I- Le principe textuel
A) Le Droit Pénal
1°- Article 226-15 du Code pénal modifié par la loi N°2013-1168 du 18 décembre 2013 :
Le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique ou de procéder à l'installation d'appareils de nature à permettre la réalisation de telles interceptions.
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2°-Article 432-9 du Code pénal
Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
Est puni des mêmes peines le fait, par une personne visée à l'alinéa précédent ou un agent d'un exploitant de réseaux ouverts au public de communications électroniques ou d'un fournisseur de services de télécommunications, agissant dans l'exercice de ses fonctions, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, l'interception ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, l'utilisation ou la divulgation de leur contenu.
3°- La Loi n°91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par voie de communications électroniques
Le principe de l'article 1 :
« Le secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques est garanti par la loi. Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l’autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-ci. »
B) Le Droit Européen
L'article 8 de la CEHD envisage la protection à la vie privée et familiale.
" 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui."
C) Le Droit Civil
L'article 9 al 1 du Code civil dispose :
« chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. ».
L'avènement d'internet a considérablement augmenté les possibilités de porter atteinte à la vie privée d'autrui.
II- La jurisprudence : Principes et Limites
A) La protection vise tous types de courriers : courriers simples et électroniques
- Tribunal de Grande Instance de Paris 17ème chambre, chambre de la presse, 2 novembre 2000 rappelle les dispositions de l’article 433-9 du Code pénal
« toutes relations par écrit entre deux personnes identifiables, qu'il s'agisse de lettres, de messages ou de plis fermés ou ouverts constitue une correspondance couverte par le secret."
A fortiori l’envoi de message électronique de personne à personne constitue de la correspondance privée.
La messagerie électronique avec un accès "mot de passe", est protégée par le secret de la correspondance ...
Toutes relations par écrit entre deux personnes identifiables constitue une correspondance couverte par le secret.
Les e-mails privés échangés relèveront du secret des correspondances privées au sens de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ; article 9 du Code civil + article 226-15 du Code pénal.
B) Les limites
La jurisprudece est abondante en la matière.
Ainsi sur la production des courriers, courriels destinés à l'employeur et à la justice .
Quelques arrêts significatifs.
1°- La mention « personnel » confère au fichier (dossier) une protection au respect dû à la vie privée.
Il appartient d’identifier ses messages comme « personnels »
Cass. Soc, 30 mai 2007 pourvoi N° 05-43102
Les fichiers qui portent la mention "personnel" ne pourront être ouverts sauf en présence du salarié dûment prévenu au préalable.
Soc, 21 octobre 2009 N° pourvoi: 07-43877:
Au visa de l'article 9 du Code civil sur des dossiers informatiques qui portent de simples initiales ( et non la mention "personnel" )
« Les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, en sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressé ; Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le répertoire n'était pas identifié comme personnel, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ».
Cass. Soc, 5 juillet 2011, pourvoi N° 10-17.284 :
L'employeur peut toujours consulter les fichiers qui n'ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut les utiliser pour le sanctionner s'ils s'avèrent relever de sa vie privée, notamment, des messages d'ordre privé entre un salarié et une collègue étant pour la plupart à l'initiative de celle-ci ...
2°- A contrario, ce qui revêt un caractère professionnel peut être consulté par l’employeur
Dans le cadre de son pouvoir de direction, de surveillance et de contrôle des activités de ses employés, l’employeur pourra sanctionner un salarié car tout ce qui a un caractère professionnel lui permet de consulter les messages au sens large : ex mails, fichiers.
L'accès de la messagerie professionnelle ne constitue pas une atteinte à la vie privée de son salarié, puisqu'elle vise des courriers "rattachables à l'activité professionnelle".
Cass. Soc, 2 février 2011, pourvoi N°09-72449 et N°09-72450 : sur des emails provocateurs n’ayant pour objet que la simple mention « info » jugés en rapport avec l’activité professionnelle des intéressés et de ce fait ne sont pas couverts par le secret de la correspondance .
Cass. Soc, 19 juin 2013, N° 12-12.138, Young et Rubicam c/ M. P.
Les fichiers ou courriers créés en utilisant le matériel informatique mis à la disposition de l’employeur, sont considérés comme lui appartenant.
Leur envoi par mail personnel des employés ne suffit pas à caractériser le caractère personnel des mails et l’employeur peut y accéder hors de la présence du salarié,.
Dès lors qu’une clé USB est connectée à un ordinateur fourni par l’employeur elle est présumée être utilisée à des fins professionnelles. Soc, 12 février 2013, pourvoi N° 11-28.649 .
La nature de messages irréverencieux peut fonder un licenciement pour faute grave ou une sanction disciplinaire.
3 arrêts de Soc 2 février 2011 :
-pourvoi N° 09-72313 : sur un e-mail adressé en copie malencontreusement à une collègue et à son épouse, portant insulte de sa propre hiérarchie, en rapport avec l'activité professionnelle et qui ne revêt aucun caractère privé.
- pourvois N°09-72449 et 09-72450: sur des e-mails provocateurs n’ayant pour objet que la mention « info » en rapport avec l’activité professionnelle et donc non couverts par le secret de la correspondance.
3- Les exceptions dans les interceptions.
La Loi n°91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques porte quelques exceptions
Article 3 : les exceptions dans les interceptions
Peuvent être autorisées, à titre exceptionnel, dans les conditions prévues par l’article 4, les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques ayant pour objet de rechercher des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées.
Article 4
L’autorisation est accordée par décision écrite et motivée du Premier ministre ou de l’une des deux personnes spécialement déléguées par lui. Elle est donnée sur proposition écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur ou du ministre chargé des douanes, ou de l’une des deux personnes que chacun d’eux aura spécialement déléguées.
Article 6 (durée de l’autorisation)
L’autorisation mentionnée à l’article 3 est donnée pour une durée maximum de quatre mois. Elle cesse de plein droit de produire effet à l’expiration de ce délai. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au Barreau de Paris