Si les fautes ou griefs invoqués dans une procédure de divorce ou de séparation de corps peuvent être établis par tout mode de preuve reçus sans violence ou fraude, la loi refuse cependant toute déclaration émanant des descendants,et quelqu'en soit la forme. De ce fait les témoignages ou attestations directs relatant les propos tenus par l'enfant sur l'un ou les époux, ne peuvent être produits en justice.
Il faut entendre cette interdiction au sens large.
Alors pourquoi ce témoignage de l'enfant est-il irrecevable ?
Pourquoi les confidences qui lui sont faites sont proscrites et ce qu'il a vu ou entendu en direct interdit aux débats ?
Morale, respect, décence, discernement, risque de manipulation ?
Depuis quand les enfants sont-ils les juges de leurs parents, comme une sorte de juge aux affaires familiales ?
I- L'interdiction textuelle des descendants d'attester sur les fautes de leurs parents et les conséquences.
A) Les textes
L'article 259 du code civil dispose:
Les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l'aveu. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux.
L'article 205 du Code de Procédure Civile dispose:
« Chacun peut être entendu comme témoin, à l'exception des personnes qui sont frappées d'une incapacité de témoigner en justice.
Les personnes qui ne peuvent témoigner peuvent cependant être entendues dans les mêmes conditions, mais sans prestation de serment. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce ou en séparation de corps. »
B) Conséquences liées à l'interdiction
Une attestation émanant d'un descendant au sens large sera écartée et rejetée des débats par le juge aux affaires familiales.
Elle est irrecevable en justice.
Par contre l’enfant pourrait être entendu en justice, sous conditions, dans les procédures qui le concernent.
Par exemple, il pourra être entendu par le juge à propos de l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement.
II-Si l'interdiction des descendants doit s'entendre au sens large
A) Elle vise les enfants du couple: le mineur qui n'a pas la capacité juridique suffisante, mais aussi le majeur.
Article 371 du code civil
« L'enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère. »
Cass 1ere Civ 9 juillet 2014, pourvoi N°13-17804 même en dehors de l’instance en divorce
les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce, et cette prohibition s'applique aux déclarations recueillies en dehors de l'instance en divorce.
En outre, la séparation de fait ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité faisant perdre leurs effets normaux aux torts invoqués.
2ème civ,1er octobre 2009, pourvoi n°08-13167
Sans doute, qu'il faut le protéger dans ce conflit de loyauté et agir au mieux de ses intérêts en évitant de l'impliquer dans un litige matrimonial qui oppose ses parents et est très destructeur psychologiquement.
Lourdes aussi les conséquences psychologiques, dure la prise à partie.
Le risque de la manipulation n'est pas très loin ici.
B) Elle vise les les enfants d'une précédente union d'un des époux,
Il n'y a pas de conditions d'âge car l'interdiction est totale et joue pour tous les descendants (enfants, petits enfants, arrières petits enfants...)
II Présentation de 1ère Civ, 09 juillet. 2014, pourvoi N°13-17804
Dans cet arrêt du 9 juillet 2014, la cour affirme que les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce, que cette prohibition s'applique aux déclarations recueillies en dehors de l'instance en divorce.
En outre, la séparation de fait ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité faisant perdre leurs effets normaux aux torts invoqués.
in extenso:
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a assigné en divorce M. Y... avec qui elle avait contracté une union en 1967 dont sont issus trois enfants ; Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 259 du code civil ;
Attendu que les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce ; que cette prohibition s'applique aux déclarations recueillies en dehors de l'instance en divorce ;
Attendu que, pour prononcer le divorce aux torts exclusifs de M. Y..., l'arrêt se fonde par motifs adoptés sur la plainte déposée par la fille contre son père pour violences et insultes ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Et sur la quatrième branche de ce moyen : Vu l'article 242 du code civil ;
Attendu que, pour débouter M. Y... de sa demande reconventionnelle en divorce, l'arrêt retient par motifs adoptés, que ses allégations concernant les chèques émis par son épouse et le chéquier qu'elle aurait emporté se rapportent à l'épisode de la séparation et non à des faits survenus au cours des quarante-deux ans de mariage ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la séparation de fait ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité faisant perdre leurs effets normaux aux torts invoqués, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier".
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris