I- Pas de récompense entre époux si l’emprunt a été remboursé avec des fonds communs
A) Le fonctionnement de ce régime…
1°- Les 3 masses de biens à distinguer
En l’absence de contrat de mariage, les époux sont mariés sous le régime légal, de la communauté réduite aux acquêts.
L'actif de la communauté se compose de 3 masses de biens :
-les biens communs acquis ensemble ou séparément durant le mariage, y compris les gains et salaires des époux et les fruits et revenus des biens propres non consommés, les créances cessibles. (articles 1401 et 1403 du code civil)
- les biens propres de chaque époux qui sont
a) Les biens propres par nature (article 1404 du code civil)
b) Les biens présents ou biens propres par origine (article 1405, alinéa premier, du code civil;ceux dont les époux avaient la propriété ou la possession avant la célébration du mariage.
c) Les biens futurs (article 1405, alinéa 1 et 2 du code civil) acquis pendant le mariage par succession, donation ou legs
d) Les biens propres par accession (articles 551 et suivants et 1406, alinéa 1, du code civil)
La propriété du sol emportant celle du dessus et du dessous
e) Les biens propres par accessoire (article 1406, alinéa 1 du code civil) acquis avec l'intention de les affecter à un bien propre dont ils sont dans la dépendance économique
f) Les biens acquis par subrogation à un bien propre (articles 1406, alinéa 2, et 1407 du code civil) par emploi ou remploi
Les dettes de chacun des époux, contractées pendant le mariage, obligent l'ensemble de la communauté.
Les gains et les salaires de chaque conjoint ne peuvent être saisis par le créancier de l'autre (sauf pour les dépenses d'entretien du ménage ou d'éducation des enfants).
L'emprunt et le cautionnement n'engagent les biens de la communauté que s'ils ont été consentis par les deux époux.
2°- L’indivision post communautaire lors du divorce
En cas de divorce, de séparation de corps, les biens communs sont séparés en deux parts égales.
Les époux en attente de liquidation sont dans une situation d’indivision post communautaire,( postérieurement à la date de l’ordonnance de non conciliation, sauf date antérieure au jour de la cessation de la cohabitation et de la collaboration visée dans la décision du jaf pour les divorces contentieux).
Cela signifie que les sommes rentrées après la date de l’ONC,comme les salaires seront des propres et que l’époux qui aura payé des échéances d’emprunts sur un bien commun pourra demander à l’autre une indemnité du montant des sommes versées correspondant à la moitié. 1ère Civ 26 janvier 2011,pourvoi N°09-72422)
B) … explique l’absence de récompense en cas de paiement avec des fonds communs
De ce fait, même si un époux a alimenté seul la communauté avec ses gains, salaires et a remboursé l’emprunt immobilier portant sur un bien commun, aucun remboursement ne lui sera dû.
Cet époux qui aura alimenté la communauté au-delà de sa contribution aux charges du mariage, ne peut prétendre à rien puisque ses revenus sont des fonds communs.
C’est ce qui a été jugé par 1ère Civ,9 février 2011, pourvoi N°0972656
A fortiori, une indemnité perçue par un couple marié sous le régime légal issue d’une assurance invalidité destinée à compenser les mensualités d’un prêt et la perte de revenus, n’aura pas le caractère d’un propre, en réparation d’un préjudice corporel mais rentrera en communauté.
Tout achat effectué avec une partie de cette somme rentrera dans la communauté, 1 ère Civ, 14 décembre 2004,pourvoi N°02-16110
II- Une récompense envisageable si la communauté a remboursé l’emprunt portant sur un bien propre du conjoint
Les biens propres sont constitués des biens possédés antérieurement avant le mariage ou acquis par succession ou donation.
Un époux qui aurait profité de l’argent commun sur un bien propre lui appartenant ( ex travaux d’amélioration, emprunt portant sur un bien propre, construction d’une maison sur un terrain en propre qui appartiendra en propre à l’époux propriétaire du terrain ) sera redevable d’une indemnité à la communauté appelée récompense, qui reviendra à verser la moitié de l’indemnité à l’époux lesé lors du divorce
L’article 1437 du code civil dispose:
« Toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense »
La plus value apportée au bien, permettra de faire réévaluer la récompense eu égard à cette plus value apportée.
1ère Civ, 28 octobre 2009,pourvoi N°08-13540
La plus value procurée par le bien en matière de financement de travaux sera prise en compte.
1ère Civ, 3 février 2010,pourvoi N°08-21054
La récompense en matière de remboursement d’emprunts tiendra compte de la fraction du capital remboursé par le couple,mais hors intérêts d’emprunts.
En effet, les intérêts d’emprunts de propres n’ouvrent pas droit à récompense.
Ils sont à la charge de la communauté 1 ère Civ, 31 octobre 1992, pourvoi n° 90-17212.si bien que le paiement des intérêts d'un emprunt, par des deniers communs, n'ouvre pas droit à récompense au profit de la communauté ;
La communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont à la charge de la jouissance de ces biens.
Cependant l'époux qui aurait acquitté les annuités d’un emprunt propre avec des fonds qui lui sont propres disposera d'une créance contre son époux sur la fraction du capital (puisque les masses propres sont visées ici)
Pour déterminer la récompense due par un époux, en cas de règlement des échéances de l'emprunt souscrit pour la construction d'un bien qui lui est propre, il y a lieu d'avoir égard à la fraction ainsi remboursée du capital, à l'exclusion des intérêts, qui sont une charge de jouissance :
La communauté a droit à récompense pour le capital mais pas pour les intérêts tenus pour des charges usufructuaires.
Un compte sera donc à faire lors de la liquidation.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris