RETRACTATION DU PROMETTANT DE LA PROMESSE DE VENTE : QUELLES SANCTIONS ?
Cette question nous est souvent posée afin de savoir quelle sanction encourir le cas échéant en cas de rétractation du promettant avant ou après la levée de l’option par le bénéficiaire.
A la différence des promesses synallagmatiques de vente où chacune des parties s’engage mutuellement, l’une à vendre, l’autre à acheter, dans la promesse unilatérale, seul le promettant s’engage à vendre.
Le bénéficiaire n’est pas tenu de conclure le contrat définitif, il est titulaire d’une option qu’il est libre d’exercer ou non.
Sommes nous en présence d’une violation contractuelle ?
Il est acquis que la promesse unilatérale de vente est un consentement à la vente et non une obligation, comme il n’y a pas de rencontre de volonté la réalisation forcée de la vente est impossible, si bien que la rétractation du promettant entraînera sa condamnation à des dommages-intérêts au profit du bénéficiaire.
La troisième chambre civile et la chambre commerciale de la cour de cassation ont aligné leur jurisprudence : pas d’exécution forcée, mais des dommages et intérêts
I-Les jurisprudences essentielles en la matière
- La rétractation du promettant antérieurement à la levée de l’option par le bénéficiaire dans les délais de la promesse
Celle-ci empêche la formation de la vente et ne peut être sanctionnée que par l’allocation de dommages-intérêts appréciés souverainement par les tribunaux
Pour la doctrine la sanction efficace aurait été d’ignorer la rétractation du promettant en procédant à l’exécution en nature de la promesse sur le fondement de l’article 1134 du code civil qui consacre la force obligatoire du contrat
Elle considère que le promettant s’etant définitivement engagé à vendre le bien à la seule condition que le bénéficiaire leve l’option pendant le délai contractuellement fixé ; de ce fait son conséquent, est irrévocable et sa rétractation considérée comme inexistante.
Pourtant telle n’a pas été la position de la Cour de cassation qui sanctionne sur l’obligation de faire l’obligation d’un promettant lequel ne doit accomplir aucune prestation positive et n’a strictement rien à faire !
1°) La jurisprudence de la troisième chambre civile
Celle-ci est intervenue en matière de promesse de vente d’immeuble et rend ainsi la force d’une promesse bien relative
3ème Civ 15 décembre 1993 ,pourvoi N° 91-10.199
La Cour de Cassation a pour la première fois reconnu que la rétractation du promettant dans une promesse unilatérale de vente, avant que le bénéficiaire ne lève l'option, est fautive mais efficace.
La rétractation empêche la rencontre des volontés, et donc la naissance du contrat. Seuls des dommages et intérêts peuvent être alloués, et non la condamnation en exécution forcée, car il s'agit de la violation d'une obligation de faire de maintenir sa promesse dans les termes de l’article 1142 du code civil aux termes duquel les obligations de faire ne peuvent se résoudre qu’en dommages et intérêts
Dans le même sens Cass. 3ème Civ,26 juin 1996 pourvoi N°94-16.326
3ème Civ 28 octobre 2003, pourvoi N°02-14.459 refuse encore l'exécution forcée de la vente en cas de rétractation du promettant avant la levée d'option (...)
Cette jurisprudence a été confirmée par 3ème Civ, 11 mai 2011 pourvoi n° 10-12.875 : le bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente ne peut obtenir que des dommages-intérêts même s’il a levé l’option avant l’expiration du délai fixé dans la promesse
Pas d’exécution forcée de la promesse malgré la rétractation du promettant
2°) La position de la chambre commerciale
Com, 13 septembre 2011, pourvoi n° 10-19.526, Société Vectora c/ Société Française de gastronomie a confirmé la jurisprudence de la troisième Chambre civile précitée
En l’espèce, une promesse d’achat et de vente avaient été signées entre deux sociétés en 2005. L’une de ces sociétés s’était engagée envers l’autre société à lui vendre sa participation dans une société. L’option pouvait être levée par le bénéficiaire entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009. Suite à divers conflits le promettant s’est retracté le 5 mars 2007,si bien que le bénéficiaire a levé son option le 7 janvier 2008 et l’a assigné en exécution forcée de la vente.
Pour la Cour d’appel de Paris la vente était parfaite à la date de levée de l’option car l’offre du promettant était irrévocable en l’absence de disposition dans la promesse de vente autorisant la rétractation de celui-ci avant le 1er janvier 2008
Cassation au visa des arrêts 1101, 1134 et 1583 du Code civil car la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée.
- La rétractation du promettant postérieurement à la levée de l’option par le bénéficiaire
Ici le contrat est formé car,la rencontre des volontés a eu lieu.
Article 1101 du code civil
Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.
Article 1134 du code civil
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Article 1583 du code civil
La vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
Le bénéficiaire peut obtenir le constat judiciaire de la conclusion de la vente 3ème Civ, 13 octobre 1999, pourvoi N°97-21.779
En cette matière le bénéficiaire se tentera de prouver qu’il avait levé l’option avant la rétractation de son cocontractant et que sa volonté de réaliser la vente était non équivoque.
On se trouve alors en présence d’une promesse synallagmatique de vente sous condition suspensive 3ème Civ, 6 décembre 2005, pourvoi N°04-18.325
3ème Civ 25 mars 2009 pourvoi N° 08-11326 Le contractant victime d'une inexécution conserve sa faculté d'opter entre l'exécution et la résolution tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande initiale par une décision passée en force de chose jugée
II- Quelles conséquences tirer de ces jurisprudences ? La necessité de prévoir des clauses contractuelles précises s’impose
Plusieurs types de clauses sont concevables :
A) une clause d’exécution forcée précise
afin d’assurer une pleine efficacité des engagements
Cass. 3ème Civ, 27 mars 2008, pourvoi N° 07-11.721.consacre la possibilité pour les parties d'insérer dans une promesse unilatérale de vente une clause d'exécution forcée en nature, ce qui ouvre de nouvelles perspectives aux praticiens, notamment en matière de cessions de titres.
B) une clause pénale à effet comminatoire pour sanctionner l’inexécution
Cette clause permet d’une part de prévoir des indemnités supérieures à celles accordées par les tribunaux, et d’autre part, d’inciter le promettant à exécuter sa promesse.
Même si celle-ci pourrait être diminuée dans son quantum si elle est manifestement excessive, son montant aura un effet incitatif.
C) une clause de dédit
Cette clause permettrait au promettant de revenir (donc de se rétracter librement) sur son engagement moyennant le versement d’une certaine somme et de ne pas exécuter son engagement moyennant le paiement d’une somme).
Le juge ne pourra pas diminuer les indemnités de dédit, sauf à requalification.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant I C I
Sabine HADDAD
Avocat au barreau de Paris