En 1810 : le « devoir conjugal » était une obligation qui rendait le viol inconcevable entre époux
Depuis la loi du 23 décembre 1980, le viol est défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ( article 222-23 du code pénal).
Il constitue un crime susceptible de la cour d’assises, réprimé de 15 ans de réclusion criminelle, peine majorée à 20 ans par l’article 222-24- 11°) Lorsqu'il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;
La question du viol commis au sein du couple et en particulier entre époux reste cependant délicate pour plusieurs raisons majeures parce que :
- entre époux une certaine présomption de consentement existe dans le cadre des relations sexuelles. Il est donc difficile de prouver l'absence de consentement,
- il n’y a pas de témoins, les faits se passent dans un lieu clos, fermé,
- La preuve sera difficile à établir, souvent parole contre la parole, avec parfois une éventuelle vengeance entre conjoint à envisager en cas d’adultère, de séparation ou de divorce,
- cet acte suppose une analyse de la vie privée, du comportement des époux, qui n’exclut jamais le risque de dérives ou d’erreurs judiciaires…
Le droit pénal, s’immisce dans la vie affective...
A) La loi N° 80-1041 du 23 décembre 1980
a défini le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». (article 222-23 du Code pénal )
Une victime de viol prouvera la contrainte, l’absence de consentement, le caractère imposé d’une relation sexuelle est bien, aux yeux de la loi.
B) La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs
Le législateur a confirmé cette jurisprudence par la loi du 4 avril 2006 (article 222-22 alinéa 2 du Code pénal) , et a introduit la notion de présomption de consentement à l'acte sexuel dans le code pénal pour les personnes mariées jusqu'à preuve contraire.
C'est aussi une circonstance aggravante de la peine , jusqu’à 20 ans ( au lieu de 15 ans) La notion de couple est prise dans son sens large (mariage, PACS, concubinage) p»
Ces violences constituent une rupture de confiance et de respect mutuel Reconnaissance textuelle du viol entre époux
L’article 11 de la loi du 4 avril 2006 introduit l’alinéa 2 de l’article 222-22 du Code pénal
« Le viol et les autres agressions sexuelles sont constituées lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage. Dans ce cas, la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel ne vaut que jusqu’à preuve du contraire. »
C) en 2010
1°- La loi n°2010-121 du 8 février 2010
tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux englobe dans l'article 222-24 du code pénal ,le viol commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;
2°- La Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010
relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, envisage la Suppression de la présomption du consentement des époux à l'acte sexuel .
Dans un prochain article, j'aborde la preuve de l'absence du consentement...( cliquez sur le lien pour lire l'article)
3°- La Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel
II- La jurisprudence
Le 16 octobre 2013, la cour d’Assises du Val de Marne a condamné un homme à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour avoir violé sa femme, après l’avoir battue entre le 6 et le 7 décembre 2010.
Certains parlent de victoire du droit mais aussi relèvent le courage de cette femme et mère qui a été jusqu’au bout de sa procédure.
A) La chambre criminelle de la Cour de cassation
Cass Crim, 5 septembre 1990 a reconnu pour la première fois le crime de viol entre époux durant le mariage.
Auparavant Cass. Crim, 17 juillet 1984 , pourvoi N°84-91.288 l'avait admis pour des époux en instance de divorce
La reconnaissance de cette notion n’ayant « d’autre fin que de protéger la liberté de chacun », le crime de viol «n’exclut pas de ses prévisions les actes de pénétration sexuelle entre personnes unies par les liens du mariage»
Depuis Crim 11 juin 1992, Bull Crim 1992 N°232 la chambre criminelle de la Cour de Cassation confirme sa jurisprudence et reconnaît l’existence du viol entre époux sans autre blessure ou violences,
« la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l'intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu'à preuve du contraire ».
B) La Cour Européenne des Droits de l'Homme
CEDH 22 novembre 1995, CR et SW, Royaume-Uni
a validé la notion de viol entre époux en se référant au caractère par essence avilissant du viol par rapport à une conception civilisée du mariage..
III La preuve de l’élément matériel et moral s’imposera, et sera appréciée scrupuleusement…
Où commence le désir, où fini le consentement ?
L’erreur judiciaire est toujours possible…
Le traumatisme bien réel…
1°- L’élément matériel du viol
A la différence de l'agression sexuelle qui suppose un contact, des attouchements entre la victime et son agresseur, le viol est constitué par:
a) un acte de pénétration sexuelle commise sur la personne d’autrui (vaginale, anale (sodomie), orale (fellation) ou pénétration par la main ou par objets...)
Crim, 6 déc. 1995, Bull. crim no 372, dans lequel le caractère sexuel de l’introduction du bâton dans l’orifice anal de la victime a été déduit de la présence d’un préservatif sur celui-ci.
Crim, 22 août 2001, pourvoi N° 01-84024 " l’élément matériel du crime de viol n’est caractérisé que si l’auteur réalise l’acte de pénétration sexuelle sur la personne de la victime »
une nuance est posée,quant à la fellation et l'introduction d'objet dans la bouche...
Crim 16 décembre 1997, pourvoi no 97-85455
« Tout acte de fellation constitue un viol au sens des articles précités, dès lors qu’il est imposé par violence, contrainte, menace ou surprise, à celui qui le subit ou à celui qui le pratique"
Crim, 21 févr. 2007, pourvoi n° 06-89.543 "Pour être constitutive d’un viol, la fellation implique une pénétration par l’organe sexuel masculin de l’auteur et non par un objet le représentant"
b) un acte commis avec violence, menace, contrainte, ou surprise. (les moyens du viol seront à envisager, objet, arme, etc...)
Cela permet d’établir par définition le défaut de consentement de la victime.
2°- L’élément moral : la conscience du caractère illégitime de l'acte
Le viol implique que l’auteur ait su, qu'il ait réalisé en conscience imposer à sa victime un acte de pénétration sexuelle, auquel elle ne consent pas librement en connsissance de cause.
Souvent, la preuve de l'élément moral découlera des moyens employés par l'auteur du viol pour atteindre son but.
Lorsque le défaut de consentement sera douteux, la notion "fourre tout" d'attouchemlents sexuels " sera un moyen de sanction.
IV -Les moyens de preuve
A) La police scientifique : les éléments issus de la scène du crime
Les prélèvements seront importants.
Il conviendra si possible que la victime ne se lave pas à cette fin, lors du dépôt immédiat de plainte, afin que des prélèvements corporels se fassent au sein des UMJ.
Tout morceau de tissu (vêtements, dessous) empreinte ADN dans le cheveu, de sperme, digitale ou autre empreinte de l'auteur, toutes traces de sang , de coups…seront des indices.
Les premières analyses d’urine seront utiles à conserver après le viol…
B) Les auditions et confrontations liées aux faits : l’analyse des faits et des contradictions
cela se fera au regard des déclarations des uns et des autres.Souvent c’est parole contre parole, il faut rechercher les contradictions, incohérences,climat...
Le cas échéant l'éventuelle audition des tiers, ou enfants qui ont pu assister aux faits.
Les contradictions seront relevées par les enquêteurs ,le juge d’instruction, la cour d’assises…l’analyse des faits…
L’aveu, reine des preuves, serait l’idéal…
C) Les enquêtes : voisinage, personnalité de l’agresseur et de la victime
Recherche du caractère pervers, passé du mis en cause, condamnations passées, (casier)
D) La consultation de fichiers
-fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) issu de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004
placé sous la responsabilité du ministère de la Justice (service du casier judiciaire) et le contrôle d'un magistrat.
-fichier national automatisé des empreintes génétiques FNAEG
La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles a créé le FNAEG qui centralise les empreintes génétiques (ADN) des personnes non identifiées, dont les empreintes sont issues de prélèvement sur les lieux d’une infraction, personnes identifiées, qui ont été condamnées ou mises en cause dans une procédure pénale (selon l’article 706-55 du Code de procédure pénale dont les infractions de nature sexuelle...
Le fait de refuser de se soumettre au prélèvement biologique prévu au premier alinéa du I est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Lorsque les faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
E) Les expertises psychiatriques et examens médicaux
Enquête de personnalité, entourage, voisinage, de famille
Tant pour l’agresseur que la victime Les expertises psychiatriques vont également rentrer en ligne de compte ainsi que d’autres éléments qui vont forger la conviction du juge.
F) Les témoignages
En conclusions rappelons deux points essentiels :
- La prescription
La loi fixe une prescription pénale pour les victimes majeures, de 10 ans, à compter de la date des faits, pour porter plainte en cas de viol et de 3 ans s’agissant des agressions sexuelles.
- La possibilité d’invoquer ce comportement, comme grief dans le cadre d’un divorce pour faute, souvent couplé avec des injures et violences…
A contrario, le refus de relations pourrait constituer une faute 2ème Civ, 16 décembre 1963, D 64 p. 227 , dans les devoirs du mariage, au même titre que l'excès TGI Dieppe 25 juin 1970, GP 70 II 243…
La question de la preuve reste entière.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris