Le renouvellement de la période d'essai ne peut résulter que d'un accord exprès des parties intervenu au cours de la période initiale, même si les dispositions conventionnelles prévoient une simple information du salarié.
C'est ce que vient de nous rappeler la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt de rejet du 12 juillet 2010, pourvoi : 09-41875 (premier moyen)
En conséquence, le salarié qui n'a pas donné son accord écrit au renouvellement de la période d'essai n'est pas présumé l'avoir accepté, de sorte que la rupture du contrat du travail intervenue au cours de la seconde période s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans deux précédents articles consacrés à la période d'essai, je me suis penchée sur cette question.
"L'embauche à l'éssai: une période à laisser ?"
http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/embauche-essai-periode-laisser-1484.htm
"La fin de l'essai le salarié délaissé ?"
http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/essai-salarie-delaisse-1486.htm
I- Soc 12 juillet 2010 va dans la lignée de la Jurisprudence de 2009.
A) rappel: le contrat ne peut contenir une disposition moins favorable que la convention collective et suppose un renouvellement exprès
Déjà la cour de cassation avait pu rappeler que le contrat de travail ne peut contenir une disposition moins favorable que la convention collective.
Le renouvellement de la période d’essai dès l’origine ne peut résulter que d’un accord exprès des parties au cours de la période initiale et non d’une décision unilatérale de l’employeur Cass soc. 11 mars 2009, pourvoi n° 07-44090 .
B) La vigilance et la rigueur dans l'appréciation d'un renouvellement clair et non équivoque de l'essai au delà de la signature.
La vigilance est de mise puisque a été jugé par Soc 25 novembre 2009, pourvoi n°08-43.008.
« Le renouvellement ou la prolongation de la période d’essai doit résulter d’un accord exprès des parties et exige une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié ne pouvant être déduite de la seule apposition de sa signature sur un document établi par l’employeur »
Désormais, il appert que la simple signature d’un salarié apposée en bas d’un document portant renouvellement ne suffira pas forcément à établir son acceptation expresse et non équivoque. Il faudra donc envisager de faire porter des mentions claires et précises avant de faire signer son salarié :
« Lu et approuvé, bon pour renouvellement de la période d’essai pour une durée de X mois, Bon pour accord de façon claire et non équivoque... »
II rappel des quatre conditions exigées pour le renouvellement de l'essai
A) Le renouvellement doit être unique et intervenir au cours de la période initiale.
L’article L. 1221-21 du code du travail : « La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement. La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
- 4 mois pour les ouvriers et employés ;
- 6 mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
- 8 mois pour les cadres.
B) un accord ou une convention de branche doit prévoir cette possibilité, et fixer les conditions et les durées de renouvellement.
Soc 2 juillet 2008, pourvoi n°40-07132 ; « ...Mais attendu que la cour d’appel, qui a relevé que la possibilité de renouvellement de la période d’essai n’est pas prévue par l’article 1 de l’annexe I "Cadres" de la convention collective de la confiserie-chocolaterie- biscuiterie, a exactement décidé que la clause du contrat de travail prévoyant un tel renouvellement est nulle, d’où il résulte que la rupture du contrat de travail intervenue postérieurement à l’expiration de la période d’essai de trois mois s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la moyen n’est pas fondé « .
Soc 25 février 2009, pourvoi n° 07-40155 : Lorsque la convention collective ne prévoit pas la possibilité de renouveler la période d'essai, la clause du contrat de travail prévoyant son éventuel renouvellement est nulle quand bien même la durée totale de la période d'essai renouvelée n'excéderait pas la durée maximale prévue par la convention collective » est devenu la Loi ( article L 1221-21 précité)
C) Le renouvellement doit être nécessairement porté dans le contrat ou la lettre d’embauche.
D) Le renouvellement doit être accepté de façon claire et non équivoque au risque pour l’employeur de se voir condamner pour rupture abusive du contrat de travail
La cour de cassation exige une volonté claire et non équivoque.
( voire I-B) Soc 15 mars 2006, pourvoi n° 04-46406.
Je reste à votre entière disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris
ANNEXE DU PREMIER MOYEN statué par Soc 12 juillet 2010
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 23 février 2009), que M.X a été engagé en qualité d'ingénieur commercial à compter du 9 août 2004 par la société Télécom Italia France, aux droits de laquelle se trouve la société Free ; que le contrat de travail stipulait une période d'essai de 3 mois, renouvelable une fois et comportait une clause de non-concurrence, à laquelle l'employeur pouvait renoncer à condition d'en informer le salarié "dans les 15 jours de la notification de la rupture du contrat de travail si le préavis est effectué ,ou en l'absence d'exécution du préavis au jour de la la rupture du contrat de travail" ; que, par lettre du 29 octobre 2004, l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article 4-2-3 de la convention collective informé le salarié du renouvellement de la période d'essai, expirant le 8 novembre 2004, pour une nouvelle durée de 3 mois, expirant le 8 février 2005 ; que,le 18 janvier 2005, l'employeur a notifié au salarié la fin de la période d'essai, avec un délai de prévenance conventionnel de deux semaines, expirant le 8 février 2005 ; que, le 20 janvier 2005, il l'a informé qu'il le déliait de la clause de non-concurrence ; nationale des télécommunications, applicable en la cause,
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à des indemnités, alors, selon le moyen, que le renouvellement de la période d'essai est licite dès lors qu'il est autorisé par la convention collective applicable ; que, dans une telle hypothèse, les conditions du renouvellement sont celles fixées par l'accord collectif ; que l'article 4-2-3 de la convention collective des télécommunications prévoit que «le renouvellement éventuel de la période d'essai doit être notifié au salarié par écrit au plus tard avant le terme de la période initiale à l'initiative de l'une ou l'autre des parties» ; qu'au cas présent, l'article 3 du contrat de travail conclu entre la société Télécom Italia France et M. X... stipulait que la période d'essai initiale de trois mois pourrait être renouvelée une fois par l'employeur ; qu'il résultait de ces dispositions conventionnelles et contractuelles que le renouvellement pouvait intervenir par décision unilatérale de l'employeur avant le terme de la période d'essai ; qu'en jugeant néanmoins que le renouvellement de la période d'essai devait nécessairement faire l'objet d'un accord exprès du salarié, la cour d'appel a violé l'article 4-2-3 de la convention collective des télécommunications, ensemble les articles L1231-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que le renouvellement de la période d'essai ne peut résulter que d'un accord exprès des parties intervenu au cours de la période initiale, même si les dispositions conventionnelles prévoient une simple information du salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;