I- La notion de communauté de vie et son impact sur le titre de séjour
A) l'obligation de communauté dans le mariage
-En droit de la famille
Le devoir de communauté de vie est visé par l'article 215 ali 1 du code civil dans le cadre du mariage
« Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie.
La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord… »
De ce fait l’abandon du domicile conjugal sera constitutif d’une violation à l’obligation de communauté de vie, et aux devoirs du mariage, à mettre en avant comme grief lors d’un divorce
Ainsi des absences systématiques du conjoint le week-end, qui ne seraient pas imposées par la nécessité, porteraient atteinte à l'obligation de communauté de vie et justifieraient un divorce aux torts partagés ou/exclusifs.
Pour être fautif, l'abandon doit réunir deux conditions posées par l'article 242 du Code Civil
- Une violation grave ou renouvelée des droits et devoir du mariage
- Rendre intolérable le maintien de la vie commune
B) L'impact en droit des étrangers
1°) Article L 313-11-4° du CESEDA
Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :
4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;
2°) Article L 314-9-3°)
La carte de résident peut être accordée :
3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu'il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français.
3°) Article 21-2 du code civil
L’'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France. En outre, le mariage célébré à l'étranger doit avoir fait l'objet d'une transcription préalable sur les registres de l'état civil français.
Le conjoint étranger doit également justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Pour 1ere Civ, 12 février 2014 pourvoi N°13-13.873 la communauté de vie doit s’apprécier aussi au regard des motifs d’ordre professionnel, en respect des dispositions de l’article 108 du code civil. Les époux peuvent de ce fait avoir un domicile distinct, sans qu’il soit pour autant porté atteinte à la communauté de vie.
Ce texte dispose:
"Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie.
Toute notification faite à un époux, même séparé de corps, en matière d'état et de capacité des personnes, doit également être adressée à son conjoint, sous peine de nullité."
II- L' impact des violences constatées sur la délivrance ou le renouvèlement du titre de séjour
A) L'impact des violences
1°) article L 314-5 2°) du CESEDA
Par dérogation aux dispositions des articles L. 314-8 à L. 314-12 la carte de résident ne peut être délivrée à un ressortissant étranger ....2°-marié à un conjoint ressortissant Français qui verrait son union dissoute ou sa communauté de vie effective dissoute ( divorce ou séparation) dans les 4 ans, dans certaines situations.
"La carte délivrée au titre de l'article L. 313-11 donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle.
Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
L'accès de l'enfant français à la majorité ne fait pas obstacle au renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 6° de l'article L. 313-11.
La carte de séjour délivrée au titre de l'article L 313-11-1 ne donne pas droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans l'année qui suit sa première délivrance, sauf si elle est accordée en application du II de cet article et que son bénéficiaire séjourne en France depuis au moins un an."
"Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, l'autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin. La condition prévue à l'article L. 311-7 du présent code n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle.
Le titre de séjour arrivé à expiration de l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, est renouvelé."
4°)Article L431-2 du CESEDA Modifié par LOI n°2014-873 du 4 août 2014 - art. 47
En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement.
Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l'autorité administrative refuse de l'accorder.
Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas si un ou plusieurs enfants sont nés de cette union, lorsque l'étranger est titulaire de la carte de résident et qu'il établit contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil.
En outre, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
B) Que retenir de tous ces textes ?
1°) Une faculté du prefet pour renouveler le titre
Lorsque la communauté de vie issue du mariage ou suite au bénéfice d'un regroupement familial a été dissoute du fait de violences conjugales, le préfet ne pourra retirer le titre de séjour accordé et pourra en accorder le renouvellement.
Ainsi si les violences sont antérieures au titre, celui-ci sera délivré, mais son renouvellement, sera facultatif et soumis à discrétion du préfet, selon sa libre appréciation.
C'est donc une faculté, une possibilité qui en aucun cas n'est un droit automatique pour l'étranger de se voir renouveler son titre.
Une telle brêche serait en effet ouverture à toutes dérives.
C'est donc une appréciation souveraine au cas par cas et sous le contrôle du juge administratif de l'excès de pouvoir en cas de refus.
Bien entendu la moindre des choses sera d'avoir déposé une plainte pénale pour violences munie de certificats médicaux et/ou d'avoir obtenu une ordonnance de protection
CE, 26 septembre 2014, N° 366041 il sera tenu compte du délai écoulé depuis la cessation de la vie commune et les conséquences résultant des violences subies.
Le prefet ne pourra donc exiger que les violences conjugales se soient poursuivies après la rupture de la communauté de vie.
2°) Une contrainte de renouvèlement du prefet en cas d'ordonnance de protection rendue par un JAF
Le préfet ne pourra dans ce cas refuser la délivrance du titre de séjour ,laquelle est ici automatique et de plein droit.
A partir du moment où ces violences conjugales ont été commises par un concubin, partenaire pacsé ou époux l'étranger même irrégulier doit être automatiquement muni d'un titre de séjour vie privée et familiale.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions par le biais des consultations en ligne.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris