu’il n’y a pas lieu à partage entre elle et ces derniers et que la dissimulation des fonds ne peut être qualifiée de recel successoral.
B) Le conjoint héritier qui opte pour l'usufruit, en présence d'autres héritiers réservataires
C'est à cette situation que 1ère Civ, 29 juin 2011, pourvoi n°10-13.807 vient de répondre.
PAS DE RECEL SUCCESSORAL POUR LE CONJOINT HERITIER QUI OPTE POUR L'USUFRUIT
Lorsque le conjoint, bénéficiaire d'une donation au dernier vivant a opté pour la succession en usufruit, les héritiers peuvent-ils lui demander de réintégrer des biens ou des sommes d'argent, dans la succession en se fondant sur le recel successoral ? NON
« en l'absence d'indivision entre l'usufruitier et les nus-propriétaires, dont les droits sont de nature différente, il ne peut y avoir lieu à partage entre le premier et les seconds ; qu'ainsi, faute de partage, le conjoint commun en biens survivant usufruitier de la totalité de la succession de son époux précédé ne peut commettre un recel d'un effet de la succession au préjudice des héritiers, ceux-ci n'ayant de droit qu'en nue-propriété dans la succession de leur auteur ». Ici, la Cour reproche à la cour d’appel de Montpellier d’avoir décidé que Mme Y... s'est rendue coupable du recel d'une somme de 60.979,61€ dépendant de la succession de son époux prédécédé peu important l'option successorale choisie. Alors même que celle-ci « ne pouvait fausser les opérations de partage à son profit dans la mesure où, en raison de l'option choisie en exécution de la donation entre époux du 13 juin 1980, elle était seule usufruitière de l'intégralité des biens successoraux ».
Demeurant à votre disposition
Maître HADDAD Sabine
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