Dans un précédent article, "Les deux options ouvertes à l'administration pour éloigner un étranger." je me suis penchée sur l'état actuel des options ouvertes à l'administration pour éloigner un étranger en situation irrégulière: l'arrêté de reconduite à la frontière ou l'Obligation de quitter le territoire.
Dans cette publication, j'envisagerai les conséquences d'un recours à l'encontre d'un APRF ou d'une OQTF.
I- Le recours suspensif de la mesure d'éoignement n'est pas exclusif d'un placement en rétention administrative.
L'étranger, ne pourra être éloigné tant que le tribunal administratif n'aura pas statué dans les trois mois, à compter de sa saisine.
Il pourra choisir , si deux ou plusieurs recours sont introduits à la fois contre le refus de séjour, l'OQTF et/ou la décision fixant le pays de renvoi, qu'ils seront lenregistrés de façon unique et seront instruits de façon commune.
A) La prise d'un APRF fondement du placement en rétention administrative
La rétention doit permettre dans un temps strictement nécessaire à l’organisation du départ de l’étranger, à l’administration de le faire auditionner par son consulat pen vue déterminer sa nationalité. Une fois reconnu, d'obtenir un laissez-passer de son ambassade, d'autant plus utile, lorsqu’aucun passeport ou titre émanant des autorités du pays n' aura été présenté.
Il appartient à l'administration d'effectuer toutes démarches utiles pour organiser le départ et d'en justifier...
Cependant, toute personne qui dissimulerait volontairement son identité s’exposerait aux sanctions pénales de l’article L 621-4 du CESEDA. (3 ans de prison et interdiction du territoire).
B) Le recours contre une OQTF ne fait pas obstacle au placement en rétention administrative.
Seule sera suspendue la mesure d’éloignement, jusqu’à ce que le président du tribunal statue (environ trois mois).De la même façon tant que le président du Tribunal administratif ne statuera pas sur un APRF, la mesure est suspendue...
Autrement dit tout recours à l’encontre d’une OQTF suspend l’exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative...
Concrètement cela paraît contradictoire. Partir ou rester ?
La préfecture qui décidera de placer en rétention devra néanmoins en informer le tribunal administratif et patienter jusqu’à ce que le juge ait statué sur le recours avant de procéder à l’éloignement.
Dans ce cas précis, le tribunal administratif statuera seulement sur la légalité de l’OQTF, dans un délai de 72 heures, soit avant même la sortie de l’étranger de rétention qui peut y être maintenu jusqu’à 32 jours.
Si l’OQTF date de plus d’un an, elle est toujours exécutable mais la préfecture ne pourra plus légalement placer l’étranger en rétention administrative.
L’appel de la décision devant la Cour administrative d’appel est de UN MOIS. Il n’est pas suspensif, ce qui implique qu’une mesure d’éloignement pourra être exécutée...
II- L'impossibilité de l'éloignement dans des circonstances légales précises
A) Sans prise d'un APRF ou d'une OQTF, pas d'éloignement.
B) A défaut d’avoir pu organiser le départ, à l’issue des 32 jours de rétention, la préfecture devra relâcher la personne .
Ainsi, en cas d’absence de laissez-passer, malgré les relances administratives ou de vol disponible susceptible de reconduite.
Il appartiendrait alors à la personne relâchée de quitter le territoire par ses propres moyens car elle demeurera toujours irrégulière, susceptible d’être contrôlée de nouveau et de se voir placer en rétention administrative.
Même situation pour une personne, assignée à résidence pour avoir justifié de garanties de représentation (passeport en cours de validité remis à un service de police ou de gendarmerie, adresse...) à qui il appartiendra de partir contre remise du passeport au départ.
En pratique, cela est un leurre puisque la très grande majorité d'étrangers restera sur le territoire...(situation dramatique pour ceux qui auront une famille en France )
C) Une personne non reconductible au sens de l’article L 511-4 du CESEDA ne pourra être contrainte à partir...
Le juge administratif chargé du contentieux des étrangers, ne manquerait pas de sanctionner une mesure (OQTF, APRF) visant les personnes visées dans l’article L 511-4 du CESEDA.
C’est pour cela que sa saisine dans le délai légal de UN MOIS reste essentielle pour obtenir l’annulation d’une telle mesure sur laquelle il sera statué dans un délai en général de TROIS mois, mais qui au regard de l’engorgement des tribunaux pourrait être allongé. Ainsi :
Il résulte de l’article L 511-4 du CESEDA qu’une catégorie de personnes ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière. Ce texte fondement de la saisine du Tribunal administratif sera rappelé in extenso :
« 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ;
2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;
3° (Abrogé) ;
4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant"
5° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;
6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ;
7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;8
8° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger relevant du 2°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ;
9° L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;1
10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;
11° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1. En outre, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière pour l'un des motifs prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1 l'étranger ressortissant d'un pays tiers qui est membre, tel que défini à l'article L. 121-3, de la famille d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse.
Conclusion :
Toute personne, qui réclamera sa régularisation à l'appui de pièces de situation, doit savoir qu’elle pourra être exposée, en cas de rejet, à une OQTF portant mesure d’éloignement et à une expulsion par le biais d’une rétention administrative.
Action et réaction sans perdre de temps s'imposeront dans ces types de procédures liées à l'urgence du départ.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions complémentaires.
Me HADDAD Sabine