I- La remise en cause des principes et de la Jurisprudence par l'article 41 de la loi sur la fraude fiscale
A) Le principe : Avant la loi : la créance éventuelle de l'assurance vie non dénouée est insaisissable ( sauf acceptation du bénéficiaire)
1°) Le principe légal
La base juridique de l’insaisissabilité est liée au fait que l'assurance-vie est un contrat juridique spécifique considéré par le Code civil comme une stipulation pour autrui",
Ce principe suppose que l'assuré n'est plus propriétaire des sommes versées dans son contrat. (article 1121 du code civil), que les sommes appartiennent à l'assureur, et que le souscripteur n'a qu'un droit de créance vis-à-vis de la compagnie.
De ce fait les capitaux sont réputées revenir au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) en cas de décès.
Certaines situations très particulières autorisaient une saisie des créanciers du souscripteur.
--Exemple: en cas de rachat par le souscripteur (ce qui permet de faire rentrer les sommes capitalisées dans son patrimoine et autorisent le fisc à saisie
--Ex en cas de remboursement de primes reconnues manifestement exagérées eu égard aux facultés du soucripteur (art. L 132-13, al. 2 et L 132-14 du Code des assurances) qui portent atteinte à la réserve et permet de faire réintégrer lesdites primes dans l’actif de succession.
--Ex en cas de requalification du contrat en donation :2ème Civ, 23 octobre 2008 :
Mais attendu qu'un contrat d'assurance vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable
--Ex en cas de recel successoral ou de fraude destinée à organiser son insolvabilité : l'action paulienne des créanciers en leur nom personnel, est recebavle pour les actes souscrits par leur débiteur en fraude de leurs droits (art. 1167 du Code civil). 1re Civ, 19 septembre 2007, pourvoi N° 06-14.550
--Ex l’article 706-155 al 2 du code de procédure pénale crée par la LOI n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale qui autorise la saisie d’un contrat d’assurance dans le cadre d’une enquête pénale jusqu'au jugement définitif sur le fond.
Je renverrai le lecteur à mes articles consacrés au thème de lé réintégration de l'assurance vie à l'actif successoral.
2°) La jurisprudence
1 ere Civ,8 avril 1998, pourvoi N° 96-10.333 a statué sur une demande de main levée d’un Avis à Tiers Détenteur sur un contrat d’assurance:
« Il résulte des articles L132-8, L 132-9 , L 132-12 et L 132-14 que tant que le contrat n’est pas dénoué, le souscripteur étant seulement investi du droit personnel, sauf acceptation du bénéficiaire désigné, de faire racheter le contrat d’assurance et de désigner ou de modifier le bénéficiaire de la prestation, nul créancier n’est en droit de se faire attribuer ce que le souscripteur ne peut recevoir. Justifie dès lors légalement sa décision, la cour d’appel qui, pour ordonner la main levée de l’avis à tiers détenteur notifié en cours de contrat à l’assureur par l’administration des impôts, retient que ce dernier n’était pas débiteur de son assuré à la date de l’avis » Même sens 2ème Civ 10 février 2011, pourvoi N°10-12.172
1ère Civ 2 juillet 2002, pourvoi N°99-14.819 :
L'avis à tiers détenteur, qui entraîne le transfert au profit du Trésor public de la propriété de la créance saisie, n'est pas applicable aux créances éventuelles.
Tant que le contrat d’assurance-vie n'est pas dénoué, le souscripteur est seulement investi, sauf acceptation du bénéficiaire désigné, du droit personnel de faire racheter le contrat et de désigner ou modifier son bénéficiaire. Dès lors, aucun créancier du souscripteur n'est en droit de se faire attribuer ce que ce dernier ne peut lui-même recevoir
L’article 706-155 al 2 du code de procédure pénale a été interprété strictement par
Crim, 30 octobre 2012, pourvoi N°12-84.961 qui a considéré que cette procédure particulière était exclusive de toute autre et interdisait l’appréhension directe des fonds investis entre les mains de l’organisme gestionnaire, même lorsqu’il pouvait être établi qu’ils constituaient le produit direct ou indirect de l’infraction.
Elle a invalidé une saisie ordonnée sur contrat d’assurance vie, dans la mesure où celle-ci entraîne la suspension des facultés de rachat, de renonciation et de nantissement de ce contrat, ainsi que l'interdiction de toute acceptation postérieure du bénéfice dudit contrat, l'assureur ne pouvant plus consentir d'avances au contrat.
B) Les saisie "autorisées" sur les contrats d'assurance-vie
1°) Elles visent les créances fiscales
Le droit de saisir les contrats d’assurance-vie est réservé à l'administration fiscale, à l'exclusion des autres créanciers ( sauf exceptions relatées plus haut.)
Ces derniers ont-ils seulement droit au remboursement des primes (articles L132-13 et L132-14 du Code des assurances).
2°) Elles visent les actes de saisie suivants :
- l'avis à tiers détenteur, pour le recouvrement des créances d’impôts,en principal, pénalités ou frais accessoires ;
- les oppositions à tiers détenteur, pour le recouvrement des recettes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;
- les saisies à tiers détenteur, pour le recouvrement des produits divers de l'État ;
- les oppositions administratives, pour le recouvrement forcé des amendes et condamnations pécuniaires ( ex PV de stationnement).
II Les contrats d’assurance-vie sont saisissables ou confiscables
A) La possibilité de saisir les contrats d’assurance-vie rachetables en euros ou en unités de compte
1°) Il faut entendre par là les contrats rachetables d' assurances vie assimilées à une épargne détenue par le souscripteur individuels ou collectifs.
Dans tous les cas, la somme saisissable est limitée à la valeur de rachat des droits à la date de notification de la saisie.
La saisie peut s'exercer même si la possibilité de rachat fait l'objet de limitations,
ex dans les contrats groupe qui envisagent la possibilité de rachat dans la limite de 20 % et dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle de l’adhérent.
2°) restent insaisissables tous les contrats non rachetables :
- les assurances temporaires en cas de décès,
- les rentes viagères immédiates ou en cours de service,
- les assurances de capitaux de survie et de rente de survie,
- les assurances en cas de vie sans contre-assurance,
- les rentes viagères différées sans contre-assurance.
B) La possibilité de confisquer judiciairement les contrats d’assurance-vie dans le cadre d'une enquête pénale.
Désormais la loi sur la fraude fiscale prévoit que:
« La décision définitive de confiscation d'une somme ou d'une créance figurant sur un contrat d'assurance sur la vie, prononcée par une juridiction pénale, entraîne de plein droit la résolution judiciaire du contrat et le transfert des fonds confisqués à l'État.
Ainsi ont été modifiés divers textes du code de la mutualité (L. 160-9 et L 223-29) et du code de la sécurité sociale (article L. 932-23-2 ) en ce sens.
Je reste à votre entière disposition par le biais des consultations en ligne pour toute précision.
Maître HADDAD Sabine