Suite au divorce, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge... (article 270 du code civil)
Le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère est en droit de lui substituer un capital dès lors qu'il justifie être en mesure de le régler et que l'âge ou l'état de santé du créancier ne fait pas obstacle à une telle substitution.
Ce principe d’un capital forfaitaire a été affirmé par la 1ère Civ, 10 juillet 2013 pourvoi N° 12-13.239 (cassation) au visa de l’article 276-4 du code civil.
Capital, Rente , sous forme mixte, substitution ?
I-Le principe : une prestation compensatoire sous forme de capital.
A) Le rappel textuel
1°- Le capital est le principe
La prestation doit être versée en argent, ou par l’attribution d’un bien en pleine propriété ou en usufruit. Un droit d’usage et d’habitation sur le logement est aussi envisageable
Si l’époux ne dispose pas de la totalité de la somme, le Juge peut l’autoriser à verser le capital en plusieurs échéances, dans un délai maximum de 8 ans.
L’article 274 code civil dispose :
Le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :
1° Versement d'une somme d'argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l'article 277 ;
2° Attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation
2°- La rente est l’exception
L’article 276 du code civil dispose
A titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 271.
Le montant de la rente peut être minoré, lorsque les circonstances l'imposent, par l'attribution d'une fraction en capital parmi les formes prévues à l'article 274.
Cette prestation sous forme de rente à vie, suppose une décision motivée du Juge, lorsque la situation personnelle, l’âge ou l’état de santé du bénéficiaire ne lui permet pas de subvenir à ses besoins.
B) Capital ou rente ?
Dans certaines circonstances, une prestation compensatoire mixte peut être versée. Dans ce cas, une fraction est versée en capital et l’autre fraction est versée sous forme de rente. 1ere Civ, 23 juin 2010, pourvoi N° 09-13.872
1 ere civ,7 novembre 2012 N° de pourvoi: 11-10449 estime qu'ayant relevé que Mme Y., en raison de son âge et de son état de santé, ne pouvait subvenir à ses besoins, la cour d'appel a pu décider, à titre exceptionnel, que la prestation compensatoire serait versée sous la forme d'une rente viagère.
II La substitution d'un capital à la rente sur demande du débiteur après le divorce
- Le principe textuel
Article 276-4 du code civil
Le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge d'une demande de substitution d'un capital à tout ou partie de la rente. La substitution s'effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.
Le créancier de la prestation compensatoire peut former la même demande s'il établit qu'une modification de la situation du débiteur permet cette substitution, notamment lors de la liquidation du régime matrimonial.
Les modalités d'exécution prévues aux articles 274, 275 et 275-1 sont applicables.
Le refus du juge de substituer un capital à tout ou partie de la rente doit être spécialement motivé.
Une telle demande est concavable à tout moment après le divorce.
Pour 1ère Civ, 31 mai 2005, pourvoi N° 03-12.217, a pu interpréter l’article 276-4 du code civil comme imposant au juge de procéder à la substitution dès lors qu’elle est demandée par le débiteur, que celui-ci justifie être en mesure de régler le capital et que l’âge ou l’état de santé du créancier ne fait pas obstacle à une telle mesure.
Pour 1ère Civ, 10 juillet 2013, pourvoi N° 12-13239 le juge aux affaires familiales peut, à la demande du débiteur de la prestation compensatoire, substituer à la rente un capital total ou partiel dont il fixe les modalités de paiement, pourvu que le débiteur justifie être en mesure de le régler et que l'âge ou l'état de santé du créancier ne fasse pas obstacle à une telle substitution.
Cet arrêt tend à affirmer le principe de l’article 270 du code civil, selon lequel la prestation compensatoire a un caractère forfaitaire et prend la forme d’un capital.
Présentation de cet arrêt
Vu l'article 276-4 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère peut, à tout moment, saisir le juge aux fins de statuer sur la substitution à la rente d'un capital déterminé selon les modalités prévues aux articles 274, 275 et 275-1 du Code civil et que le refus du juge de substituer un capital à tout ou partie de la rente doit être spécialement motivé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et M. Y... ont contracté mariage le 6 août 1977 ; qu'un arrêt du 25 juin 2003 a confirmé le jugement ayant prononcé le divorce aux torts partagés des époux et, homologuant l'accord intervenu entre les parties, attribué à l'épouse une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 1.143.368 euros, une rente viagère de 9.147 euros par mois et un droit d'usage et d'habitation net de tous droits sur un appartement d'une valeur de 1.524.000 euros, soit 274.405 euros pour le seul droit d'habitation ; que, le 25 juin 2010, M. Y... a saisi le juge aux affaires familiales d'une demande aux fins de substitution d'un capital de 1.751.790 euros à la rente viagère ;
Attendu que, pour rejeter la demande de substitution, l'arrêt retient que les situations respectives des époux n'ont pas subi de modification depuis la fixation de la prestation compensatoire sous forme de rente et qu'une substitution s'effectuerait au détriment de la créancière dès lors que la sécurité que représente la rente constitue un avantage par rapport aux aléas du placement du capital ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que, à la demande du débiteur de la prestation compensatoire et sauf décision de refus spécialement motivée, le juge substitue à la rente un capital total ou partiel dont il fixe les modalités de paiement, pourvu que le débiteur justifie être en mesure de le régler et que l'âge ou l'état de santé du créancier ne fasse pas obstacle à une telle substitution, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris