I Analyse de 1 ere Civ, 21 octobre 2015 N° de pourvoi: 14-21337
A) Rappel sur le sens du droit de retour
Ce droit suppose que se trouvent dans la succession des biens que le défunt avait reçus par succession ou par donation ( biens de famille) de ses ascendants appartenant à la ligne du défunt. (ainsi quand le défunt n’a pas de descendants directs).
L’intérêt de ce mécanisme a pour but d’éviter qu'un bien de famille donné à un enfant par ses parents ne soit attribué à un étranger ou au conjoint de cet enfant défunt, et puisse retourner chez le donateur.
Ce droit est opéré par priorité en nature, obligeant le conjoint ou le légataire à restituer les biens.
Lorsque le bien a été vendu ou bien ne peut être partagé, le retour se fera en valeur, (argent) dans la limite de l'actif de la succession qui s'imputera en priorité sur les droits successoraux du ou des parents.
1°) Le droit de retour légal
Les parents dont un enfant décède sans descendances disposent d’un droit de retour légal et automatique sur les biens donnés à leur enfant sans descendance.
Rappelons qu’ils ne sont pas des héritiers réservataires, bénéficiant de droits minimum sur héritage comme les enfants par exemple.
Article 738-2 du code civil
« Lorsque les père et mère ou l'un d'eux survivent au défunt et que celui-ci n'a pas de postérité, ils peuvent dans tous les cas exercer un droit de retour, à concurrence des quote-parts fixées au premier alinéa de l'article 738, sur les biens que le défunt avait reçus d'eux par donation.
La valeur de la portion des biens soumise au droit de retour s'impute en priorité sur les droits successoraux des père et mère. «
Lorsque le droit de retour ne peut s'exercer en nature, il s'exécute en valeur, dans la limite de l'actif successoral.
Que retenir ?
a) Le père ou la mère peuvent demander chacun le retour à hauteur de un quart des biens donnés chacun.
Ils ne peuvent renoncer à ce droit de retour LEGAL qu’après le décès,si bien qu'une renonciation à un droit de retour conventionnel avant le décès sera sans conséquence.
C’est la situation envisagée par l’arrêt commenté.( voir B) 1°)
b) Le droit de retour des frères et sœurs dans la succession du défunt
Ils peuvent récupérer les biens donnés au défunt par leurs parents communs à hauteur de la moitié de ces biens en nature, à condition qu'ils existent encore dans le patrimoine du défunt.
Quid en présence du conjoint survivant ?
a- lorsque ce dernier a vocation à l'intégralité de la succession ( pas de parents), il doit faire retour des biens précités aux frères et sœurs du défunt ou aux descendants de ces derniers.
Les biens doivent être remis aux frères et sœurs appartenant à la ligne dont faisaient partie les ascendants desquels ils venaient.
b- Lorsque le conjoint survivant recueille les trois-quarts de la succession (prédécès de la mère ou du père),le retour doit s’opérer aux frères et sœurs du défunt appartenant à la ligne du père ou de la mère prédécédé(e), ou à leurs descendants, desdits biens.
2°) Le droit de retour conventionnel
Le donateur peut envisager dans l'acte authentique de donation, qu'en cas décès du bénéficiaire avant lui, le bien lui retournera.
En effet rappelons qu’un retour conventionnel peut aussi être envisagé dans les actes de donation entre parents et enfants par le biais d’une clause notariée.
Ainsi en interdisant la vente du bien pour éviter toute polémique sur la valeur du retour.
Fiscalement, ce droit de retour conventionnel n’engendrera pas d’impôt.
B) Les principes réaffirmés par la jurisprudence
1°) Les biens d’un enfant décédé sans descendance retournent légalement à ses parents même s’ils y avaient renoncé.
1 ere Civ, 21 octobre 2015 pourvoi N° 14-21337 ( notre arrêt)
En l’éspèce un couple avait ont consenti à leur fille donation d’ une maison d'habitation et d’un terrain, avec un droit de retour conventionnel en cas de décès de la donataire sans postérité
Ils avaient ensuite renoncé à ce droit par acte sous seing privé, alors que postérieurement leur fille, donataire était décédée laissant un testament léguant à son frère la totalité de ses biens et à ses parents l'usufruit de ceux qu'ils lui avaient donnés
C’est dans ce contexte que les parents ont invoqué la nullité du testament et le droit de retour légal des père et mère .
Les premiers juges ont donné raison au fils légataire et débouté les parents
Censure de la cour de cassation car le droit de retour légal instauré par l’article 738-2 du code civil est un droit de nature successorale, si bien qu’on ne peut y renoncer avant le décès et les opérations d’ouverture de la succession.
Autrement dit si les parents avaient renoncé au droit de retour conventionnel avant le décès, ils bénéficiaient encore du droit de retour légal après le décès.
2°) L'héritier renonçant est assimilé à l'héritier prédécédé
1ère Civ, 16 septembre 2014 pourvoi N°13-16.164
L'héritier renonçant est censé n'avoir jamais été héritier. Il en résulte qu'un descendant renonçant ne peut faire obstacle au droit de retour qu'il soit légal ou convenu au cas de prédécès du donataire.
3°) L’héritier renonçant ne peut s’opposer au de droit retour puisqu’il est censé ne rien avoir eu
Déjà 1re Civ, 23 mai 2012, pourvoi n° 11-14.104 cassation sans renvoi a jugé que:
Celui qui renonce à héritage est censé n'avoir jamais reçu de biens de la part de son parent défunt.
Il ne peut donc s'opposer au droit de retour des dons, légal ou conventionnel, demandé par le donateur, suite au décès du donataire. C'est le principe que vient d'adopter la Cour de cassation.
… lorsqu'un parent a assorti sa donation d'un droit de retour, la renonciation à la succession des descendants du bénéficiaire est sans effet sur l'exercice de son droit de retour.
II Présentation de 1 ere Civ, 21 octobre 2015 N° de pourvoi: 14-21337
Cassation partielle
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 2 septembre 1998, M. et Mme X... ont consenti à leur fille, Viviane, une donation portant sur une maison d'habitation et un terrain, l'acte stipulant un droit de retour en cas de décès de la donataire sans postérité ; que, par acte sous seing privé du 26 août 2008, les donateurs ont renoncé à ce droit ; que Viviane X... est décédée le 16 décembre 2008 en laissant ses père et mère pour lui succéder et en l'état d'un testament léguant à son frère la totalité de ses biens et à ses parents l'usufruit de ceux qu'ils lui avaient donnés ; que M. et Mme X... ont invoqué la nullité du testament et le droit de retour légal des père et mère ;
Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 738-2 du code civil, ensemble l'article 722 du même code ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que, lorsque l'enfant donataire est décédé sans postérité, le droit de retour institué au profit de ses père et mère s'exerce dans tous les cas sur les biens que le défunt avait reçus d'eux par donation ; que, s'agissant d'un droit de nature successorale, il ne peut y être renoncé avant l'ouverture de la succession ;
Attendu que, pour rejeter la demande des époux X... tendant à ce que les biens ayant fait l'objet de la donation consentie à leur fille soient exclus de l'actif successoral, l'arrêt retient que la loi autorise les conventions relatives au droit de retour légal ou conventionnel en reconnaissant expressément la possibilité de convenir de clauses ayant pour objet soit de renforcer, soit de supprimer le droit de retour, et qu'en l'espèce les donateurs ont renoncé à leur droit de retour conventionnel postérieurement à la donation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la renonciation des donateurs au droit de retour conventionnel était sans effet sur le droit de retour légal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en celles de ses dispositions qui déboutent M. et Mme Michel X... de leur demande d'exclure du legs universel de M. Pascal X... les biens immobiliers sis à Saint-Pierre-de-Buzet, l'arrêt rendu le 17 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. Pascal X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. et Mme Michel X..., Mmes Chantal et Martine X..., la somme totale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Demeurant à votre disposition par le biais des consultations juridiques
Me HADDAD Sabine