Le compte bancaire « joint » est ouvert au nom de plusieurs titulaires appelés cotitulaires (époux, concubins, amis…)
Il est intitulé Monsieur X ou Madame Y, par exemple
S’il peut être géré simplement avec une seule signature, il engendre une solidarité entre les cotitulaires, indiquée lors de son ouverture dans la convention de compte que chacun signera , si bien que chacun d’eux sera codébiteurs solidaires, et donc redevables du solde débiteur du compte.
I Compte joint et solidarité des cotitulaires
Chaque cotitulaire peut disposer seul des sommes, effectuer des retraits ou émettre des chèques.
A contrario, s’il a des dettes personnelles, ses créanciers peuvent effectuer une saisie sur le compte joint.
A) La présomption de propriété
Toutes sommes déposées sur un compte joint sont réputées appartenir par parts égales aux cotitulaires.
1°- une présomption générale et simple, particulièrement intéressantes en cas de mariage
La solidarité d’un compte joint résulte de la convention entre cotitulaires et banquier, laquelle n'est pas opposable aux tiers.
De ce fait il est facile de démontrer que les sommes figurant sur un compte joint appartiennent par parts égales aux cotitulaires.
Une libéralité faite sur un tel compte sera présumée faite aux deux, sauf preuve contraire.
Par contre, la volonté d'un donateur de favoriser plus volontiers l’un des cotitulaires par le biais d’un don manuel sur le compte joint, devra être prouvée au jour de la donation.
Ainsi, lorsque des parents auront effectué des versements sur le compte joint d'époux mariés sous un régime communautaire, il sera difficile pour le fils de prétendre que cette libéralité lui a été faite personnellement. Celle-ci pourra être considérée comme faite aux deux époux conjointement (pour moitié à chacun).
B) Lors du décès de l’un des cotitulaires
Les fonds figurant sur le compte joint sont présumés appartenir conjointement aux déposants par parts égales et dépendre de la succession de chacun d’eux (article 753 du code général des impôts).
C) Le paiement du solde débiteur
1° - cass 1ére Civ, 6 mars 1996 a estimé qu’une épouse doit à la banque la moitié des sommes débitrices dans la mesure où elle est aussi titulaire du compte avec son époux.
C'est l'application pure et simple de la solidarité des cotitulaires .
2°- la responsabilité solidaire dans l’interdiction bancaire liée à l'émission de chèques sans provision
L’interdiction bancaire visera ici les cotitulaires sur le compte joint, et tous les autres comptes individuels, sauf si un chèque sans provision a été émis postérieurement à la dénonciation du compte par l’un des cotitulaires. Dans ce cas, elle ne visera que la personne.
D) La fin de la solidarité par la volonté de désolidarisation
1°- par une information de la banque émanant d'au moins un des cotitulaires
ce dernier manifestera sa volonté de se désolidariser du fonctionnement du compte joint, ce qui entraînera un effet immédiat.
La banque avisera l’autre titulaire de cette volonté.
2°- ... cela aboutira au fonctionnement du compte sous signature indivise ( des deux).
II La saisie des sommes portées au compte joint
A) Lorsque la saisie est pratiquée sur un compte joint, elle est dénoncée à chacun des titulaires du compte.
2 eme Civ,7 juillet 2011,pourvoi N°: 10-20923 a jugé que :
" le défaut de dénonciation de la saisie-attribution au cotitulaire d'un compte joint sur lequel porte la mesure d'exécution n'est pas susceptible d'entraîner la caducité de celle-ci ».
Lorsqu'un compte, même joint, alimenté par les gains et salaires d'un époux commun en biens, fait l'objet d'une mesure d'exécution forcée ou d'une saisie conservatoire pour le paiement ou la garantie d'une créance née du chef du conjoint, il est laissé immédiatement à la disposition
de l'époux commun en biens une somme équivalant, à son choix, au montant des gains et salaires versés au cours du mois précédant la saisie ou au montant moyen mensuel des gains et salaires versés dans les douze mois précédant la saisie.
A tout moment, le juge de l'exécution peut être saisi par le conjoint de celui qui a formé la demande.
Si les noms et adresses des autres titulaires du compte sont inconnus de l'huissier ou de l'agent d'exécution, ceux-ci demandent à l'établissement qui tient le compte de les informer immédiatement de la saisie et du montant des sommes réclamées.
B) La limitation des effets de la saisie
1°- l’insaisissabilité légale
ex demande de mise à disposition des sommes correspondant au dernier salaire.
Certaines sommes sont insaisissables. Il s'agit des prestations familiales, des prestations en nature de l'assurance maladie, du RSA, de l'allocation de solidarité spécifique…
Le titulaire du compte bancaire saisi doit justifier de l'origine de ces sommes et demander à sa banque la levée de leur saisie.
2°- l’insaisissabilité des fonds qui n’appartiennent pas en totalité au débiteur.
Deux textes sont importants:
L’article 1415 du code civil dispose :
« Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres. »
L’article 1402 du code civil :
« Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi. »
Chacun des époux, dans le cadre du régime matrimonial légal, ne peut donc engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement contracté sans le consentement exprès de l’autre conjoint. (art 1415 du code civil qui protège la communauté.
Ce texte est impératif 1ère Civ, 3 mai 2000, pourvoi N° 97-21592
Citons quelques jurisprudences importantes en la matière qui démontrent que sous peine d'encourir une mainlevée de la saisie sur un compte joint , il appartient au créancier de démontrer que les fonds qui s'y trouvent proviennent exclusivement du conjoint débiteur.
Les sommes versées sur le compte joint d'époux mariés sous le régime de la communauté légale sont des acquêts de la communauté et donc des biens communs aux époux.
De ce fait une saisie attribution sur un compte joint émanant du créancier d'un seul époux lié par un emprunt ,ne peut prospérer.
1ère Civ, 23 octobre 2013, pourvoi N°12-27.836
Attendu qu'ayant relevé qu'il ressortait des pièces du dossier que le prêt avait été consenti personnellement à M. X..., et constaté que les fruits et revenus produits par une société dont M. X... était associé, créée durant le mariage, avaient été versés sur le compte joint des époux, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a, par ce seul motif, jugé, à bon droit, que ces dividendes avaient constitué des acquêts de la communauté des époux, de sorte que les sommes déposées sur le compte bancaire objet de la saisie-attribution étaient des biens communs aux époux et étaient insaisissables ; que le moyen, qui en sa deuxième branche critique un motif surabondant, ne peut être accueilli ;
1ère Civ, 20 mai 2009 ,pourvoi N° 08-12922
Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 1315 et 1538, alinéa 1er et 3, du code civil, ensemble l'article 620, alinéa 2, du code de procédure civile;
Attendu que, lorsque le créancier d'un époux marié sous le régime de la séparation des biens fait pratiquer une saisie sur un compte ouvert au nom des deux époux, il lui appartient d'identifier les fonds personnels de l'époux débiteur.
Attendu que, pour valider la seconde saisie du Crédit Mutuel, l'arrêt attaqué, après avoir visé l'article 1415 du code civil applicable en régime de communauté, énonce qu'une saisie-attribution peut être pratiquée sur un compte bancaire ayant deux titulaires dont l'un des deux n'est pas débiteur, qu'il appartient alors à celui qui n'est tenu d'aucune solidarité avec le débiteur saisi d'établir que les sommes figurant au compte joint lui appartiennent et que Mme X... ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier que le compte, objet de la saisie, était alimenté par les revenus de chacun des époux;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au Crédit Mutuel de démontrer que les fonds déposés sur le compte ouvert au nom des époux X..., séparés de biens, étaient personnels à M. X..., son débiteur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les deux premiers textes susvisés
1ère Civ,17 janvier 2006, pourvoi N°02-20636
Au visa de l'article 1415 du code civil, elle rejete considérant que:
"...la cour d'appel a décidé à bon droit, sans violer le principe de la contradiction et sans se prononcer par des motifs dubitatifs, que les sommes déposées sur les comptes litigieux étaient présumées communes en vertu de l'article 1402 du Code civil et que, faute par la SMC, sur laquelle pesait la charge de la preuve contraire, d'identifier les revenus de M. X..., elles étaient insaisissables."
1ère Civ, 17 février 2004 pourvoi N° 02-11.039
" ... en statuant comme elle l’a fait, après avoir relevé que le compte, objet de la saisie, était alimenté par les fruits des biens communs ainsi que par les revenus des époux et qu’il n’était pas établi que le solde créditeur saisi provenait des seuls revenus du mari, la cour d’appel a violé l’article 1415 du Code civil... ".
1ère Civ,3 avril 2001, pourvoi N° 99-13733 pour un compte objet alimenté par les revenus des deux époux, il a été statué « faute pour le créancier d’identifier les revenus de l’époux débiteur, que ce compte n’était pas saisissable »
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris