I-La jouissance temporaire du logement et du mobilier durant une année : un droit d'ordre public
Donc sans avoir à en faire la demande, un droit automatique.
Article 763 du code civil
"Si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit.
Si son habitation était assurée au moyen d'un bail à loyer ou d'un logement appartenant pour partie indivise au défunt, les loyers ou l'indemnité d'occupation lui en seront remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à mesure de leur acquittement.
Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux.
Le présent article est d'ordre public."
Si, au moment du décès, le conjoint survivant occupe, à titre de résidence principale, un logement appartenant aux époux, ce logement et le mobilier lui est attribué gratuitement pendant une période d'un an.
S'agissant d'un avantage matrimonial, cette occupation gratuite n'est pas soumise aux droits de succession.
Soit le logement est loué, soit il appartient au défunt ou à l’indivision.
A) le remboursement des loyers par prélèvement sur la succession ( hors charges)
Si le logement occupé à titre d'habitation principale fait l'objet d'un bail, ou s'il appartenait pour partie au défunt, les loyers ou, le cas échéant, l'indemnité d'occupation, doivent être remboursés au conjoint, au fur et à mesure de leur acquittement.( ex mensuelement)
Le conjoint qui prélèverait ses loyers sur les biens de la succession automatiquement encourerait les peines du recel de succession 1 ere Civ,20 juin 2012,pourvoi N°11-12122
B) Le droit d'occupation temporaire si le logement familial est possédé par le défunt seul ou en indivision.
A contrario, ce droit n’existe pas si le bien au moment du décès était propriété du défunt et de tiers dans l’indivision ( ex maison familiale)
Une veuve s’est ainsi vue refuser cette occupation temporaire, sur un logement propriété indivise de son défunt mari et de la fille de ce dernier lors du déces 1 ere Civ, 26 octobre 2011,pourvoi N°72693
Si le logement occupé à titre d'habitation principale était détenu entièrement par le défunt, seul ou par le défunt et le conjoint survivant, ce dernier pourra l'occuper à titre gratuit,
II- L’option pour un droit d’usage et d’habitation viager au-delà d’une année , (jusqu'au décès du conjoint) qui occupait le bien à l'époque du décès.
A) L'option du droit d'usage
1°- Un délai d'option d'une année
A l’issue de l’année, le conjoint survivant dispose d’un droit d'usage et d'habitation sur le logement familial et son mobilier, il peut donc l’occuper jusqu’à son décès.
Ce droit peut être expres ou tacite
Il devra cependant opter pour ce droit d'usage et d'habitation qui succèdera à l'occupation temporaire dans l'année du décès. (article 765-1 du code civil)
Une fois acquis, même en cas de remariage, il garde son droit.
Au-delà de l’année ,
Le conjoint locataire devra payer son loyer lui même.
Si le bien est en indivision, avec un tiers la question de l’indemnité d’occupation se posera prélevée sur la succession.
2°- une option inconcevable dans trois cas
- Ce droit ne s’applique que sur le logement occupé par le couple lors du décès
Une veuve ne pourra le demander sur un studio occupé par la fille du défunt situé au dessous de son appartement 1 ere Civ, 25 septembre 2013, pourvoi N° 12-21569 : le droit d’habitation et d’usage dont dispose le conjoint survivant sur un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession est limité au logement qu’occupait effectivement ledit conjoint à l’époque du décès, de sorte que ce dernier ne saurait revendiquer un droit viager d’habitation sur un autre logement matériellement et juridiquement indépendant
- si le logement était détenu par le défunt en indivision avec un tiers (ex suite à un deuxième mariage).
Ce droit n’est concevable que si le bien appartient au conjoint décédé ou aux deux époux
A contrario si le bien est en indivision entre le défunt et ses enfants issus d’une première union au décès, alors cette option disparaît, sauf à payer une indemnité d’occupation aux enfants avec leur accord.
- par disposition testamentaire : la volonté du défunt prise en compte sous formes strictes
article 764 du code civil
"Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
La privation de ces droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier alinéa est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité, qui continuent à obéir à leurs règles propres...."
Autrement dit la forme suppose que le testament soit reçu par deux notaires ou en présence d’un notaire et de deux témoin
Attention un testament sous forme olographe n’empêchera pas le conjoint de revendiquer le droit viager, contrairement à volonté exprimée 1ere Civ,15 décembre 2010,pourvoi N°09-68076
1ère Civ 15 décembre 2010, pourvoi N°09-68.076 rendu sur le second moyen aux visas des articles 764 et 971 du code civil nous rappelle qu’il résulte de ces deux textes que le conjoint survivant ne peut être privé du droit d’habitation du logement servant d’habitation principale et d’usage du mobilier le garnissant que par la volonté du défunt exprimée dans un testament authentique reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins
Article 765 du code civil
La valeur des droits d'habitation et d'usage s'impute sur la valeur des droits successoraux recueillis par le conjoint.
--Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est inférieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint peut prendre le complément sur les biens existants.
--Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est supérieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint n'est pas tenu de récompenser la succession à raison de l'excédent.
Article 765-2 du code civil
Lorsque le logement faisait l'objet d'un bail à loyer, le conjoint successible qui, à l'époque du décès, occupait effectivement les lieux à titre d'habitation principale bénéficie du droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
B) La demande de conversion du droit d'usage et d'habitation en rente viagère
Article 766 du code civil
Le conjoint successible et les héritiers peuvent, par convention, convertir les droits d'habitation et d'usage en une rente viagère ou en capital.
S'il est parmi les successibles parties à la convention un mineur ou un majeur protégé, la convention doit être autorisée par le juge des tutelles.
La conversion de l'usufruit est comprise dans les opérations de partage.
En principe, elle ne produit pas d'effet rétroactif, sauf stipulation contraire des parties.
Le conjoint peut décider d'exercer ce droit d’usage sur le domicile cjgal
Il dispose d'1 année à compter du décès pour exprimer son choix.
Dans ce cas, la valeur de ces droits s'impute sur celle des droits qu'il recueille au titre de la succession.
Toutefois, si elle excède les droits qu'il recueille au titre de la succession, le conjoint ne doit rien aux autres héritiers.
Ce droit d'usage, au même titre que l'usufruit, peut être converti en rente viagère ou en capital avec l’accord avec des héritiers. Il sera évalué
à défaut d'accord entre les parties, la demande de conversion est soumise au juge.
Elle peut être introduite jusqu'au partage définitif.
S'il fait droit à la demande de conversion, le juge détermine le montant de la rente, les sûretés que devront fournir les cohéritiers débiteurs, ainsi que le type d'indexation propre à maintenir l'équivalence initiale de la rente à l'usufruit.
Cependant, le juge ne peut ordonner contre la volonté du conjoint la conversion de l'usufruit portant sur le logement qu'il occupe à titre de résidence principale ainsi que sur le mobilier le garnissant.
Par ailleurs, l'article 761 du code civil prévoit que par accord entre les héritiers et le conjoint, il peut être procédé à la conversion de l'usufruit du conjoint en un capital.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD
Avocate au barreau de Paris