L'article 778 du code civil vise la définition et les sanctions applicables.
« Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »
I- Une sanction appliquée au cas par cas et appréciée souverainement par les tribunaux
Il appartient aux tribunaux d'analyser l'élément matériel de soustraction ou dissimulation destiné à tronquer, tromper et truquer les opérations de partage.
L'élément moral de la volonté de frauder, de la mauvaise foi sera aussi apprécié, à défaut de quoi le tribunal pourrait ordonner le simple rapport ou la réduction d'une donation omise ( à supposé de bonne foi).
Tout est question de fait.
Dans ces dossiers les expertises sront souvent ordonnées et très importantes pour la suite des débats.
Mieux vaut s'armer car la preuve incombe à celui qui argue du recel.
Cass. 1ere Civ, 20 juin 2012 pourvoi N° 11-17.383
Les deux cohéritiers qui, par des manœuvres frauduleuses, divertissent une somme d'argent dépendant de la succession de leur père ont chacun connaissance du recel commis par l'autre, de sorte qu'ils doivent être l'un et l'autre privés de tout droit sur cette somme.
Ainsi un héritier ne peut être privé de sa part dans les biens ou droits successoraux qui ont été recelés ou divertis par un autre cohéritier.
Il appartient au Tribunal de Grande Instance du lieu d’ouverture de la succession de statuer sur ces situations, avec représentation obligatoire par un avocat.
La procédure est certes longue et coûteuse, mais nécessaire pour rentrer dans ses droits.
II- Présentation des sanctions
A) La perte des droits sur le bien recelé et des dommages et intérêts
1°- perte de la faculté de renoncer ou d’accepter la succession à concurrence de l’actif net.
Il s’agit de la perte de l’option successorale Le receleur ne pourra plus refuser ou accepter une succession à concurrence de l’actif net.
Ainsi, si la succession est déficitaire, il devra en assumer les charges.
2° perte des droits sur la part des objets divertis ou recelés.
B) Le rapport à la masse successorale.
1°- En cas de recel de donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation, sur laquelle il aura perdu ses droits.
L'héritier est ainsi privé des biens qu'il a détournés, qui sont intégralement attribués aux autres héritiers (article 778 du Code civil).
Une cour d'appel a même pu ajouter une sanction fiscale à la sanction civile : en taxant l'héritier receleur des droits de succession sur la part de l'actif qu'il a perdue du fait de sa condamnation pour recel. Cour d'appel de Paris du 27 juin 2008, n° 07-7708, 1e ch. sect. B.
La question de la somme d’argent recélée
Une somme recélée devra être soustraite de l’actif successoral pour être exclusivement partagée entre les autres héritiers 1 ere Civ, 6 juin 2012, N° de pourvoi 10-27668
Cette somme ne sera pas incluse dans l’actif à partager et partagée entre l’héritier ou les héritiers victime(s) du recel .
La question de l’absence de rapport d’un bien acheté avec l’argent recélé
1ère Civ, 8 octobre 2014, pourvoi N°13-10074 a jugé que :
les biens acquis au moyen de sommes provenant de donations de sommes d’argent dissimulées par l’un des cohéritiers et constitutives de recel successoral n’ont pas à être restitués dans le cadre du règlement de la succession .
Ainsi l’héritier victime d’un recel successoral pourra obtenir la restitution de la donation de la somme d'argent dissimulée en valeur, et non celle des biens que cette dernière a permis d’acquérir.
La question de la valorisation de la somme à la valeur du bien avait déjà été posée
1ère Civ, 30 septembre 2009, pourvoi N°08-16601
« ayant constaté que la donation consentie par la défunte à son fils avait porté sur une somme d'argent et non sur les actions que les deniers avaient permis d'acquérir, la cour d'appel en a exactement déduit que les héritiers demandeurs ne pouvaient prétendre, au titre d'un recel successoral, à la restitution des actions et dividendes ; que le moyen n'est pas fondé"
Pour la cour si le recel résulte de la dissimulation d'une donation de deniers employés à l'acquisition d'un bien, le receleur est redevable d'une somme représentant la valeur actuelle du bien,
2°- L'obligation de restituer tous les fruits et revenus perçus sur l’objet recelé.}
1ère Civ, 31 octobre 2007, pourvoi N°06-14-399.
C'est à bon droit que la cour d'appel a fait courir les intérêts au taux légal sur chacune des sommes recélées à compter de leur appropriation injustifiée.
L'article 778 du code civil stipule que..." l'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession."
C) Des poursuites pénales envisageables cumulatives
Il n'est pas exclu qu'une plainte pour faux, vol, escroquerie ou abus de confiance soit déposée.
Le recéleur encourra une peine d'amende et/ou de prison ainsi qu'une inscription de la condamnation à son casier judiciaire.
D) L'action paulienne des créanciers lésés
Cette action est destinée à rendre inopposable l'acte constitutif de recel.
Elle permettra à un créancier d'attaquer l'acte fait par son débiteur lorsque ce dernier aura agi en fraude de ses droits.
Une action rapide s'impose toujours lorsque le recel est constaté avec l'accompagnement d'un avocat spécialisé et sérieux.
Dans l'attente une demande d'apposition des scellés peut être portée devant le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est ouverte la succession qui statuera par ordonnance sur requête, ou l'établissement d'un inventaire précis peuvent parfois éviter des surprises désagréables.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine