La France est le pays de la « réserve », si bien que l'envie de déshériter ses enfants est en principe inconcevable, ceux-ci bénéficiant d'une part minimale sur la succession dite part réservataire.
Notre droit successoral protège en effet enfants et conjoints en leur réservant une part minimum d'héritage, si bien que chaque personne ne peut, disposer librement que de sa "quotité disponible", (le reste de l'héritage).
Cependant divers procédés permettent de limiter voir de déshériter son enfant au profit d'un autre ou d'un tiers.
I-Le legs par testament
A) Le legs de l'intégralité de la quotité disponible
-En présence d'un seul enfant, la part réservataire correspond à la moitié de la succession, l'autre moitié à la quotité disponible.
-En présence de deux enfants, ils se partageront les deux tiers de la succession, le dernier tiers pouvant librement être légué à un tiers.
-Enfin, en présence de trois enfants ou plus, ils auront des droits sur les trois quarts de la succession ,le dernier quart pouvant être légué.
La première façon d'avantager l'un de ses enfants, au détriment des autres, consiste à lui léguer par testament l'intégralité de sa quotité disponible.
Attention, dans ce cas, la personne qui rédige le testament ne pourra pas donner plus à son conjoint ou pacsé survivant, puisque c'est l'enfant qui bénéficiera de la part supplémentaire.
Par cette disposition, si, par exemple, une personne a deux enfants, chacun recevra le jour de sa succession un tiers de son héritage, mais grâce au testament, l'enfant ou le tiers souhaité héritera du troisième tiers.
B) Le legs de tous ses biens à un seul enfant.
Le notaire calculera la part réservataire de chaque héritier, si bien que l'enfant avantagé devra payer une soulte, en liquide, à sa fratrie.
II - L'assurance-vie hors succession pour transmettre des sommes d'argent hors part successorale en bénéficiant d'une fiscalité très favorable.
Elle permet d' avantager l'un de ses enfants, ou un tiers en le désignant bénéficiaire au contrat,
En effet les fonds d'un contrat d'assurance-vie transmis au(x) bénéficiaire(s), sont hors succession
L'article L132-12 du code des assurances dispose:
"Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré"
L'article L 132-13 du code des assurances dispose:
« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »
Seul écueil : la réintégration à l'actif des primes manifestement exagérées pour permettre de faire rentrer le contrat d'assurance-vie dans la succession.
2ème Civ,3 novembre2011, N° de pourvoi: 10-21760 a jugé que lorsque les primes versées dans un contrat d'assurance-vie sont manifestement exagérées, les héritiers du souscripteur sont en droit de demander leur réintégration dans la succession de ce dernier.
Un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité de l'opération.
L'assurance-vie doit être déclarée à l'ISF, si bien que les héritiers savent si la succession contient de tels contrats.
III La vente d'un ou plusieurs bien(s) immobilier(s) en viager au prix du marché
Il conviendra que le prix de la rente et du bouquet soit réel et coresponde bien au prix du marché pour empêcher les héritiers de tout recours
Cela évitera aussi le risque d'une requalification par l'administration fiscale en donation déguisée ou indirecte
Les fausses ventes en viager peuvent être en effet considérées comme des abus de droit.
Au décès, l'acheteur (débirentier ) récupérera la pleine propriété d'un bien immobilier, qui ne rentrera plus dans la succession.
IV La création de SCI avec apport de biens immobiliers et clause de tontine
Pour limiter, non pas en pourcentage, mais en valeur, la part de l’un de ses enfants, vous créez avec un second fils des sociétés civiles et y apportez des biens immobiliers dans ces sociétés + des clauses de tontines dans les statuts.
La conséquence sera qu'à votre décès les parts de la SCI appartiendront automatiquement à ce second fils et ce de manière rétroactive au jour de la création de la SCI.
Cela signifie que juridiquement, à aucun moment les parts n'ont jamais fait partie de votre patrimoine et, donc, de la succession.
Le premier fils gardera son tiers sur votre patrimoine mais lequel aura, au préalable, été amputé des parts de la SCI.
La clause tontinière ou clause d'accroissement dans le cadre d'une société civile, prévoit que le survivant des deux associés sera réputé propriétaire à part entière des parts de la société.
Ce droit de propriété sera fictivement réputé naître à la création de la société.
Pendant toute la durée de vie, le "défunt" sera propriétaire des parts de la SCI ainsi que fils gratifié.
Au bout de plusieurs années définies par exemple dans les statuts, ou à son décès il pourra envisager. que son fils gratfié deviendra juridiqmenet automatiquement propriétaire de ses parts depuis l'origine de la SCI.
Conséquence ces parts seront censées avoir été la propriété du défunt, sans rentrer dans votre patrimoine, donc non dans sa succession puisque seul son patrimoine fait partie de la succession.
Ce schéma peut être remis en cause par le second fils lesé en arguant la fraude à ses droits, d'oPour é^l'importance de bien rédiger les statuts et de justifier des motifs patrimoniaux et non familaux dans la création de la SCI.
V L'expatriation fiscale
A) Par fixation d'une nouvelle résidence dans un pays où la réserve n'existe pas
Exemple en Grande-Bretagne et dans la plupart des pays anglo-saxons de l'ancien Commonwealth (hors Irlande).
Dans le cas d'une succession internationale, la France se base sur le lieu de rattachement pour fixer la loi applicable, par le dernier domicile du défunt.
Une distinction est opérée entre les successions mobilières et les successions immobilières au regard de la situation des biens.
Dans le cas d'une succession internationale en présence de biens immobiliers la loi applicable est celle du lieu de situation physique de l'immeuble.
Dans le cas où l'actif successoral est composé de biens mobiliers la loi désignée par la règle de conflit de lois désigne comme applicable la loi du dernier domicile du défunt 1ère Civ 20 mars 1985, Caron
Prenons un cas concret sur la succession qui s'ouvre dans le pays de résidence.
Le déménagement d'un français à Londres qui aura par testament envisagé de déshériter son ou ses enfants se fera en respect de ses dernières volontés prises en compte, c'est-à-dire sans réserve, et donc sans part minimale.
Par contre pour les biens fonciers situés en France , la loi française trouvera à s'appliquer puisque nous parlons d'immeuble ; sauf à inclure les biens immobiliers dans une SCI, pour que les parts de la SCI ( biens mobiliers) soient soumises à la loi anglo-saxonne qui jouerait par exemple.
B) Le règlement de L'Union Européenne N° 650/2012 adopté par le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen du 4 juillet 2012 applicable le 17 août 2015 pour les successions internationales
La loi applicable en matière de succession internationale va devenir celle du dernier pays de résidence.
Les personnes pourront choisir quel droit leur sera applicable au moment de l'ouverture de leur succession et donc de ce point de vue, pourront écarter les règles civiles de la réserve, ce qui n'a jamais été admis en France.
Ce règlement va concerner tous les Etats membres de l'Union européenne, à l'exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l'Irlande.
L'évolution vers une unification du droit est donc en route, même si le choix donné au défunt de choisir la loi applicable à sa succession a déjà été envisagée par certains pays tels que les Pays-Bas ou la Finlande.
A partir du 17 août 2015 au décès d'un citoyen de l'UE , fera disparaître la distinction française meubles, immeubles exposée plus haut pour connaître le rattachement de la loi, si bien que les règles de succession applicables seront celles de la dernière résidence habituelle, sauf si par testament le défunt avait choisi d'opter pour la loi applicable de son pays d'origine.
Il suffira donc de s'installer dans un pays qui ne connaît pas la réserve héréditaire pour changer de loi applicable en fixant sa dernière résidence habituelle sur le territoire d'un Etat membre, et cela même si le futur défunt aura la nationalité d'un autre Etat, pour que le règlement s'applique.
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Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris