Suite au décès, les héritiers disposent de plein droit la possession de tous les biens de la succession (article 724 al 1 du code civil )
On dit qu’ils ont la "saisine" des biens du défunt sans avoir besoin de demander l’envoi en possession ou la délivrance....
» Le mort saisit le vif par son hoir le plus proche "
Concrètement, les héritiers, le conjoint survivant et en l'absence d'héritiers réservataires le légataire universel appréhendent la succession par le seul fait du décès et peuvent donc, dès ce moment prendre possession du logement du défunt, et utiliser tous ses biens.
Ils disposent de l’universalité de l’hérédité et à ce titre sont fondés à agir pour réclamer les biens de leur auteur et poursuivre seuls les actions du défunt 1re Civ, 25 avril 2007 N° pourvoi N° 05-14.793.
Cette saisine confère aux héritiers un droit de prise de possession indépendante de la décision d'accepter ou de renoncer à la succession, un droit de propriété sur les biens du défunt.
A l’inverse, si un héritier renonce ultérieurement à la succession, il perdra les droits issus de sa possession que lui avait conféré la saisine.
A contrario les légataires et le cas échéant l'Etat , lorsque la succession est vacante, devront "se faire envoyer en possession"
Le caractère obligatoire de ces formalités varie à la fois en fonction du type de testament et de la qualité du légataire.
I- Le type de legs comme condition de la demande de prise de possession
La réserve est la part du patrimoine du défunt que les héritiers "réservataires" vont automatiquement se partager, alors que la quotité disponible est ce qui reste et peut être librement utilisée par le défunt.
C’est de cette quotité disponible qui permet, de disposer d'une partie de ses biens, par legs ou donations, à défaut de quoi la succession sera partagée automatiquement entre les différents héritiers, suivant leur ordre et leur degré.
A) Le legs Universel
Le légataire a vocation à recueillir l'intégralité du patrimoine actif et passif.
Article 1003 du code civil
Le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès.
B) Le legs à titre universel
Le légataire a vocation à recueillir une quote-part du patrimoine (tous les meubles, tous les immeubles, une fraction de vos biens...). Le legs à titre universel n'a pas vocation à s'accroître en cas de renonciation d'un co-légataire.
Cette renonciation bénéficie aux héritiers ab intestat.
Article 1010 du code civil
Le legs à titre universel est celui par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu'une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier. Tout autre legs ne forme qu'une disposition à titre particulier.
C) Le legs particulier
Le légataire a vocation à recevoir un bien déterminé. Là encore la renonciation d'un légataire n'accroît pas la part des autres.
Article 1014 al 1 du code civil
Tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée, droit transmissible à ses héritiers ou ayants cause…"
Lorsque le légataire a également la qualité d'héritier, il n'a pas, en principe, besoin de demander la délivrance de son legs.
La question de savoir comment recevoir son ou ses bien(s) légué(s) ou transmis par testament sera traitée dans les II et III.
II- Demande de "délivrance de legs" sans formalité judiciaire lorsque le légataire n'est pas un héritier et envoi en possession…
Les héritiers désignés par la loi qui seraient également légataires, ainsi que le conjoint survivant sont dispensés de demander la délivrance de leur legs, sauf nuance au III-A).
Ils peuvent prendre possession des biens pour exercer leurs droits.
Cette opération n'est soumise à aucun formalisme et peut être tacite.
En général la délivrance du legs sera constatée par un acte sous seing privé ou notarié surtout s'il y a des biens immobiliers ( ex elle figurera dans une attestation immobilière ou un acte de partage).
A) La demande de délivrance du legs
1°- du légataire universel
-- en présence d'héritiers réservataires, le légataire universel doit demander la délivrance des biens aux héritiers réservataires
Article 1004 du code civil
Lorsqu'au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament.
-- S'il ne se trouve pas en présence d'héritiers réservataires : la solution varie en fonction de la forme du testament.
° Ainsi, si le testament qui l'institue est authentique, aucune autorisation n'est nécessaire.
° Si le testament qui l'institue est olographe ou mystique, le légataire doit demander à être envoyé en possession. III-
2°- du légataire à titre universel
Il doit demander la délivrance des biens aux héritiers réservataires, à défaut au légataire universel et à défaut aux héritiers légaux
Article 1011 du code civil
Les légataires à titre universel seront tenus de demander la délivrance aux héritiers auxquels une quotité des biens est réservée par la loi ; à leur défaut, aux légataires universels et, à défaut de ceux-ci, aux héritiers appelés dans l'ordre établi au titre Des successions.
Cette demande n'est toutefois soumise à aucun formalisme, elle peut être tacite si ce n’est un acte notarié établi après la demande de délivrance, surtout s’il y a des biens immobiliers.
En général cette opération juridique sera constatée par un acte sous seing privé ou un acte notarié (par exemple : la délivrance figure dans une attestation immobilière ou un acte de partage). Elle permet au légataire de prendre possession de son bien pour exercer ses droits.
3°- du légataire particulier,
Le bénéficiaire d'un legs particulier comme le bénéficiaire du legs à titre universel est toujours tenu d'en demander la délivrance des biens aux héritiers ou aux autres légataires...
Article 1010 al 2 du code civil
« …Néanmoins le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu'à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l'ordre établi par l'article 1011, ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie. »
En cas de refus de délivrance par les héritiers, le légataire doit s’adresser au Tribunal de Grande Instance du lieu d’ouverture de la succession.
B) La notion d'envoi en possession
1°- Pour le légataire universel ?
L'envoi en possession s'accomplit par requête devant le Tribunal de Grande Instance avec l'aide d'un avocat.
L’appréciation de la validité des dispositions testamentaires, est soumise au juge car en effet un testament olographe ou mystique présentera toujours moins de garanties qu’un testament notarié.
Le juge contrôle l’absence d’héritier réservataire, la présence d’un legs universel, la validité apparente du testament et le respect des règles formelles.
Après avoir contrôlé la validité du testament, il rendra une ordonnance d'envoi en possession,laquelle sera ensuite déposée chez le notaire dépositaire du testament.
L'ordonnance d’envoi en possession permet de prendre effectivement possession des biens légués.
-- lorsque le testament est olographe ou mystique et qu’il n’y a pas d’héritier réservataires,
OU
-- lorsque le légataire universel n'est pas le seul héritier
Il sera toujours souhaitable de demander la délivrance (en cas de testament authentique) ou l'envoi en possession, aux autres héritiers réservataires (descendants conjoint) sauf s’il est légataire et seul héritier légal de la succession.
La cour de cassation a statué sur la situation du légataire universel, héritier partiel (avec d’autres réservataires) de la succession afin de savoir s’il devenait propriétaire des biens légués dès le décès de son auteur, testateur ? La réponse est NON.
1ere Civ, 6 mai 2009 ;pourvoi n° 07-21.149
La double qualité de légataire universel et d’héritier réservataire ne confère pas à elle seule, en présence d’autres héritiers réservataires, un droit de propriété privative sur les biens dépendant de la succession ; ayant relevé que les consorts X avaient sollicité le partage de la succession de leur mère, ce dont il se déduit qu’ils avaient agi en réduction du legs universel, et que Christian n’avait pas usé de sa faculté de choix à l’égard du tableau avant la vente de celui-ci, la cour d’appel en a justement déduit que le tableau était demeuré sous le régime de l’indivision successorale lors de sa licitation et que son prix de vente devait être réparti entre les héritiers en fonction de leurs droits respectifs
Il s'agit de faire vérifier son titre en le présentant au juge qui s'assure que les conditions exigées par le code civil sont remplies, et qu'il ne porte pas atteinte à la réserve héréditaire.
1ère Civ,29 février 2012, pourvoi N°10-27.332 a jugé que:
L’ordonnance d’envoi en possession du legs apparent ne peut constituer la chose jugée quant à la reconnaissance de l’écriture du testament ; dès lors, la cour d’appel a énoncé à bon droit que, lorsque le légataire universel a obtenu l’ordonnance d’envoi en possession prescrite par l’article 1008 du Code civil et qu’il n’existe pas de circonstances rendant le testament suspect, la charge de la preuve de la fausseté des écrits d’un testament olographe incombe à l’héritier non réservataire qui conteste le testament ; qu’est sans portée le grief tiré de ce qu’elle n’avait pas constaté le caractère définitif de l’ordonnance intervenue pour se prononcer sur la sincérité de l’écriture et de la signature du testament.
2° Pour le légataire à titre universel et le légataire particulier si le testament n’est pas authentique.
La demande d'envoi en possession s'imposera.
Rappelons qu'ils doivent demander la délivrance de leur legs lorsqu’il y a des héritiers réservataires (descendants, conjoint...).
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine