Le placement sous tutelle est du ressort du juge des tutelles près le tribunal d'instance dont dépend le domicile du majeur à protéger.
C’est le régime le plus protecteur envisagé par notre droit,puisqu'elle suppose que la personne doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile.
Le tuteur représente et agit dans l'intérêt de la personne protégée en assurant les actes d’administration , dits de gestion de la vie courante et les actes de disposition sur son patrimoine, sous réserve de l’accord du juge des tutelles.
Quelle durée ? et quel renouvellement ?
I- Mise en place et durée initiale de la mesure prise par le juge des tutelles
A) Mise en place de la mesure
La mise en place d'une telle mesure suppose qu'il soit justifié de ce que les facultés mentales ou physiques sont altérées, engendrant une impossibilité d’agir seule, donc à l'appui d'une requête motivée accompagnée d'un certificat médical établit par un médecin figurant sur une liste spécifique.
1°) L'altération des facultés ?
Le juge des tutelles du tribunal d’instance, doit prendre sa décision si une altération médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à entraver l’expression de la volonté, de nature à empêcher de pourvoir seul à ses intérêts est démontré. Il dispose d'un délai d'une année pour statuer.
Un certificat élaboré par des médecins agréés dont la liste est établie par le procureur de la République reste indispensable ( 160 euros).
Si le médecin n'a " pu établir ce certificat du fait de la carence de la personne à protéger ou protégée", alors il perçoit une indemnité de 30 euros (en vertu du décret no 2008-1485 du 22 décembre 2008 relatif à la tarification des certificats et avis médicaux établis dans le cadre des mesures judiciaires de protection juridique des majeurs.
Il faut justifier d'une certaine dégradation des facultés mentales et corporelles.
( ex: maladie, âge, handicap, grave dépression,stress post-traumatique...)
Toute altération des facultés corporelles suppose une répercussion sur l’expression de la volonté. ( ex infirmité motrice liée à un grave accident, parole, gestes...)
2°) L'audition de la personne à protéger ?
-soit après audition de la personne à protéger, en son cabinet ou effectuée au domicile de la personne si son état le nécessite, en présence de son avocat le cas échéant, ou de toute personne de son choix (membre de la famille, amis ,médecin traitant, experts voire après une enquête sociale ).
-soit sans audition si un avis médical l'estime risquée pour la santé de la personne ou si celle-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté.
En attente de jugement , un placement sous sauvegarde de justice sera ordonné avec désignation d'un mandataire spécial le cas échéant.
Le parquet aura son mot à dire dans ces procédures...
B) Durée limitée
1°) Le principe : 5 ans renouvelable jusqu'à 10 ans
article 441 du code civil
La mesure peut être renouvelée pour une même durée; étant rappelé que le juge peut se saisir d'office dans les termes de l'article 442 du code civil qui dispose:
"Le juge peut renouveler la mesure pour une même durée.
Toutefois, lorsque l'altération des facultés personnelles de l'intéressé décrite à l'article 425 n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l'article 431, renouveler la mesure pour une durée plus longue qu'il détermine, n'excédant pas vingt ans.
Le juge peut, à tout moment, mettre fin à la mesure, la modifier ou lui substituer une autre mesure prévue au présent titre, après avoir recueilli l'avis de la personne chargée de la mesure de protection.
Il statue d'office ou à la requête d'une des personnes mentionnées à l'article 430, au vu d'un certificat médical et dans les conditions prévues à l'article 432. Il ne peut toutefois renforcer le régime de protection de l'intéressé que s'il est saisi d'une requête en ce sens satisfaisant aux articles 430 et 431. »
Cela suppose ainsi pour le juge de vérifier régulièrement si l’état de santé de la personne justifie ou non le maintien de la mesure, et de la renforcer le cas échéant.
Même analyse pour le renouvellement.
Donc en en principe durant l'exécution et à l'issue de la durée un réexamen de la situation est obligatoire sous peine de voir la mesure de protection levée.
Autrement dit si la situation évolue avant l'issue de la mesure, une mainlevée peut être envisagée...
2°) L'exception article 442 al 2 du code civil précité 10 ans renouvelable jusqu'à 20 ans
10 ans si l'altération des facultés personnelles de la personne sous tutelle n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises par la science.
Le juge doit motiver sa décision et recueillir l'avis conforme du médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la république.
Le juge après avis du médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la république devra motiver sa décision.
Le juge pourra, ainsi par une décision motivée et après avis conforme d’un médecin agréé, prévoir une durée plus longue dans le cadre d'une mesure de renouvellement de tutelle qui ne pourra excéder 20 ans.
1ère Civ, 13/05/2015, pourvoi N°14-14904 au visa des articles 425 et 442 al 2 du code civil rappelle ainsi que le juge doit motiver sa décision quant à l'impossibilité manifeste, selon les données acquises de la science, pour la personne sous tutelle, de connaître une amélioration de l'altération de ses facultés personnelles ; et constater que le certificat du médecin compétent préconise un renouvellement de la mesure pour une durée supérieure à 5 ans.
Même analyse pour 1ère Civ, 10 octobre 2012 pourvoi N°11-14441 rappelle au visa de l'article 442 al 2 du code civil, qu'il appartient au juge des tutelles qui renouvelle par ordonnance motivée au-delà de 5 ans une telle mesure qu'il lui appartient de relever qu'il ressort des constatations médicales que la durée au-delà de 5 ans est nécessaire.
Elle casse pour défaut de base légale.
En l'espèce le juge à défaut de prononcer la mainlevée d'une curatelle renforcée ordonnée en 1999 sur une femme atteinte d'une maladie d'alzheimer, l'avait prolongée dix ans car aux dires du psychiatre l’altération des facultés mentales résultant d’une schizophrénie avec déficit cognitif apparaissait peu susceptible de connaître une amélioration, selon les données acquises de la science ;
Cassation: parce-qu'en se déterminant ainsi,il n'a pas été constaté que le certificat du médecin préconisait un renouvellement de la mesure pour une durée supérieure à cinq ans, le tribunal de grande instance n’a pas donné de base légale à sa décision ...
II- La fin de la mesure ou son renouvellement ?
La mesure peut prendre fin à tout moment ou à son échéance.
Article 443 du code civil
"La mesure prend fin, en l'absence de renouvellement, à l'expiration du délai fixé, en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée ou en cas de décès de l'intéressé.
Sans préjudice des articles 3 et 15, le juge peut également y mettre fin lorsque la personne protégée réside hors du territoire national, si cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la mesure."
Toute personne ayant un intérêt peut demander la cessation de la mesure ou un réexamen . Le juge des tutelles peut aussi se saisir d'office
A) Au décès de la personne
B) en cas d’amélioration de l’état de la personne protégée
Cela se fera par demande de mainlevée de la personne protégée ou d'un membre de sa famille auprès du juge des tutelles du lieu de résidence dont dépend le majeur protégé à l'appui d'un un certificat médical détaillé d’un médecin expert. ( article 442 alinéa 4 du Code Civil ).
Une demande par lettre recommandée avec AR est envisageable.
C) En l'absence de renouvellement à l'échéance
Le non-respect de l’obligation de révision de la mesure à l’échéance fixée induira automatiquement la levée de la mesure.
D) Par substitution d'une mesure de curatelle aux lieu et place de la tutelle,
E) Lorsque la personne protégée réside hors du territoire national, si cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la mesure.
Tout recours à un refus peut se concevoir dans les quinze jours suivant la notification du jugement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Demeurant à votre entière disposition.
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris